Jecomprends pas j'ai d'énormes difficultés a séduire des filles et quand rarement j'y arrive impossible de faire plus de 3 mois avec. Je ne comprend absolument rien avec les filles et j'ai l
A chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration de smartphones, nous constatons lâapparition de nouvelles icĂŽnes et de nouveaux boutons difficilement comprĂ©hensibles mĂȘme pour les utilisateurs les plus expĂ©rimentĂ©s. Câest pourquoi nous vous proposons aujourdâhui un petit guide pour vous expliquer la signification des icĂŽnes et des symboles prĂ©sents dans les diffĂ©rents menus dâ barre dâĂ©tatLe tĂ©lĂ©phone mobile est maintenant prĂ©sent dans tous les aspects de la vie. Il est trĂšs difficile voir totalement impossible de sâen passer. Malheureusement avec lâaccroissement du nombre de fonctionnalitĂ©s, lâexpĂ©rience utilisateur sâest largement lâarrivĂ©e de nouvelles interfaces avec des icĂŽnes trĂšs Ă©purĂ©es nâa rien fait pour arranger la situation. Certains pictogrammes sont difficilement identifiables au premier coup dâoeil alors que dâautres sont totalement incomprĂ©hensibles y compris pour les titulaires dâun Bac + vous aider Ă profiter au mieux de votre smartphone, nous avons dĂ©cidĂ© de vous proposer un petit rĂ©capitulatif de toutes les icĂŽnes prĂ©sentes sur lâOS de Google. Nous allons commencer ce tour dâhorizon par la barre dâĂ©tat dâAndroid. Il sâagit de la petite barre noire placĂ©e tout en haut de lâĂ©cran de votre de notifications et symboles affichĂ©s en haut de lâĂ©cranA gauche de celle-ci, vous allez retrouver toutes les icĂŽnes des notifications non lues. Ca peut-ĂȘtre un SMS, un message WhatsApp, un tweet, une capture dâĂ©cran, une nouvelle mise Ă jour provenant du Play Store ou une publication Facebook. Le logo affichĂ© correspond Ă celui de lâapplication liĂ©e Ă la important, la plupart des applications fonctionnant en arriĂšre-plan comme par exemple les antivirus disposent de leurs propres icĂŽnes. Ces derniĂšres sâaffichent en permanence sur lâinterface du tĂ©lĂ©phone. Il nâexiste malheureusement aucune fonction pour les masquer de la barre dâ la partie droite de la barre dâĂ©tat, vous allez pouvoir consulter lâheure, le pourcentage de batterie restant ainsi que la qualitĂ© de la couverture rĂ©seau triangle de votre opĂ©rateur mobile. Dans cette zone figure Ă©galement toutes les icĂŽnes liĂ©es Ă une fonction prĂ©cise de votre smartphone Wi-Fi, Bluetooth, connexion internet, rotation de lâĂ©cran etcâŠ.Le volet de notificationsLes icĂŽnes permettent en thĂ©orie de sâaffranchir de la barriĂšre linguistique. Malheureusement le design minimaliste en vogue sur les OS mobiles ne facilite pas la comprĂ©hension immĂ©diate de lâinformation. Câest cas par exemple des icĂŽnes prĂ©sentes dans le volet de notifications dâ votre doigt en haut de lâĂ©cranFaĂźtes le glisser pour faire apparaĂźtre le volet de notificationsLa barre de rĂ©glages placĂ©e tout en haut vous permettra de faire varier la luminositĂ© de la dalle. Nâoubliez pas que plus votre Ă©cran sera lumineux et plus ce dernier consommera de lâĂ©nergieEn haut Ă gauche vous trouverez lâicĂŽne permettant dâactiver la connexion sans fil Wi-Fi et le BluetoothSur la seconde rangĂ©e se trouve se trouve le bouton permettant dâactiver votre connexion internet mobile 4G, le mode avion dĂ©sactive simultanĂ©ment les connexions cellulaires, le Wi-Fi, le Bluetooth ainsi que la radio FM et la lampe de pocheSur la derniĂšre ligne, vous retrouverez les icĂŽnes permettant dâactiver les fonctionnalitĂ©s suivantes la localisation GPS, le point dâaccĂšs sans fil utiliser son smartphone comme modem sans-fil et les profils audio rĂ©glages sonnerie, mode silencieux, rĂ©unionIl arrive parfois quâon tombe sur une icĂŽne mystĂ©rieuse. Dans ces cas-lĂ pas de panique. Laissez un message dans les commentaires avec un descriptif prĂ©cis de ce curieux pictogramme. Un lecteur du blog se fera un plaisir de vous rĂ©pondre.
Icivous trouvez la solution exacte Ă Bouton Rond Qu'on Tourne Du Doigt pour continuer dans le paquet CodyCross Cirque Groupe 85 Grille 1. Solution pour Bouton Rond Qu'on Tourne Du
Si le niveau 80 est terminĂ©, vous pouvez alors passer Ă cette page qui recense toutes les solutions Brain Out, niveaux 81 Ă 90. On vous offre les indices officiels ainsi que la rĂ©ponse Ă taper et le raisonnement Ă avoir pour y aboutir. >> Solution complĂšte Brain Out Solution Niveau 81 Titre Aidez ZoĂ© Ă boire le sĂ©diment de jus au fond. Description Une petite fille souriante, un verre rempli de jus dâorange, un tĂ©tine et un caillou. Indice Faites glisser la partie infĂ©rieure vers sa bouche. Solution Cliquez sur le bas du verre et glissez jusquâĂ la bouche de ZoĂ©. Elle pourra ainsi boire le concentrĂ© du jus qui Ă©tait au fond du verre. Le niveau est maintenant validĂ©. Solution Niveau 82 Titre Placez les formes dans le bon cadre. Description Nous avons 3 piĂšces colorĂ©es et les contours de chacune dâentre elles. Indice Peut-ĂȘtre quâon peut en mettre quelques unes dans un seul cadre ? Solution Glissez la piĂšce rouge dans la forme qui lui correspond. Faites pareil avec la piĂšce bleue. La piĂšce jaune ne rentre pas dans le rectangle, il faut la glisser dans la piĂšce rouge. Solution Niveau 83 Titre RepĂ©rez les diffĂ©rences. Description Sur une table se trouve deux pots en terre cuite avec des fleurs. Indice Pourquoi ne pas essayer de dĂ©placer la table ? Solution Faites glisser la table vers le bas pour voir dâautres fleurs. Puis cliquez sur les 2 diffĂ©rences fleurs. Nous avons entourĂ© les 2 erreurs ci-dessous Solution Niveau 84 Titre Combien de trous a ce pantalon ? Description Un pantalon bleu avec des trous jeans Indice Notez quâil y a 2 trous Ă lâavant et 2 trous Ă lâarriĂšre. Solution Il y a 9 trous au total. Le grand trou pour lâenfiler, les 2 trous pour chaque jambe, les 4 trous au niveau des genoux 2 Ă lâavant et 2 Ă lâarriĂšre et les 2 trous pour les poches. Solution Niveau 85 Titre Quel est le nombre maximum de morceaux quâune pastĂšque peut ĂȘtre coupĂ©e en 10 morceaux ? Description Une pastĂšque au centre de lâĂ©cran et une case rĂ©ponse. Indice Deux Ă la puissance dix. ça fait 1024 piĂšces. Solution 2^10 = 1024. La solution a taper est 1024. Solution Niveau 86 Titre Attrapez le rat ! Description On peut voir un tuyau, un feu, un morceau de bois, un chat et un caillou. Indice Allumez le bĂąton, fumez un cĂŽtĂ© de la pipe et utilisez votre doigt pour bloquer lâautre cĂŽtĂ©. Solution Glissez le baton sur le feu pour quâil sâallume. Puis placez le baton Ă gauche du tuyau, de la fumĂ©e sortira par la droite. A lâextrĂ©mitĂ© droite du tuyau, placez votre doigt et laissez appuyĂ© pendant plusieurs secondes. Le rat sera enfumĂ© et va sortir du tuyau. Mission accomplie ! Solution Niveau 87 Titre Comment rĂ©ussir ce niveau ? Description Ce nâest pas un ballon ou un cerf volant mais une souris dâordinateur avec les deux boutons oranges et le fil. Indice Nâoubliez pas dâutiliser la souris. Bougez et cliquez avec le bouton droit de la souris. Solution Glissez la souris et vous allez voir le curseur se dĂ©placer flĂšche blanche. Possitionnez la flĂšche sur le bouton prochain » puis cliquer sur le bouton orange de la souris. Solution Niveau 88 Titre Formez le plus petit nombre possible. Description Il y a 4 traits noirs horizontaux et 4 boutons avec des chiffres 5, 6, 8 et 9. Indice Levez le signe â » et faites en sorte que la rĂ©ponse devienne -999. Solution Faites glisser le premier trait vers le haut. Il devient alors le signe moins ». Puis tapez 999. On obtient alors -999 » qui est le plus petit nombre que lâon peut faire avec ces chiffres. Malin ! Solution Niveau 89 Titre Encore une fois ! Description Une cible tourne et on a 20 flĂ©chettes. Indice Agrandir le cercle serait plus facile. Solution Avec deux doigts, faites comme si vous zoomiez la cible afin quâelle soit plus grande. Vous pouvez Ă prĂ©sent lancer vos 20 flĂ©chettes en prenant garde de ne pas en envoyer deux au mĂȘme endroit, sinon il faut recommencer. Câest clairement pas Ă©vident Ă faire, vous devrez certainement vous y reprendre plusieurs fois pour arriver Ă planter les 20 flĂšches sans quâelles ne se touchent. Si jamais ce niveau vous Ă©nerve et que vous nây arrivez pas, vous pouvez utilisez 2 jokers qui permettent de passer au niveau suivant. Solution Niveau 90 Titre Maman est de retour. Aidez-moi Ă cacher la manette de jeu. Description Sur lâĂ©cran, il nây a quâune console de jeu portable. Indice Couvrez la manette de jeu avec votre doigt pendant un petit moment. Solution Mettez votre doigt sur la console et maintenez-le pendant quelques secondes. Il sera ainsi cachĂ© et le niveau sera validĂ© automatiquement. Nous avons enfin terminĂ© cette nouvelle sĂ©rie de niveaux. On espĂšre que nos explications Ă©taient claires et que vous avez rĂ©ussi Ă valider chaque level. On continue notre progression, notre but Ă©tant de terminer le jeu. Passons donc aux niveaux 91 Ă 100 de Brain Out !
Ledoigt d'une personne presse tourne par intermittence sur un bouton en plastique noir. Vidéo à propos cyberespace, énergie, électricité, désactivé, down, créativité - 181939550 Vidéo à propos cyberespace, énergie, électricité, désactivé, down, créativité - 181939550
TĂ©lĂ©charger l'article TĂ©lĂ©charger l'article Le temps de trouver la bonne technique, allumer un briquet peut parfois se rĂ©vĂ©ler compliquĂ©. Ne vous en faites pas, car beaucoup se sont Ă©chinĂ©s comme vous et certains sont dĂ©sormais des experts en matiĂšre d'allumage de briquet. Soyez patient, prudent et rĂ©pĂ©tez ce geste autant que nĂ©cessaire ! Vous y arriverez en vous entrainant rĂ©guliĂšrement. 1 Tenez le briquet dans votre main dominante. RepĂ©rez la molette et le bouton d'allumage. La molette est une rondelle d'acier dentelĂ©e et dure. Lorsqu'on la fait rouler suffisamment vite et fort, elle se heurte Ă une tige de pierre situĂ©e Ă l'intĂ©rieur du briquet, ce qui crĂ©e une Ă©tincelle.[1] Lorsqu'on appuie sur le bouton d'allumage, cela libĂšre la valve de gaz dans le rĂ©servoir Ă combustible. Pour allumer le briquet, vous devez faire rouler la molette tout en maintenant le bouton d'allumage enfoncĂ©. Ne vous en faites pas, cette opĂ©ration est bien plus simple qu'elle n'y parait. Sur un briquet Bic, le bouton d'allumage est en plastique rouge et se situe Ă cĂŽtĂ© de la molette, sur la fourche du briquet. Sur un briquet de type Zippo, le bouton d'allumage, rond et mĂ©tallique, est intĂ©grĂ© au briquet, juste en dessous de la molette. 2 Posez votre pouce sur la molette. Que vous vous serviez de l'extrĂ©mitĂ© ou de l'un des cĂŽtĂ©s de votre pouce, assurez-vous d'appuyer assez fort sur la molette pour atteindre le bouton d'allumage. Votre pouce doit se tenir vers le sommet de la molette, mais lĂ©gĂšrement sous l'arc pour aller en direction du bouton d'allumage. Faites en sorte que la position que vous choisissez soit confortable. Si besoin, essayez diffĂ©rents angles avec votre pouce afin de trouver la position adĂ©quate. Appuyez lĂ©gĂšrement sur la molette, de maniĂšre Ă la diriger vers le bouton d'allumage pour libĂ©rer la valve de gaz. Ă cette Ă©tape, vous n'avez plus qu'Ă dĂ©clencher une Ă©tincelle. 3 D'un geste rapide et Ă©nergique du pouce, faites rouler la molette vers le bas jusqu'au bouton d'allumage. Ne bougez que le pouce et maintenez le bouton d'allumage enfoncĂ© pour que le gaz continue de s'Ă©chapper. Si aucune flamme n'apparait, recommencez. Si vous y arrivez, la molette va dĂ©clencher une Ă©tincelle qui enflammera le gaz libĂ©rĂ© par le bouton d'allumage. Vous saurez immĂ©diatement si vous y ĂȘtes parvenu soit une flamme stable sortira du briquet, soit vous ne verrez rien. S'il ne sort qu'une Ă©tincelle du briquet, alors que vous avez tournĂ© la molette assez vite et assez fort, recommencez. Si le briquet ne fait que des Ă©tincelles, il se peut que le rĂ©servoir de gaz soit presque Ă©puisĂ© ou vide. Prenez un autre briquet. 4 Continuez vos essais jusqu'Ă obtenir une flamme. Si vous avez du mal, essayez d'appuyer plus fort sur la molette et de rapprocher lĂ©gĂšrement votre pouce du bouton d'allumage. Vous aurez ainsi plus de force, car vous aurez plus d'appui. Veillez Ă faire tourner la molette assez vite. Pour ne bouger que le pouce, serrez le reste du briquet avec vos quatre autres doigts, comme si vous teniez une balle antistress dans votre poignet. Il faut que votre main soit ferme. Essayez d'appuyer sur le bouton d'allumage Ă une ou deux reprises sans faire tourner la molette pour ĂȘtre sĂ»r que vous l'enfoncez complĂštement. Si vous n'appuyez pas assez fort, vous ne libĂšrerez pas assez de gaz. PublicitĂ© 1 Tenez le briquet en position verticale dans votre main. Placez-le en dessous de ce que vous voulez allumer. La flamme restera verticale, quel que soit l'angle du briquet et vous risquez de vous bruler si vous tenez le briquet en position horizontale. Tenez votre main Ă distance de la flamme et de ce que vous allumez. Veillez Ă ne pas vous bruler. 2 Soyez prudent en maniant la flamme. Tant il est puissant, le feu peut facilement tuer quelqu'un. N'allumez jamais un briquet si vous n'ĂȘtes pas en mesure de l'Ă©teindre. Ăvitez d'allumer un feu dans un endroit inflammable, du moins tant que vous n'ĂȘtes pas sĂ»r de vous. N'allumez votre briquet que dans des endroits bien ventilĂ©s. Si vous sentez une odeur de gaz lĂ oĂč vous vous trouvez ou s'il y a dĂ©jĂ eu une fuite de gaz, ne l'allumez pas. Ăvitez Ă©galement de l'allumer en remplissant le rĂ©servoir de gaz ou en manipulant des rĂ©cipients qui ont contenu du gaz inflammable. Faites particuliĂšrement attention dans des zones boisĂ©es ou des prairies sĂšches, surtout en Ă©tĂ©. Une simple Ă©tincelle peut dĂ©clencher un incendie qui brulerait des milliers d'hectares et s'il y a du vent, il peut devenir hors de contrĂŽle en seulement un instant. 3 Ne gardez pas la flamme de votre briquet allumĂ©e plus de deux minutes. Si le briquet reste allumĂ© trop longtemps, il sera en surchauffe et vous pourriez bruler votre main ou les Ă©lĂ©ments inflammables qui vous entourent. Les briquets sont en mĂ©tal et en plastique, deux matĂ©riaux qui chauffent assez facilement. Prenez garde de ne pas vous bruler. Si le briquet est trop chaud pour que vous vous en serviez, laissez-le refroidir quelques minutes. 4 Pensez Ă rĂ©gler le flux de gaz. Sur certains briquets, vous trouverez une petite molette latĂ©rale il s'agit souvent d'une molette noire en plastique que l'on rĂšgle de gauche Ă droite entre les signes + et â. Le signe + correspond Ă la flamme la plus grande et le â Ă la plus petite. Vous pouvez placer la molette n'importe oĂč entre ces deux extrĂ©mitĂ©s. Si vous voulez Ă©conomiser le gaz, placez la molette du cĂŽtĂ© du signe â. Ajustez si nĂ©cessaire. Si vous voulez que la flamme soit grande et impressionnante ou si vous prĂ©fĂ©rez maintenir votre main bien Ă distance de ce que vous allumez, placez la molette vers le cĂŽtĂ© du +. Sachez que dans cette position, le rĂ©servoir de carburant se videra beaucoup plus vite, car il faut plus de gaz pour former une grande flamme. 5Pour votre information, les briquets Ă gaz ne fonctionnent plus trĂšs bien Ă partir de 3 000 mĂštres d'altitude.[2] Si vous vous aventurez en trĂšs haute montagne, pensez Ă prendre des allumettes. 6 Pour faciliter l'allumage d'un briquet Bic, vous pouvez enlever la sĂ©curitĂ©. Il s'agit de la languette de mĂ©tal lisse qui entoure l'intĂ©rieur de la molette. Cette astuce vous permettra de moins forcer sur votre doigt et la molette tournera plus librement. Tournez la molette jusqu'Ă repĂ©rer l'ouverture de la languette de sĂ©curitĂ© l'endroit oĂč elle n'est pas soudĂ©e. InsĂ©rez un objet fin, mais solide, tel qu'une clĂ© ou un tournevis, dans le trou d'oĂč sort la flamme du briquet et utilisez les bords du trou comme levier pour Ă©carter la languette de sĂ©curitĂ©.[3] Prenez votre temps et protĂ©gez vos yeux, car la languette de sĂ©curitĂ© peut soudain vous sauter au visage. Sachez que la languette de sĂ©curitĂ© permet d'Ă©viter que les enfants se servent d'un briquet.[4] Si vous l'enlevez, la molette sera plus facile Ă tourner, mais veillez Ă la garder en cas de besoin. PublicitĂ© Avertissements Afin d'Ă©viter que votre briquet ne surchauffe, ne le gardez pas allumĂ© en continu plus de deux minutes. Laissez-le ensuite refroidir avant de vous en resservir. Ne jouez pas avec le feu. Ăloignez la flamme de tout objet inflammable. Ne l'approchez pas non plus de votre visage, de vos vĂȘtements ou de ceux de quelqu'un d'autre. PublicitĂ© Ă propos de ce wikiHow Cette page a Ă©tĂ© consultĂ©e 20 750 fois. Cet article vous a-t-il Ă©tĂ© utile ?
Aprésun scan avec Malwarebyte: celui ci tourne en rond sur : malwarebyte C:\programdata\\\\\ avec une multitude d'antislash. !l'analyse ne se termine donc jamais. Je souhaitais savoir si dans la communauté quelqun avait déja eu ce problÚme ? Merci par avance. Moi aussi Posez votre question Signaler; A voir également: Malwarebyte tourne en rond; Malwarebyte tourne en rond
Si vous avez une petite bosse rouge sur la main, il y a de fortes chances que ce soit un bouton. Bien que ce ne soit pas lâendroit le plus commun pour attraper un bouton, nos mains sont constamment exposĂ©es Ă la saletĂ©, aux huiles et aux bactĂ©ries. Toutes ces choses peuvent causer des poussĂ©es dâacnĂ©. Nos mains, cependant, sont Ă©galement sujettes Ă dâautres conditions qui peuvent parfois ĂȘtre confondues avec des boutons. Quâest-ce qui cause un bouton sur votre main ? AcnĂ© Les boutons sont causĂ©s par un problĂšme de peau appelĂ© acnĂ©, auquel presque tout le monde doit faire face Ă un moment ou Ă un autre de sa vie. Contrairement Ă la croyance populaire, les adolescents ne sont pas les seuls Ă souffrir dâacnĂ© â les adultes aussi. Les principaux dĂ©clencheurs de lâacnĂ© sont une accumulation de saletĂ©, de sĂ©bum, de peau morte ou de bactĂ©ries dans les pores et les follicules pileux de notre peau. Ces irritants font gonfler cette zone de la peau et la remplissent parfois de petites quantitĂ©s de pus. Cela peut se produire presque nâimporte oĂč sur votre corps, et les mains ne font pas exception. Une des meilleures dĂ©fenses contre lâacnĂ© sur vos mains ? Les garder propres en les lavant rĂ©guliĂšrement. Mais soyez conscient que lâacnĂ© peut aussi ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e par des lavages trop frĂ©quents avec des savons agressifs. Ces savons tuent les bonnes bactĂ©ries sur notre peau et peuvent perturber lâĂ©quilibre du pH de la rĂ©gion, causant une inflammation. Autres causes Pensez Ă toutes les saletĂ©s, huiles, graisses et produits chimiques avec lesquels vos mains entrent en contact quotidiennement. Pensez maintenant Ă tous les germes que vous touchez dans les salles de bains, les cuisines et les espaces publics tous les jours. MalgrĂ© tous nos efforts pour nous laver, nos mains sont sujettes Ă de nombreuses affections cutanĂ©es diffĂ©rentes. La bosse sur votre main peut ĂȘtre un bouton, mais elle peut aussi ĂȘtre autre chose. Voici quelques signes que vous nâavez peut-ĂȘtre pas affaire Ă un simple bouton Il est trĂšs douloureux ou extrĂȘmement enflĂ© et irritĂ©. Elle ne disparaĂźt pas dâelle-mĂȘme en une semaine environ. Il contient une grande quantitĂ© de pus ou mĂȘme suinte du liquide. Il continue de grandir au-delĂ de la taille normale des boutons. La chose dĂ©licate est que de nombreuses affections cutanĂ©es courantes se ressemblent, ce qui signifie quâelles commencent par de petites bosses rouges que lâon peut facilement confondre avec des boutons. Voici quelques-unes des affections cutanĂ©es courantes des mains que vous voudrez peut-ĂȘtre connaĂźtre Dermatite atopique. Le type dâeczĂ©ma le plus courant, cette affection provoque de petites bosses rouges, souvent sur les mains, qui peuvent ĂȘtre trĂšs irritantes. Si ce qui semble ĂȘtre des boutons sur votre main commencent Ă se propager, des dĂ©mangeaisons et des Ă©cailles, vous pourriez avoir affaire Ă une dermatite atopique. Kyste de ganglion. Ce kyste, ou petit sac de liquide, apparaĂźt gĂ©nĂ©ralement sur les mains et le poignet. Vous devriez soupçonner que votre bouton est en fait un kyste ganglionnaire sâil prend de lâampleur et devient douloureux au toucher. AbcĂšs. Un abcĂšs est trĂšs semblable Ă un kyste en ce sens quâil sâagit dâune petite bosse rouge remplie de liquide. La principale diffĂ©rence est que les abcĂšs se forment habituellement en raison de lâinfection et sont souvent beaucoup plus graves et douloureux. Calcinose. Cette condition provoque une accumulation de calcium dans ou sous la peau, formant parfois de petites ou grandes bosses blanches. Si la bosse sur votre main est blanche, grandit et commence Ă fuir un liquide crayeux, cela pourrait ĂȘtre une calcinose. Des verrues. Si ce qui semble ĂȘtre un bouton sur votre main se propage dans une plaque de petites bosses qui sont squameuses ou granuleuses, vous pourriez avoir affaire Ă des verrues communes. Ils sont habituellement inoffensifs, mais peuvent nĂ©cessiter lâattention dâun mĂ©decin sâils deviennent douloureux ou sâĂ©tendent Ă une zone sensible de votre corps. Comment traiter un bouton sur votre main Si vous ĂȘtes sĂ»r que la bosse sur votre main est un bouton commun, il est plus que probable quâelle disparaĂźtra au cours de quelques jours ou semaines sans traitement. Si vous souhaitez accĂ©lĂ©rer le processus ou prĂ©venir dâautres boutons de la main, il y a quelques options. HygiĂšne Passez Ă un savon doux et lavez-vous les mains quelques fois par jour, surtout aprĂšs ĂȘtre allĂ© aux toilettes et avoir manipulĂ© des articles sales ou huileux. MĂ©dicaments Ă moins dâavoir des Ă©ruptions dâacnĂ© rĂ©currentes importantes sur les mains, un petit traitement localisĂ© avec des mĂ©dicaments en vente libre â comme une crĂšme ou un gel contenant de lâacide salicylique ou du peroxyde de benzoyle â pour sĂ©cher la rĂ©gion, combattre les bactĂ©ries et favoriser la guĂ©rison. Soulagement de la douleur Si le bouton sur votre main vous cause dâĂ©normes douleurs, cela pourrait ĂȘtre un kyste ou quelque chose de plus grave, et vous devriez consulter un dermatologue. Pour un inconfort mineur causĂ© par un bouton de la main, vous pouvez vous tourner vers un analgĂ©sique en vente libre comme lâibuprofĂšne Advil ou lâacĂ©taminophĂšne Tylenol. Traiter naturellement un bouton sur la main Vous avez Ă©galement beaucoup dâoptions naturelles pour traiter vos boutons Ă la maison, quâils soient sur votre main ou ailleurs. En prime, les remĂšdes naturels sentent habituellement bon et peuvent parfois avoir dâautres bienfaits pour votre peau en plus de combattre lâacnĂ© et lâinflammation, comme lâhydratation. Les praticiens de la guĂ©rison naturelle suggĂšrent lâapplication directe de substances telles que thĂ© vert aloe vera chĂ©ri Ă la menthe Les huiles essentielles extraites dâĂ©lĂ©ments naturels et de plantes sont populaires, et pour cause. Certaines Ă©tudes ont montrĂ© que, parmi dâautres avantages, ils peuvent ĂȘtre utiles pour rĂ©duire lâinflammation et prĂ©venir les poussĂ©es dâacnĂ©. Les huiles essentielles concentrĂ©es peuvent ĂȘtre irritantes pour la peau, il peut donc ĂȘtre nĂ©cessaire de diluer certains types avant de les utiliser avec de lâeau ou une huile vĂ©gĂ©tale. Suivez les instructions du fabricant. Il est Ă©galement recommandĂ© de faire un patch test avant dâappliquer des huiles essentielles diluĂ©es sur les boutons Mettez une petite quantitĂ© sur votre avant-bras et attendez 24 heures. Si la peau est irritĂ©e dans cette zone, ne pas utiliser cette huile pour le traitement. Essayez ces huiles essentielles pour le traitement localisĂ© de votre bouton de la main arbre Ă thĂ© Ă la cannelle romarin lavande Devriez-vous mettre le bouton sur votre main ? Faire sauter un bouton accĂ©lĂšre la guĂ©rison » est un mythe courant. Votre meilleur choix est de laisser le bouton suivre son cours naturellement et sâestomper avec le temps. Faire sauter le bouton sur votre main pourrait enfoncer lâinfection plus profondĂ©ment dans la peau, propager des bactĂ©ries, enflammer davantage votre peau, ou mĂȘme causer des cicatrices. Un bouton sur votre main, ou nâimporte oĂč ailleurs sur votre corps, partira habituellement tout seul si vous le laissez seul et maintenez le secteur propre en utilisant un savon doux. Vous pouvez Ă©galement le traiter pour une cicatrisation plus rapide ou prĂ©venir de futures flambĂ©es dâacnĂ© en utilisant des crĂšmes OTC peu coĂ»teuses. Les boutons ne causent souvent pas beaucoup de douleur, nâexsudent pas beaucoup de pus ou de liquide, ou durent plus dâune semaine ou deux. Si la bosse sur votre main montre certains de ces signes, il est possible quâil sâagisse dâun kyste ou dâun autre problĂšme de peau qui devrait ĂȘtre Ă©valuĂ© par votre mĂ©decin ou un dermatologue.
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Voicitoutes les rĂ©ponses Bouton rond qu'on tourne du doigt. Cette question fait partie du jeu populaire CodyCross! Ce jeu a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par Fanatee Games, une sociĂ©tĂ© de jeux vidĂ©o trĂšs connue. Puisque vous ĂȘtes dĂ©jĂ ici, il y a de fortes chances que vous soyez coincĂ© Ă un niveau spĂ©cifique et que vous cherchiez notre aide. Ne
Bonjour, Comme vous avez choisi notre site Web pour trouver la rĂ©ponse Ă cette Ă©tape du jeu, vous ne serez pas déçu. En effet, nous avons prĂ©parĂ© les solutions de CodyCross Bouton rond quâon tourne du doigt. Ce jeu est dĂ©veloppĂ© par Fanatee Games, contient plein de niveaux. Câest la tant attendue version Française du jeu. On doit trouver des mots et les placer sur la grille des mots croisĂ©s, les mots sont Ă trouver Ă partir de leurs dĂ©finitions. Le jeu contient plusieurs niveaux difficiles qui nĂ©cessitent une bonne connaissance gĂ©nĂ©rale des thĂšmes politique, littĂ©rature, mathĂ©matiques, sciences, histoire et diverses autres catĂ©gories de culture gĂ©nĂ©rale. Nous avons trouvĂ© les rĂ©ponses Ă ce niveau et les partageons avec vous afin que vous puissiez continuer votre progression dans le jeu sans difficultĂ©. Si vous cherchez des rĂ©ponses, alors vous ĂȘtes dans le bon sujet. Le jeu est divisĂ© en plusieurs mondes, groupes de puzzles et des grilles, la solution est proposĂ©e dans lâordre dâapparition des puzzles. Vous pouvez Ă©galement consulter les niveaux restants en visitant le sujet suivant Solution Codycross MOLETTE Nous pouvons maintenant procĂ©der avec les solutions du sujet suivant Solution Codycross Cirque Groupe 85 Grille 1. Si vous avez une remarque alors nâhĂ©sitez pas Ă laisser un commentaire. Si vous souhaiter retrouver le groupe de grilles que vous ĂȘtes entrain de rĂ©soudre alors vous pouvez cliquer sur le sujet mentionnĂ© plus haut pour retrouver la liste complĂšte des dĂ©finitions Ă trouver. Merci Kassidi Amateur des jeux d'escape, d'Ă©nigmes et de quizz. J'ai créé ce site pour y mettre les solutions des jeux que j'ai essayĂ©s. This div height required for enabling the sticky sidebar
BoutonRond Qu'on Tourne Du Doigt Solution. Réponses mises à jour et vérifiées pour le niveau CodyCross Cirque Groupe 85. Solution. Bouton rond qu'on tourne du doigt Solution . M O L E T
A MARIE-ANTOINE-JULES SENARD MEMBRE DU BARREAU DE PARIS EX-PRESIDENT DE L'ASSEMBLEE NATIONALE ET ANCIEN MINISTRE DE L'INTERIEUR Cher et illustre ami, Permettez-moi d'inscrire votre nom en tĂÂȘte de ce livre et au-dessus mĂÂȘme de sa dĂ©dicace ; car c'est Ă vous, surtout, que j'en dois la publication. En passant par votre magnifique plaidoirie, mon oeuvre a acquis pour moi-mĂÂȘme comme une autoritĂ© imprĂ©vue. Acceptez donc ici l'hommage de ma gratitude, qui, si grande qu'elle puisse ĂÂȘtre, ne sera jamais Ă la hauteur de votre Ă©loquence et de votre dĂ©vouement. GUSTAVE FLAUBERT Paris, le 12 avril 1857 A LOUIS BOUILHET PREMIERE PARTIE I. Nous Ă©tions Ă l'Etude, quand le Proviseur entra suivi d'un nouveau habillĂ© en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se rĂ©veillĂšrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maĂtre d'Ă©tudes - Monsieur Roger, lui dit-il Ă demi-voix, voici un Ă©lĂšve que je vous recommande, il entre en cinquiĂšme. Si son travail et sa conduite sont mĂ©ritoires, il passera dans les grands, oĂÂč l'appelle son ĂÂąge. RestĂ© dans l'angle, derriĂšre la porte, si bien qu'on l'apercevait Ă peine, le nouveau Ă©tait un gars de la campagne, d'une quinzaine d'annĂ©es environ, et plus haut de taille qu'aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupĂ©s droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassĂ©. Quoiqu'il ne fĂ»t pas large des Ă©paules, son habit-veste de drap vert Ă boutons noirs devait le gĂÂȘner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habituĂ©s Ă ĂÂȘtre nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d'un pantalon jaunĂÂątre trĂšs tirĂ© par les bretelles. Il Ă©tait chaussĂ© de souliers forts, mal cirĂ©s, garnis de clous. On commença la rĂ©citation des leçons. Il les Ă©couta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant mĂÂȘme croiser les cuisses, ni s'appuyer sur le coude, et, Ă deux heures, quand la cloche sonna, le maĂtre d'Ă©tudes fut obligĂ© de l'avertir, pour qu'il se mĂt avec nous dans les rangs. Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d'avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dĂšs le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon Ă frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussiĂšre ; c'Ă©tait lĂ le genre. Mais, soit qu'il n'eĂ»t pas remarquĂ© cette manoeuvre ou qu'il n'eĂ»t osĂ© s'y soumettre, la priĂšre Ă©tait finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'Ă©tait une de ces coiffure d'ordre composite, oĂÂč l'on retrouve les Ă©lĂ©ments du bonnet Ă poil, du chapska du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbĂ©cile. OvoĂÂŻde et renflĂ©e de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s'alternaient, sĂ©parĂ©s par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonnĂ©, couvert d'une broderie en soutache compliquĂ©e, et d'oĂÂč pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en maniĂšre de gland. Elle Ă©tait neuve ; la visiĂšre brillait. - Levez-vous, dit le professeur. Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit Ă rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude, il la ramassa encore une fois. - DĂ©barrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui Ă©tait un homme d'esprit. Il y eut un rire Ă©clatant des Ă©coliers qui dĂ©contenança le pauvre garçon, si bien qu'il ne savait s'il fallait garder sa casquette Ă la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tĂÂȘte. Il se rassit et la posa sur ses genoux. - Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom. Le nouveau articula, d'une voix bredouillante, un nom inintelligible. - RĂ©pĂ©tez ! Le mĂÂȘme bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huĂ©es de la classe. - Plus haut ! cria le maĂtre, plus haut ! Le nouveau , prenant alors une rĂ©solution extrĂÂȘme, ouvrit une bouche dĂ©mesurĂ©e et lança Ă pleins poumons, comme pour appeler quelqu'un, ce mot Charbovari . Ce fut un vacarme qui s'Ă©lança d'un bond, monta en crescendo , avec des Ă©clats de voix aigus on hurlait, on aboyait, on trĂ©pignait, on rĂ©pĂ©tait Charbovari ! Charbovari ! , puis qui roula en notes isolĂ©es, se calmant Ă grand-peine, et parfois qui reprenait tout Ă coup sur la ligne d'un banc oĂÂč saillissait encore çà et lĂ , comme un pĂ©tard mal Ă©teint, quelque rire Ă©touffĂ©. Cependant, sous la pluie des pensums, l'ordre peu Ă peu se rĂ©tablit dans la classe, et le professeur, parvenu Ă saisir le nom de Charles Bovary, se l'Ă©tant fait dicter, Ă©peler et relire, commanda tout de suite au pauvre diable d'aller s'asseoir sur le banc de paresse, au pied de la chaire. Il se mit en mouvement, mais, avant de partir, hĂ©sita. - Que cherchez-vous ? demanda le professeur. - Ma cas..., fit timidement le nouveau , promenant autour de lui des regards inquiets. - Cinq cents vers Ă toute la classe ! exclamĂ© d'une voix furieuse, arrĂÂȘta, comme le Quos ego , une bourrasque nouvelle. - Restez donc tranquilles ! continuait le professeur indignĂ©, et s'essuyant le front avec son mouchoir qu'il venait de prendre dans sa toque Quant Ă vous, le nouveau , vous me copierez vingt fois le verbe ridiculus sum . Puis, d'une voix plus douce - Eh ! vous la retrouverez, votre casquette ; on ne vous l'a pas volĂ©e ! Tout reprit son calme. Les tĂÂȘtes se courbĂšrent sur les cartons, et le nouveau resta pendant deux heures dans une tenue exemplaire, quoiqu'il y eĂ»t bien, de temps Ă autre, quelque boulette de papier lancĂ©e d'un bec de plume qui vĂnt s'Ă©clabousser sur sa figure. Mais il s'essuyait avec la main, et demeurait immobile, les yeux baissĂ©s. Le soir, Ă l'Etude, il tira ses bouts de manches de son pupitre, mit en ordre ses petites affaires, rĂ©gla soigneusement son papier. Nous le vĂmes qui travaillait en conscience, cherchant tous les mots dans le dictionnaire et se donnant beaucoup de mal. GrĂÂące, sans doute, Ă cette bonne volontĂ© dont il fit preuve, il dut de ne pas descendre dans la classe infĂ©rieure ; car, s'il savait passablement ses rĂšgles, il n'avait guĂšre d'Ă©lĂ©gance dans les tournures. C'Ă©tait le curĂ© de son village qui lui avait commencĂ© le latin, ses parents, par Ă©conomie, ne l'ayant envoyĂ© au collĂšge que le plus tard possible. Son pĂšre, M. Charles-Denis-BartholomĂ© Bovary, ancien aide-chirurgien-major, compromis, vers 1812, dans des affaires de conscription, et forcĂ©, vers cette Ă©poque, de quitter le service, avait alors profitĂ© de ses avantages personnels pour saisir au passage une dot de soixante mille francs, qui s'offrait en la fille d'un marchand bonnetier, devenue amoureuse de sa tournure. Bel homme, hĂÂąbleur, faisant sonner haut ses Ă©perons, portant des favoris rejoints aux moustaches, les doigts toujours garnis de bagues et habillĂ© de couleurs voyantes, il avait l'aspect d'un brave, avec l'entrain facile d'un commis voyageur. Une fois mariĂ©, il vĂ©cut deux ou trois ans sur la fortune de sa femme, dĂnant bien, se levant tard, fumant dans de grandes pipes en porcelaine, ne rentrant le soir qu'aprĂšs le spectacle et frĂ©quentant les cafĂ©s. Le beau-pĂšre mourut et laissa peu de chose ; il en fut indignĂ©, se lança dans la fabrique , y perdit quelque argent, puis se retira dans la campagne, oĂÂč il voulut faire valoir . Mais, comme il ne s'entendait guĂšre plus en culture qu'en indienne, qu'il montait ses chevaux au lieu de les envoyer au labour, buvait son cidre en bouteilles au lieu de le vendre en barriques, mangeait les plus belles volailles de sa cour et graissait ses souliers de chasse avec le lard de ses cochons, il ne tarda point Ă s'apercevoir qu'il valait mieux planter lĂ toute spĂ©culation. Moyennant deux cents francs par an, il trouva donc Ă louer dans un village, sur les confins du pays de Caux et de la Picardie, une sorte de logis moitiĂ© ferme, moitiĂ© maison de maĂtre ; et, chagrin, rongĂ© de regrets, accusant le ciel, jaloux contre tout le monde, il s'enferma dĂšs l'ĂÂąge de quarante-cinq ans, dĂ©goĂ»tĂ© des hommes, disait-il, et dĂ©cidĂ© Ă vivre en paix. Sa femme avait Ă©tĂ© folle de lui autrefois ; elle l'avait aimĂ© avec mille servilitĂ©s qui l'avaient dĂ©tachĂ© d'elle encore davantage. EnjouĂ©e jadis, expansive et toute aimante, elle Ă©tait, en vieillissant, devenue Ă la façon du vin Ă©ventĂ© qui se tourne en vinaigre d'humeur difficile, piaillarde, nerveuse. Elle avait tant souffert, sans se plaindre, d'abord, quand elle le voyait courir aprĂšs toutes les gotons de village et que vingt mauvais lieux le lui renvoyaient le soir, blasĂ© et puant l'ivresse ! Puis l'orgueil s'Ă©tait rĂ©voltĂ©. Alors elle s'Ă©tait tue, avalant sa rage dans un stoĂÂŻcisme muet, qu'elle garda jusqu'Ă sa mort. Elle Ă©tait sans cesse en courses, en affaires. Elle allait chez les avouĂ©s, chez le prĂ©sident, se rappelait l'Ă©chĂ©ance des billets, obtenait des retards ; et, Ă la maison, repassait, cousait, blanchissait, surveillait les ouvriers, soldait les mĂ©moires, tandis que, sans s'inquiĂ©ter de rien, Monsieur, continuellement engourdi dans une somnolence boudeuse dont il ne se rĂ©veillait que pour lui dire des choses dĂ©sobligeantes, restait Ă fumer au coin du feu, en crachant dans les cendres. Quand elle eut un enfant, il le fallut mettre en nourrice. RentrĂ© chez eux, le marmot fut gĂÂątĂ© comme un prince. Sa mĂšre le nourrissait de confitures ; son pĂšre le laissait courir sans souliers, et, pour faire le philosophe, disait mĂÂȘme qu'il pouvait bien aller tout nu, comme les enfants des bĂÂȘtes. A l'encontre des tendances maternelles, il avait en tĂÂȘte un certain idĂ©al viril de l'enfance, d'aprĂšs lequel il tĂÂąchait de former son fils, voulant qu'on l'Ă©levĂÂąt durement, Ă la spartiate, pour lui faire une bonne constitution. Il l'envoyait se coucher sans feu, lui apprenait Ă boire de grands coups de rhum et Ă insulter les processions. Mais, naturellement paisible, le petit rĂ©pondait mal Ă ses efforts. Sa mĂšre le traĂnait toujours aprĂšs elle ; elle lui dĂ©coupait des cartons, lui racontait des histoires, s'entretenait avec lui dans des monologues sans fin, pleins de gaietĂ©s mĂ©lancoliques et de chatteries babillardes. Dans l'isolement de sa vie, elle reporta sur cette tĂÂȘte d'enfant toutes ses vanitĂ©s Ă©parses, brisĂ©es. Elle rĂÂȘvait de hautes positions, elle le voyait dĂ©jĂ grand, beau, spirituel, Ă©tabli, dans les ponts et chaussĂ©es ou dans la magistrature. Elle lui apprit Ă lire, et mĂÂȘme lui enseigna, sur un vieux piano qu'elle avait, Ă chanter deux ou trois petites romances. Mais, Ă tout cela, M. Bovary, peu soucieux des lettres, disait que ce n'Ă©tait pas la peine ! Auraient-ils jamais de quoi l'entretenir dans les Ă©coles du gouvernement, lui acheter une charge ou un fonds de commerce ? D'ailleurs, avec du toupet, un homme rĂ©ussit toujours dans le monde . Madame Bovary se mordait les lĂšvres, et l'enfant vagabondait dans le village. Il suivait les laboureurs, et chassait, Ă coups de motte de terre, les corbeaux qui s'envolaient. Il mangeait des mĂ»res le long des fossĂ©s, gardait les dindons avec une gaule, fanait Ă la moisson, courait dans le bois, jouait Ă la marelle sous le porche de l'Ă©glise les jours de pluie, et, aux grandes fĂÂȘtes, suppliait le bedeau de lui laisser sonner les cloches, pour se pendre de tout son corps Ă la grande corde et se sentir emporter par elle dans sa volĂ©e. Aussi poussa-t-il comme un chĂÂȘne. Il acquit de fortes mains, de belles couleurs. A douze ans, sa mĂšre obtint que l'on commençĂÂąt ses Ă©tudes. On en chargea le curĂ©. Mais les leçons Ă©taient si courtes et si mal suivies, qu'elles ne pouvaient servir Ă grand-chose. C'Ă©tait aux moments perdus qu'elles se donnaient, dans la Sacristie, debout, Ă la hĂÂąte, entre un baptĂÂȘme et un enterrement ; ou bien le curĂ© envoyait chercher son Ă©lĂšve aprĂšs l'Angelus , quand il n'avait pas Ă sortir. On montait dans sa chambre, on s'installait les moucherons et les papillons de nuit tournoyaient autour de la chandelle. Il faisait chaud, l'enfant s'endormait ; et le bonhomme, s'assoupissant les mains sur son ventre, ne tardait pas Ă ronfler, la bouche ouverte. D'autres fois, quand M. le curĂ©, revenant de porter le viatique Ă quelque malade des environs, apercevait Charles qui polissonnait dans la campagne, il l'appelait, le sermonnait un quart d'heure et profitait de l'occasion pour lui faire conjuguer son verbe au pied d'un arbre. La pluie venait les interrompre, ou une connaissance qui passait. Du reste, il Ă©tait toujours content de lui, disait mĂÂȘme que le jeune homme avait beaucoup de mĂ©moire. Charles ne pouvait en rester lĂ . Madame fut Ă©nergique. Honteux, ou fatiguĂ© plutĂÂŽt, Monsieur cĂ©da sans rĂ©sistance, et l'on attendit encore un an que le gamin eĂ»t fait sa premiĂšre communion. Six mois se passĂšrent encore ; et, l'annĂ©e d'aprĂšs, Charles fut dĂ©finitivement envoyĂ© au collĂšge de Rouen, oĂÂč son pĂšre l'amena lui-mĂÂȘme, vers la fin d'octobre, Ă l'Ă©poque de la foire Saint-Romain. Il serait maintenant impossible Ă aucun de nous de se rien rappeler de lui. C'Ă©tait un garçon de tempĂ©rament modĂ©rĂ©, qui jouait aux rĂ©crĂ©ations, travaillait Ă l'Ă©tude, Ă©coutant en classe, dormant bien au dortoir, mangeant bien au rĂ©fectoire. Il avait pour correspondant un quincaillier en gros de la rue Ganterie, qui le faisait sortir une fois par mois, le dimanche, aprĂšs que sa boutique Ă©tait fermĂ©e, l'envoyait se promener sur le port Ă regarder les bateaux, puis le ramenait au collĂšge dĂšs sept heures, avant le souper. Le soir de chaque jeudi, il Ă©crivait une longue lettre Ă sa mĂšre, avec de l'encre rouge et trois pains Ă cacheter ; puis il repassait ses cahiers d'histoire, ou bien il lisait un vieux volume d' Anacharsis qui traĂnait dans l'Ă©tude. En promenade, il causait avec le domestique, qui Ă©tait de la campagne comme lui. A force de s'appliquer, il se maintint toujours vers le milieu de la classe ; une fois mĂÂȘme, il gagna un premier accessit d'histoire naturelle. Mais Ă la fin de sa troisiĂšme, ses parents le retirĂšrent du collĂšge pour lui faire Ă©tudier la mĂ©decine, persuadĂ©s qu'il pourrait se pousser seul jusqu'au baccalaurĂ©at. Sa mĂšre lui choisit une chambre, au quatriĂšme, sur l'Eau-de-Robec, chez un teinturier de sa connaissance. Elle conclut les arrangements pour sa pension, se procura des meubles, une table et deux chaises, fit venir de chez elle un vieux lit en merisier, et acheta de plus un petit poĂÂȘle en fonte, avec la provision de bois qui devait chauffer son pauvre enfant. Puis elle partit au bout de la semaine, aprĂšs mille recommandations de se bien conduire, maintenant qu'il allait ĂÂȘtre abandonnĂ© Ă lui-mĂÂȘme. Le programme des cours, qu'il lut sur l'affiche, lui fit un effet d'Ă©tourdissement cours d'anatomie, cours de pathologie, cours de physiologie, cours de pharmacie, cours de chimie, et de botanique, et de clinique, et de thĂ©rapeutique, sans compter l'hygiĂšne ni la matiĂšre mĂ©dicale, tous noms dont il ignorait les Ă©tymologies et qui Ă©taient comme autant de portes de sanctuaires pleins d'augustes tĂ©nĂšbres. Il n'y comprit rien ; il avait beau Ă©couter, il ne saisissait pas. Il travaillait pourtant, il avait des cahiers reliĂ©s, il suivait tous les cours, il ne perdait pas une seule visite. Il accomplissait sa petite tĂÂąche quotidienne Ă la maniĂšre du cheval de manĂšge, qui tourne en place les yeux bandĂ©s, ignorant de la besogne qu'il broie. Pour lui Ă©pargner de la dĂ©pense, sa mĂšre lui envoyait chaque semaine, par le messager, un morceau de veau cuit au four, avec quoi il dĂ©jeunait le matin, quand il Ă©tait rentrĂ© de l'hĂÂŽpital, tout en battant la semelle contre le mur. Ensuite il fallait courir aux leçons, Ă l'amphithĂ©ĂÂątre, Ă l'hospice, et revenir chez lui, Ă travers toutes les rues. Le soir, aprĂšs le maigre dĂner de son propriĂ©taire, il remontait Ă sa chambre et se remettait au travail, dans ses habits mouillĂ©s qui fumaient sur son corps, devant le poĂÂȘle rougi. Dans les beaux soirs d'Ă©tĂ©, Ă l'heure oĂÂč les rues tiĂšdes sont vides, quand les servantes jouent au volant sur le seuil des portes, il ouvrait sa fenĂÂȘtre et s'accoudait. La riviĂšre, qui fait de ce quartier de Rouen comme une ignoble petite Venise, coulait en bas, sous lui, jaune, violette ou bleue, entre ses ponts et ses grilles. Des ouvriers, accroupis au bord, lavaient leurs bras dans l'eau. Sur des perches partant du haut des greniers, des Ă©cheveaux de coton sĂ©chaient Ă l'air. En face, au-delĂ des toits, le grand ciel pur s'Ă©tendait, avec le soleil rouge se couchant. Qu'il devait faire bon lĂ -bas ! Quelle fraĂcheur sous la hĂÂȘtraie ! Et il ouvrait les narines pour aspirer les bonnes odeurs de la campagne, qui ne venaient pas jusqu'Ă lui. Il maigrit, sa taille s'allongea, et sa figure prit une sorte d'expression dolente qui la rendit presque intĂ©ressante. Naturellement, par nonchalance, il en vint Ă se dĂ©lier de toutes les rĂ©solutions qu'il s'Ă©tait faites. Une fois, il manqua la visite, le lendemain son cours, et, savourant la paresse, peu Ă peu, n'y retourna plus. Il prit l'habitude du cabaret, avec la passion des dominos. S'enfermer chaque soir dans un sale appartement public, pour y taper sur des tables de marbre de petits os de mouton marquĂ©s de points noirs, lui semblait un acte prĂ©cieux de sa libertĂ©, qui le rehaussait d'estime vis-Ă -vis de lui-mĂÂȘme. C'Ă©tait comme l'initiation au monde, l'accĂšs des plaisirs dĂ©fendus ; et, en entrant, il posait la main sur le bouton de la porte avec une joie presque sensuelle. Alors, beaucoup de choses comprimĂ©es en lui, se dilatĂšrent ; il apprit par coeur des couplets qu'il chantait aux bienvenues, s'enthousiasma pour BĂ©ranger, sut faire du punch et connut enfin l'amour. GrĂÂące Ă ces travaux prĂ©paratoires, il Ă©choua complĂštement Ă son examen d'officier de santĂ©. On l'attendait le soir mĂÂȘme Ă la maison pour fĂÂȘter son succĂšs ! Il partit Ă pied et s'arrĂÂȘta vers l'entrĂ©e du village, oĂÂč il fit demander sa mĂšre, lui conta tout. Elle l'excusa, rejetant l'Ă©chec sur l'injustice des examinateurs, et le raffermit un peu, se chargeant d'arranger les choses. Cinq ans plus tard seulement, M. Bovary connut la vĂ©ritĂ© ; elle Ă©tait vieille, il l'accepta, ne pouvant d'ailleurs supposer qu'un homme issu de lui fĂ»t un sot. Charles se remit donc au travail et prĂ©para sans discontinuer les matiĂšres de son examen, dont il apprit d'avance toutes les questions par coeur. Il fut reçu avec une assez bonne note. Quel beau jour pour sa mĂšre ! On donna un grand dĂner. OĂÂč irait-il exercer son art ? A Tostes. Il n'y avait lĂ qu'un vieux mĂ©decin. Depuis longtemps madame Bovary guettait sa mort, et le bonhomme n'avait point encore pliĂ© bagage, que Charles Ă©tait installĂ© en face, comme son successeur. Mais ce n'Ă©tait pas tout que d'avoir Ă©levĂ© son fils, de lui avoir fait apprendre la mĂ©decine et dĂ©couvert Tostes pour l'exercer il lui fallait une femme. Elle lui en trouva une la veuve d'un huissier de Dieppe, qui avait quarante-cinq ans et douze cents livres de rente. Quoiqu'elle fĂ»t laide, sĂšche comme un cotret, et bourgeonnĂ©e comme un printemps, certes madame Dubuc ne manquait pas de partis Ă choisir. Pour arriver Ă ses fins, la mĂšre Bovary fut obligĂ©e de les Ă©vincer tous, et elle dĂ©joua mĂÂȘme fort habilement les intrigues d'un charcutier qui Ă©tait soutenu par les prĂÂȘtres. Charles avait entrevu dans le mariage l'avĂšnement d'une condition meilleure, imaginant qu'il serait plus libre et pourrait disposer de sa personne et de son argent. Mais sa femme fut le maĂtre ; il devait devant le monde dire ceci, ne pas dire cela, faire maigre tous les vendredis, s'habiller comme elle l'entendait, harceler par son ordre les clients qui ne payaient pas. Elle dĂ©cachetait ses lettres, Ă©piait ses dĂ©marches, et l'Ă©coutait, Ă travers la cloison, donner ses consultations dans son cabinet, quand il y avait des femmes. Il lui fallait son chocolat tous les matins, des Ă©gards Ă n'en plus finir. Elle se plaignait sans cesse de ses nerfs, de sa poitrine, de ses humeurs. Le bruit des pas lui faisait mal ; on s'en allait, la solitude lui devenait odieuse ; revenait-on prĂšs d'elle, c'Ă©tait pour la voir mourir, sans doute. Le soir, quand Charles rentrait, elle sortait de dessous ses draps ses longs bras maigres, les lui passait autour du cou, et, l'ayant fait asseoir au bord du lit, se mettait Ă lui parler de ses chagrins il l'oubliait, il en aimait une autre ! On lui avait bien dit qu'elle serait malheureuse ; et elle finissait en lui demandant quelque sirop pour sa santĂ© et un peu plus d'amour. II. Une nuit, vers onze heures, ils furent rĂ©veillĂ©s par le bruit d'un cheval qui s'arrĂÂȘta juste Ă la porte. La bonne ouvrit la lucarne du grenier et parlementa quelque temps avec un homme restĂ© en bas, dans la rue. Il venait chercher le mĂ©decin ; il avait une lettre. Nastasie descendit les marches en grelottant, et alla ouvrir la serrure et les verrous, l'un aprĂšs l'autre. L'homme laissa son cheval, et, suivant la bonne, entra tout Ă coup derriĂšre elle. Il tira de dedans son bonnet de laine Ă houppes grises, une lettre enveloppĂ©e dans un chiffon, et la prĂ©senta dĂ©licatement Ă Charles, qui s'accouda sur l'oreiller pour la lire. Nastasie, prĂšs du lit, tenait la lumiĂšre. Madame, par pudeur, restait tournĂ©e vers la ruelle et montrait le dos. Cette lettre, cachetĂ©e d'un petit cachet de cire bleue, suppliait M. Bovary de se rendre immĂ©diatement Ă la ferme des Bertaux, pour remettre une jambe cassĂ©e. Or il y a, de Tostes aux Bertaux, six bonnes lieues de traverse, en passant par Longueville et Saint-Victor. La nuit Ă©tait noire. Madame Bovary jeune redoutait les accidents pour son mari. Donc il fut dĂ©cidĂ© que le valet d'Ă©curie prendrait les devants. Charles partirait trois heures plus tard, au lever de la lune. On enverrait un gamin Ă sa rencontre, afin de lui montrer le chemin de la ferme et d'ouvrir les clĂÂŽtures devant lui. Vers quatre heures du matin, Charles, bien enveloppĂ© dans son manteau, se mit en route pour les Bertaux. Encore endormi par la chaleur du sommeil, il se laissait bercer au trot pacifique de sa bĂÂȘte. Quand elle s'arrĂÂȘtait d'elle-mĂÂȘme devant ces trous entourĂ©s d'Ă©pines que l'on creuse au bord des sillons, Charles se rĂ©veillant en sursaut, se rappelait vite la jambe cassĂ©e, et il tĂÂąchait de se remettre en mĂ©moire toutes les fractures qu'il savait. La pluie ne tombait plus ; le jour commençait Ă venir, et, sur les branches des pommiers sans feuilles, des oiseaux se tenaient immobiles, hĂ©rissant leurs petites plumes au vent froid du matin. La plate campagne s'Ă©talait Ă perte de vue, et les bouquets d'arbres autour des fermes faisaient, Ă intervalles Ă©loignĂ©s, des taches d'un violet noir sur cette grande surface grise, qui se perdait Ă l'horizon dans le ton morne du ciel. Charles, de temps Ă autre, ouvrait les yeux ; puis, son esprit se fatiguant et le sommeil revenant de soi-mĂÂȘme, bientĂÂŽt il entrait dans une sorte d'assoupissement oĂÂč, ses sensations rĂ©centes se confondant avec des souvenirs, lui-mĂÂȘme se percevait double, Ă la fois Ă©tudiant et mariĂ©, couchĂ© dans son lit comme tout Ă l'heure, traversant une salle d'opĂ©rĂ©s comme autrefois. L'odeur chaude des cataplasmes se mĂÂȘlait dans sa tĂÂȘte Ă la verte odeur de la rosĂ©e ; il entendait rouler sur leur tringle les anneaux de fer des lits et sa femme dormir... Comme il passait par Vassonville, il aperçut, au bord d'un fossĂ©, un jeune garçon assis sur l'herbe. - Etes-vous le mĂ©decin ? demanda l'enfant. Et, sur la rĂ©ponse de Charles, il prit ses sabots Ă ses mains et se mit Ă courir devant lui. L'officier de santĂ©, chemin faisant, comprit aux discours de son guide que M. Rouault devait ĂÂȘtre un cultivateur des plus aisĂ©s. Il s'Ă©tait cassĂ© la jambe, la veille au soir, en revenant de faire les Rois , chez un voisin. Sa femme Ă©tait morte depuis deux ans. Il n'avait avec lui que sa demoiselle , qui l'aidait Ă tenir la maison. Les orniĂšres devinrent plus profondes. On approchait des Bertaux. Le petit gars, se coulant alors par un trou de haie, disparut, puis il revint au bout d'une cour en ouvrir la barriĂšre. Le cheval glissait sur l'herbe mouillĂ©e ; Charles se baissait pour passer sous les branches. Les chiens de garde Ă la niche aboyaient en tirant sur leur chaĂne. Quand il entra dans les Bertaux, son cheval eut peur et fit un grand Ă©cart. C'Ă©tait une ferme de bonne apparence. On voyait dans les Ă©curies, par le dessus des portes ouvertes, de gros chevaux de labour qui mangeaient tranquillement dans des rĂÂąteliers neufs. Le long des bĂÂątiments s'Ă©tendait un large fumier, de la buĂ©e s'en Ă©levait, et, parmi les poules et les dindons, picoraient dessus cinq ou six paons, luxe des basses-cours cauchoises. La bergerie Ă©tait longue, la grange Ă©tait haute, Ă murs lisses comme la main. Il y avait sous le hangar deux grandes charrettes et quatre charrues, avec leurs fouets, leurs colliers, leurs Ă©quipages complets, dont les toisons de laine bleue se salissaient Ă la poussiĂšre fine qui tombait des greniers. La cour allait en montant, plantĂ©e d'arbres symĂ©triquement espacĂ©s, et le bruit gai d'un troupeau d'oies retentissait prĂšs de la mare. Une jeune femme, en robe de mĂ©rinos bleu garnie de trois volants, vint sur le seuil de la maison pour recevoir M. Bovary, qu'elle fit entrer dans la cuisine, oĂÂč flambait un grand feu. Le dĂ©jeuner des gens bouillonnait alentour, dans des petits pots de taille inĂ©gale. Des vĂÂȘtements humides sĂ©chaient dans l'intĂ©rieur de la cheminĂ©e. La pelle, les pincettes et le bec du soufflet, tous de proportion colossale, brillaient comme de l'acier poli, tandis que le long des murs s'Ă©tendait une abondante batterie de cuisine, oĂÂč miroitait inĂ©galement la flamme claire du foyer, jointe aux premiĂšres lueurs du soleil arrivant par les carreaux. Charles monta, au premier, voir le malade. Il le trouva dans son lit, suant sous ses couvertures et ayant rejetĂ© bien loin son bonnet de coton. C'Ă©tait un gros petit homme de cinquante ans, Ă la peau blanche, Ă l'oeil bleu, chauve sur le devant de la tĂÂȘte, et qui portait des boucles d'oreilles. Il avait Ă ses cĂÂŽtĂ©s, sur une chaise, une grande carafe d'eau-de-vie, dont il se versait de temps Ă autre pour se donner du coeur au ventre ; mais, dĂšs qu'il vit le mĂ©decin, son exaltation tomba, et, au lieu de sacrer comme il faisait depuis douze heures, il se prit Ă geindre faiblement. La fracture Ă©tait simple, sans complication d'aucune espĂšce. Charles n'eĂ»t osĂ© en souhaiter de plus facile. Alors, se rappelant les allures de ses maĂtres auprĂšs du lit des blessĂ©s, il rĂ©conforta le patient avec toutes sortes de bons mots, caresses chirurgicales qui sont comme l'huile dont on graisse les bistouris. Afin d'avoir des attelles, on alla chercher, sous la charretterie, un paquet de lattes. Charles en choisit une, la coupa en morceaux et la polit avec un Ă©clat de vitre, tandis que la servante dĂ©chirait des draps pour faire des bandes, et que mademoiselle Emma tĂÂąchait de coudre des coussinets. Comme elle fut longtemps avant de trouver son Ă©tui, son pĂšre s'impatienta ; elle ne rĂ©pondit rien ; mais, tout en cousant, elle se piquait les doigts, qu'elle portait ensuite Ă sa bouche pour les sucer. Charles fut surpris de la blancheur de ses ongles. Ils Ă©taient brillants, fins du bout, plus nettoyĂ©s que les ivoires de Dieppe, et taillĂ©s en amande. Sa main pourtant n'Ă©tait pas belle, point assez pĂÂąle peut-ĂÂȘtre, et un peu sĂšche aux phalanges ; elle Ă©tait trop longue aussi, et sans molles inflexions de lignes sur les contours. Ce qu'elle avait de beau, c'Ă©taient les yeux ; quoiqu'ils fussent bruns, ils semblaient noirs Ă cause des cils, et son regard arrivait franchement Ă vous avec une hardiesse candide. Une fois le pansement fait, le mĂ©decin fut invitĂ©, par M. Rouault lui-mĂÂȘme, Ă prendre un morceau avant de partir. Charles descendit dans la salle, au rez-de-chaussĂ©e. Deux couverts, avec des timbales d'argent, y Ă©taient mis sur une petite table, au pied d'un grand lit Ă baldaquin revĂÂȘtu d'une indienne Ă personnages reprĂ©sentant des Turcs. On sentait une odeur d'iris et de draps humides, qui s'Ă©chappait de la haute armoire en bois de chĂÂȘne, faisant face Ă la fenĂÂȘtre. Par terre, dans les angles, Ă©taient rangĂ©s, debout, des sacs de blĂ©. C'Ă©tait le trop-plein du grenier proche, oĂÂč l'on montait par trois marches de pierre. Il y avait, pour dĂ©corer l'appartement, accrochĂ©e Ă un clou, au milieu du mur dont la peinture verte s'Ă©caillait sous le salpĂÂȘtre, une tĂÂȘte de Minerve au crayon noir, encadrĂ©e de dorure, et qui portait au bas, Ă©crit en lettres gothiques " A mon cher papa. " On parla d'abord du malade, puis du temps qu'il faisait, des grands froids, des loups qui couraient les champs, la nuit. Mademoiselle Rouault ne s'amusait guĂšre Ă la campagne, maintenant surtout qu'elle Ă©tait chargĂ©e presque Ă elle seule des soins de la ferme. Comme la salle Ă©tait fraĂche, elle grelottait tout en mangeant, ce qui dĂ©couvrait un peu ses lĂšvres charnues, qu'elle avait coutume de mordillonner Ă ses moments de silence. Son cou sortait d'un col blanc, rabattu. Ses cheveux, dont les deux bandeaux noirs semblaient chacun d'un seul morceau, tant ils Ă©taient lisses, Ă©taient sĂ©parĂ©s sur le milieu de la tĂÂȘte par une raie fine, qui s'enfonçait lĂ©gĂšrement selon la courbe du crĂÂąne ; et, laissant voir Ă peine le bout de l'oreille, ils allaient se confondre par derriĂšre en un chignon abondant, avec un mouvement ondĂ© vers les tempes, que le mĂ©decin de campagne remarqua lĂ pour la premiĂšre fois de sa vie. Ses pommettes Ă©taient roses. Elle portait, comme un homme, passĂ© entre deux boutons de son corsage, un lorgnon d'Ă©caille. Quand Charles, aprĂšs ĂÂȘtre montĂ© dire adieu au pĂšre Rouault, rentra dans la salle avant de partir, il la trouva debout, le front contre la fenĂÂȘtre, et qui regardait dans le jardin, oĂÂč les Ă©chalas des haricots avaient Ă©tĂ© renversĂ©s par le vent. Elle se retourna. - Cherchez-vous quelque chose ? demanda-t-elle. - Ma cravache, s'il vous plaĂt, rĂ©pondit-il. Et il se mit Ă fureter sur le lit, derriĂšre les portes, sous les chaises ; elle Ă©tait tombĂ©e Ă terre, entre les sacs et la muraille. Mademoiselle Emma l'aperçut ; elle se pencha sur les sacs de blĂ©. Charles, par galanterie, se prĂ©cipita et, comme il allongeait aussi son bras dans le mĂÂȘme mouvement, il sentit sa poitrine effleurer le dos de la jeune fille, courbĂ©e sous lui. Elle se redressa toute rouge et le regarda par-dessus l'Ă©paule, en lui tendant son nerf de boeuf. Au lieu de revenir aux Bertaux trois jours aprĂšs, comme il l'avait promis, c'est le lendemain mĂÂȘme qu'il y retourna, puis deux fois la semaine rĂ©guliĂšrement, sans compter les visites inattendues qu'il faisait de temps Ă autre, comme par mĂ©garde. Tout, du reste, alla bien ; la guĂ©rison s'Ă©tablit selon les rĂšgles, et quand, au bout de quarante-six jours, on vit le pĂšre Rouault qui s'essayait Ă marcher seul dans sa masure , on commença Ă considĂ©rer M. Bovary comme un homme de grande capacitĂ©. Le pĂšre Rouault disait qu'il n'aurait pas Ă©tĂ© mieux guĂ©ri par les premiers mĂ©decins d'Yvetot ou mĂÂȘme de Rouen. Quant Ă Charles, il ne chercha point Ă se demander pourquoi il venait aux Bertaux avec plaisir. Y eĂ»t-il songĂ©, qu'il aurait sans doute attribuĂ© son zĂšle Ă la gravitĂ© du cas, ou peut-ĂÂȘtre au profit qu'il en espĂ©rait. Etait-ce pour cela, cependant, que ses visites Ă la ferme faisaient, parmi les pauvres occupations de sa vie, une exception charmante ? Ces jours-lĂ il se levait de bonne heure, partait au galop, poussait sa bĂÂȘte, puis il descendait pour s'essuyer les pieds sur l'herbe, et passait ses gants noirs avant d'entrer. Il aimait Ă se voir arriver dans la cour, Ă sentir contre son Ă©paule la barriĂšre qui tournait, et le coq qui chantait sur le mur, les garçons qui venaient Ă sa rencontre. Il aimait la grange et les Ă©curies ; il aimait le pĂšre Rouault, qui lui tapait dans la main en l'appelant son sauveur ; il aimait les petits sabots de mademoiselle Emma sur les dalles lavĂ©es de la cuisine ; ses talons hauts la grandissaient un peu, et, quand elle marchait devant lui, les semelles de bois, se relevant vite, claquaient avec un bruit sec contre le cuir de la bottine. Elle le reconduisait toujours jusqu'Ă la premiĂšre marche du perron. Lorsqu'on n'avait pas encore amenĂ© son cheval, elle restait lĂ . On s'Ă©tait dit adieu, on ne parlait plus ; le grand air l'entourait, levant pĂÂȘle-mĂÂȘle les petits cheveux follets de sa nuque, ou secouant sur sa hanche les cordons de son tablier, qui se tortillaient comme des banderoles. Une fois, par un temps de dĂ©gel, l'Ă©corce des arbres suintait dans la cour, la neige sur les couvertures des bĂÂątiments se fondait. Elle Ă©tait sur le seuil ; elle alla chercher son ombrelle, elle l'ouvrit. L'ombrelle, de soie gorge de pigeon, que traversait le soleil, Ă©clairait de reflets mobiles la peau blanche de sa figure. Elle souriait lĂ -dessous Ă la chaleur tiĂšde ; et on entendait les gouttes d'eau, une Ă une, tomber sur la moire tendue. Dans les premiers temps que Charles frĂ©quentait les Bertaux, madame Bovary jeune ne manquait pas de s'informer du malade, et mĂÂȘme sur le livre qu'elle tenait en partie double, elle avait choisi pour M. Rouault une belle page blanche. Mais quand elle sut qu'il avait une fille, elle alla aux informations ; et elle apprit que mademoiselle Rouault, Ă©levĂ©e au couvent, chez les Ursulines, avait reçu, comme on dit, une belle Ă©ducation , qu'elle savait, en consĂ©quence, la danse, la gĂ©ographie, le dessin, faire de la tapisserie et toucher du piano. Ce fut le comble ! - C'est donc pour cela, se disait-elle, qu'il a la figure si Ă©panouie quand il va la voir, et qu'il met son gilet neuf, au risque de l'abĂmer Ă la pluie ? Ah ! cette femme ! cette femme !... Et elle la dĂ©testa, d'instinct. D'abord, elle se soulagea par des allusions, Charles ne les comprit pas ; ensuite, par des rĂ©flexions incidentes qu'il laissait passer de peur de l'orage ; enfin, par des apostrophes Ă brĂ»le-pourpoint auxquelles il ne savait que rĂ©pondre. - D'oĂÂč vient qu'il retournait aux Bertaux, puisque M. Rouault Ă©tait guĂ©ri et que ces gens-lĂ n'avaient pas encore payĂ© ? Ah ! c'est qu'il y avait lĂ -bas une personne , quelqu'un qui savait causer, une brodeuse, un bel esprit. C'Ă©tait lĂ ce qu'il aimait il lui fallait des demoiselles de ville ! - Et elle reprenait - La fille au pĂšre Rouault, une demoiselle de ville ! Allons donc ! leur grand-pĂšre Ă©tait berger, et ils ont un cousin qui a failli passer par les assises pour un mauvais coup, dans une dispute. Ce n'est pas la peine de faire tant de fla-fla, ni de se montrer le dimanche Ă l'Ă©glise avec une robe de soie, comme une comtesse. Pauvre bonhomme, d'ailleurs, qui sans les colzas de l'an passĂ© eĂ»t Ă©tĂ© bien embarrassĂ© de payer ses arrĂ©rages ! Par lassitude, Charles cessa de retourner aux Bertaux. HĂ©loĂÂŻse lui avait fait jurer qu'il n'irait plus, la main sur son livre de messe, aprĂšs beaucoup de sanglots et de baisers, dans une grande explosion d'amour. Il obĂ©it donc ; mais la hardiesse de son dĂ©sir protesta contre la servilitĂ© de sa conduite, et, par une sorte d'hypocrisie naĂÂŻve, il estima que cette dĂ©fense de la voir Ă©tait pour lui comme un droit de l'aimer. Et puis la veuve Ă©tait maigre ; elle avait les dents longues ; elle portait en toute saison un petit chĂÂąle noir dont la pointe lui descendait entre les omoplates ; sa taille dure Ă©tait engainĂ©e dans des robes en façon de fourreau, trop courtes, qui dĂ©couvraient ses chevilles, avec les rubans de ses souliers larges s'entrecroisant sur des bas gris. La mĂšre de Charles venait les voir de temps Ă autre ; mais, au bout de quelques jours, la bru semblait l'aiguiser Ă son fil ; et alors, comme deux couteaux, elles Ă©taient Ă le scarifier par leurs rĂ©flexions et leurs observations. Il avait tort de tant manger ! Pourquoi toujours offrir la goutte au premier venu ? Quel entĂÂȘtement que de ne pas vouloir porter de flanelle ! Il arriva qu'au commencement du printemps, un notaire d'Ingouville, dĂ©tenteur de fonds Ă la veuve Dubuc, s'embarqua, par une belle marĂ©e, emportant avec lui tout l'argent de son Ă©tude. HĂ©loĂÂŻse, il est vrai, possĂ©dait encore, outre une part de bateau Ă©valuĂ©e six mille francs, sa maison de la rue Saint-François ; et cependant, de toute cette fortune que l'on avait fait sonner si haut, rien, si ce n'est un peu de mobilier et quelques nippes, n'avait paru dans le mĂ©nage. Il fallut tirer la chose au clair. La maison de Dieppe se trouva vermoulue d'hypothĂšques jusque dans ses pilotis ; ce qu'elle avait mis chez le notaire, Dieu seul le savait, et la part de barque n'excĂ©da point mille Ă©cus. Elle avait donc menti, la bonne dame ! Dans son exaspĂ©ration, M. Bovary pĂšre, brisant une chaise contre les pavĂ©s, accusa sa femme d'avoir fait le malheur de leur fils en l'attelant Ă une haridelle semblable, dont les harnais ne valaient pas la peau. Ils vinrent Ă Tostes. On s'expliqua. Il y eut des scĂšnes. HĂ©loĂÂŻse, en pleurs, se jetant dans les bras de son mari, le conjura de la dĂ©fendre de ses parents. Charles voulut parler pour elle. Ceux-ci se choquĂšrent, et ils partirent. Mais le coup Ă©tait portĂ© . Huit jours aprĂšs, comme elle Ă©tendait du linge dans sa cour, elle fut prise d'un crachement de sang, et le lendemain, tandis que Charles avait le dos tournĂ© pour fermer le rideau de la fenĂÂȘtre, elle dit " Ah ! mon Dieu ! " poussa un soupir et s'Ă©vanouit. Elle Ă©tait morte ! Quel Ă©tonnement ! Quand tout fut fini au cimetiĂšre, Charles rentra chez lui. Il ne trouva personne en bas ; il monta au premier, dans la chambre, vit sa robe encore accrochĂ©e au pied de l'alcĂÂŽve ; alors, s'appuyant contre le secrĂ©taire, il resta jusqu'au soir perdu dans une rĂÂȘverie douloureuse. Elle l'avait aimĂ©, aprĂšs tout. III. Un matin, le pĂšre Rouault vint apporter Ă Charles le payement de sa jambe remise soixante et quinze francs en piĂšces de quarante sous et une dinde. Il avait appris son malheur, et l'en consola tant qu'il put. - Je sais ce que c'est ! disait-il en lui frappant sur l'Ă©paule ; j'ai Ă©tĂ© comme vous, moi aussi ! Quand j'ai eu perdu ma pauvre dĂ©funte, j'allais dans les champs pour ĂÂȘtre tout seul ; je tombais au pied d'un arbre, je pleurais, j'appelais le bon Dieu, je lui disais des sottises ; j'aurais voulu ĂÂȘtre comme les taupes, que je voyais aux branches, qui avaient des vers leur grouillant dans le ventre, crevĂ©, enfin. Et quand je pensais que d'autres, Ă ce moment-lĂ , Ă©taient avec leurs bonnes petites femmes Ă les tenir embrassĂ©es contre eux, je tapais de grands coups par terre avec mon bĂÂąton ; j'Ă©tais quasiment fou, que je ne mangeais plus ; l'idĂ©e d'aller seulement au cafĂ© me dĂ©goĂ»tait, vous ne croiriez pas. Eh bien, tout doucement, un jour chassant l'autre, un printemps sur un hiver et un automne par-dessus un Ă©tĂ©, ça a coulĂ© brin Ă brin, miette Ă miette ; ça s'en est allĂ©, c'est parti, c'est descendu, je veux dire, car il vous reste toujours quelque chose au fond, comme qui dirait... un poids, lĂ , sur la poitrine ! Mais, puisque c'est notre sort Ă tous, on ne doit pas non plus se laisser dĂ©pĂ©rir, et, parce que d'autres sont morts, vouloir mourir... Il faut vous secouer, monsieur Bovary ; ça se passera ! Venez nous voir ; ma fille pense Ă vous de temps Ă autre, savez-vous bien, et elle dit comme ça que vous l'oubliez. VoilĂ le printemps bientĂÂŽt ; nous vous ferons tirer un lapin dans la garenne, pour vous dissiper un peu. Charles suivit son conseil. Il retourna aux Bertaux ; il retrouva tout comme la veille, comme il y avait cinq mois, c'est-Ă -dire. Les poiriers dĂ©jĂ Ă©taient en fleur, et le bonhomme Rouault, debout maintenant, allait et venait, ce qui rendait la ferme plus animĂ©e. Croyant qu'il Ă©tait de son devoir de prodiguer au mĂ©decin le plus de politesses possible, Ă cause de sa position douloureuse, il le pria de ne point se dĂ©couvrir la tĂÂȘte, lui parla Ă voix basse, comme s'il eĂ»t Ă©tĂ© malade, et mĂÂȘme fit semblant de se mettre en colĂšre de ce que l'on n'avait pas apprĂÂȘtĂ© Ă son intention quelque chose d'un peu plus lĂ©ger que tout le reste, tels que des petits pots de crĂšme ou des poires cuites. Il conta des histoires. Charles se surprit Ă rire ; mais le souvenir de sa femme, lui revenant tout Ă coup, l'assombrit. On apporta le cafĂ© ; il n'y pensa plus. Il y pensa moins, Ă mesure qu'il s'habituait Ă vivre seul. L'agrĂ©ment nouveau de l'indĂ©pendance lui rendit bientĂÂŽt la solitude plus supportable. Il pouvait changer maintenant les heures de ses repas, rentrer ou sortir sans donner de raisons, et, lorsqu'il Ă©tait bien fatiguĂ©, s'Ă©tendre de ses quatre membres, tout en large, dans son lit. Donc, il se choya, se dorlota et accepta les consolations qu'on lui donnait. D'autre part, la mort de sa femme ne l'avait pas mal servi dans son mĂ©tier, car on avait rĂ©pĂ©tĂ© durant un mois " Ce pauvre jeune homme ! quel malheur ! " Son nom s'Ă©tait rĂ©pandu, sa clientĂšle s'Ă©tait accrue ; et puis il allait aux Bertaux tout Ă son aise. Il avait un espoir sans but, un bonheur vague ; il se trouvait la figure plus agrĂ©able en brossant ses favoris devant son miroir. Il arriva un jour vers trois heures ; tout le monde Ă©tait aux champs ; il entra dans la cuisine, mais n'aperçut point d'abord Emma, les auvents Ă©taient fermĂ©s. Par les fentes du bois, le soleil allongeait sur les pavĂ©s de grandes raies minces, qui se brisaient Ă l'angle des meubles et tremblaient au plafond. Des mouches, sur la table, montaient le long des verres qui avaient servi, et bourdonnaient en se noyant au fond, dans le cidre restĂ©. Le jour qui descendait par la cheminĂ©e, veloutant la suie de la plaque, bleuissait un peu les cendres froides. Entre la fenĂÂȘtre et le foyer, Emma cousait ; elle n'avait point de fichu, on voyait sur ses Ă©paules nues de petites gouttes de sueur. Selon la mode de la campagne, elle lui proposa de boire quelque chose. Il refusa, elle insista, et enfin lui offrit, en riant, de prendre un verre de liqueur avec elle. Elle alla donc chercher dans l'armoire une bouteille de curaçao, atteignit deux petits verres, emplit l'un jusqu'au bord, versa Ă peine dans l'autre, et, aprĂšs avoir trinquĂ©, le porta Ă sa bouche. Comme il Ă©tait presque vide, elle se renversait pour boire ; et, la tĂÂȘte en arriĂšre, les lĂšvres avancĂ©es, le cou tendu, elle riait de ne rien sentir, tandis que le bout de sa langue, passant entre ses dents fines, lĂ©chait Ă petits coups le fond du verre. Elle se rassit et elle reprit son ouvrage, qui Ă©tait un bas de coton blanc oĂÂč elle faisait des reprises ; elle travaillait le front baissĂ© ; elle ne parlait pas, Charles non plus. L'air passant par le dessous de la porte, poussait un peu de poussiĂšre sur les dalles ; il la regardait se traĂner, et il entendait seulement le battement intĂ©rieur de sa tĂÂȘte, avec le cri d'une poule, au loin, qui pondait dans les cours. Emma, de temps Ă autre, se rafraĂchissait les joues en y appliquant la paume de ses mains, qu'elle refroidissait aprĂšs cela sur la pomme de fer des grands chenets. Elle se plaignit d'Ă©prouver, depuis le commencement de la saison, des Ă©tourdissements ; elle demanda si les bains de mer lui seraient utiles ; elle se mit Ă causer du couvent, Charles de son collĂšge, les phrases leur vinrent. Ils montĂšrent dans sa chambre. Elle lui fit voir ses anciens cahiers de musique, les petits livres qu'on lui avait donnĂ©s en prix et les couronnes en feuilles de chĂÂȘne, abandonnĂ©es dans un bas d'armoire. Elle lui parla encore de sa mĂšre, du cimetiĂšre, et mĂÂȘme lui montra dans le jardin la plate-bande dont elle cueillait les fleurs, tous les premiers vendredis de chaque mois, pour les aller mettre sur sa tombe. Mais le jardinier qu'ils avaient n'y entendait rien ; on Ă©tait si mal servi ! Elle eĂ»t bien voulu, ne fĂ»t-ce au moins que pendant l'hiver, habiter la ville, quoique la longueur des beaux jours rendĂt peut-ĂÂȘtre la campagne plus ennuyeuse encore durant l'Ă©tĂ© ; - et, selon ce qu'elle disait, sa voix Ă©tait claire, aiguĂ, ou se couvrant de langueur tout Ă coup, traĂnait des modulations qui finissaient presque en murmures, quand elle se parlait Ă elle-mĂÂȘme, - tantĂÂŽt joyeuse, ouvrant des yeux naĂÂŻfs, puis les paupiĂšres Ă demi closes, le regard noyĂ© d'ennui, la pensĂ©e vagabondant. Le soir, en s'en retournant, Charles reprit une Ă une les phrases qu'elle avait dites, tĂÂąchant de se les rappeler, d'en complĂ©ter le sens, afin de se faire la portion d'existence qu'elle avait vĂ©cue dans le temps qu'il ne la connaissait pas encore. Mais jamais il ne put la voir en sa pensĂ©e, diffĂ©remment qu'il ne l'avait vue la premiĂšre fois, ou telle qu'il venait de la quitter tout Ă l'heure. Puis il se demanda ce qu'elle deviendrait, si elle se marierait, et Ă qui ? hĂ©las ! le pĂšre Rouault Ă©tait bien riche, et elle !... si belle ! Mais la figure d'Emma revenait toujours se placer devant ses yeux, et quelque chose de monotone comme le ronflement d'une toupie bourdonnait Ă ses oreilles " Si tu te mariais, pourtant ! Si tu te mariais ! " La nuit, il ne dormit pas, sa gorge Ă©tait serrĂ©e, il avait soif ; il se leva pour aller boire Ă son pot Ă l'eau et il ouvrit la fenĂÂȘtre ; le ciel Ă©tait couvert d'Ă©toiles, un vent chaud passait, au loin des chiens aboyaient. Il tourna la tĂÂȘte du cĂÂŽtĂ© des Bertaux. Pensant qu'aprĂšs tout l'on ne risquait rien, Charles se promit de faire la demande quand l'occasion s'en offrirait ; mais, chaque fois qu'elle s'offrit, la peur de ne point trouver les mots convenables lui collait les lĂšvres. Le pĂšre Rouault n'eĂ»t pas Ă©tĂ© fĂÂąchĂ© qu'on le dĂ©barrassĂÂąt de sa fille, qui ne lui servait guĂšre dans sa maison. Il l'excusait intĂ©rieurement, trouvant qu'elle avait trop d'esprit pour la culture, mĂ©tier maudit du ciel, puisqu'on n'y voyait jamais de millionnaire. Loin d'y avoir fait fortune, le bonhomme y perdait tous les ans ; car, s'il excellait dans les marchĂ©s, oĂÂč il se plaisait aux ruses du mĂ©tier, en revanche la culture proprement dite, avec le gouvernement intĂ©rieur de la ferme, lui convenait moins qu'Ă personne. Il ne retirait pas volontiers ses mains de dedans ses poches, et n'Ă©pargnait point la dĂ©pense pour tout ce qui regardait sa vie, voulant ĂÂȘtre bien nourri, bien chauffĂ©, bien couchĂ©. Il aimait le gros cidre, les gigots saignants, les glorias longuement battus. Il prenait ses repas dans la cuisine, seul, en face du feu, sur une petite table qu'on lui apportait toute service, comme au thĂ©ĂÂątre. Lorsqu'il s'aperçut donc que Charles avait les pommettes rouges prĂšs de sa fille, ce qui signifiait qu'un de ces jours on la lui demanderait en mariage, il rumina d'avance toute l'affaire. Il le trouvait bien un peu gringalet, et ce n'Ă©tait pas lĂ un gendre comme il l'eĂ»t souhaitĂ© ; mais on le disait de bonne conduite, Ă©conome, fort instruit, et sans doute qu'il ne chicanerait pas trop sur la dot. Or, comme le pĂšre Rouault allait ĂÂȘtre forcĂ© de vendre vingt-deux ĂÂącres de son bien , qu'il devait beaucoup au maçon, beaucoup au bourrelier, que l'arbre du pressoir Ă©tait Ă remettre - S'il me la demande, se dit-il, je la lui donne. A l'Ă©poque de la Saint-Michel, Charles Ă©tait venu passer trois jours aux Bertaux. La derniĂšre journĂ©e s'Ă©tait Ă©coulĂ©e comme les prĂ©cĂ©dentes, Ă reculer de quart d'heure en quart d'heure. Le pĂšre Rouault lui fit la conduite ; ils marchaient dans un chemin creux, ils s'allaient quitter ; c'Ă©tait le moment. Charles se donna jusqu'au coin de la haie, et enfin, quand on l'eut dĂ©passĂ©e - MaĂtre Rouault, murmura-t-il, je voudrais bien vous dire quelque chose. Ils s'arrĂÂȘtĂšrent. Charles se taisait. - Mais contez-moi votre histoire ! est-ce que je ne sais pas tout ? dit le pĂšre Rouault, en riant doucement. - PĂšre Rouault..., pĂšre Rouault..., balbutia Charles. - Moi, je ne demande pas mieux, continua le fermier. Quoique sans doute la petite soit de mon idĂ©e, il faut pourtant lui demander son avis. Allez-vous-en donc ; je m'en vais retourner chez nous. Si c'est oui, entendez-moi bien, vous n'aurez pas besoin de revenir, Ă cause du monde, et, d'ailleurs, ça la saisirait trop. Mais pour que vous ne vous mangiez pas le sang, je pousserai tout grand l'auvent de la fenĂÂȘtre contre le mur vous pourrez le voir par derriĂšre, en vous penchant sur la haie. Et il s'Ă©loigna. Charles attacha son cheval Ă un arbre. Il courut se mettre dans le sentier ; il attendit. Une demi-heure se passa, puis il compta dix-neuf minutes Ă sa montre. Tout Ă coup un bruit se fit contre le mur ; l'auvent s'Ă©tait rabattu, la cliquette tremblait encore. Le lendemain, dĂšs neuf heures, il Ă©tait Ă la ferme. Emma rougit quand il entra, tout en s'efforçant de rire un peu, par contenance. Le pĂšre Rouault embrassa son futur gendre. On remit Ă causer des arrangements d'intĂ©rĂÂȘt ; on avait, d'ailleurs, du temps devant soi, puisque le mariage ne pouvait dĂ©cemment avoir lieu avant la fin du deuil de Charles, c'est-Ă -dire vers le printemps de l'annĂ©e prochaine. L'hiver se passa cette attente. Mademoiselle Rouault s'occupa de son trousseau. Une partie en fut commandĂ©e Ă Rouen, et elle se confectionna des chemises et des bonnets de nuit, d'aprĂšs des dessins de modes qu'elle emprunta. Dans les visites que Charles faisait Ă la ferme, on causait des prĂ©paratifs de la noce ; on se demandait dans quel appartement se donnerait le dĂner ; on rĂÂȘvait Ă la quantitĂ© de plats qu'il faudrait et qu'elles seraient les entrĂ©es. Emma eĂ»t, au contraire, dĂ©sirĂ© se marier Ă minuit, aux flambeaux ; mais le pĂšre Rouault ne comprit rien Ă cette idĂ©e. Il y eut donc une noce, oĂÂč vinrent quarante-trois personnes, oĂÂč l'on resta seize heures Ă table, qui recommença le lendemain et quelque peu les jours suivants. IV. Les conviĂ©s arrivĂšrent de bonne heure dans des voitures, carrioles Ă un cheval, chars Ă bancs Ă deux roues, vieux cabriolets sans capote, tapissiĂšres Ă rideaux de cuir, et les jeunes gens des villages les plus voisins dans des charrettes oĂÂč ils se tenaient debout, en rang, les mains appuyĂ©es sur les ridelles pour ne pas tomber, allant au trot et secouĂ©s dur. Il en vint de dix lieues loin, de Goderville, de Normanville et de Cany. On avait invitĂ© tous les parents des deux familles, on s'Ă©tait raccommodĂ© avec les amis brouillĂ©s, on avait Ă©crit Ă des connaissances perdues de vue depuis longtemps. De temps Ă autre, on entendait des coups de fouet derriĂšre la haie ; bientĂÂŽt la barriĂšre s'ouvrait c'Ă©tait une carriole qui entrait. Galopant jusqu'Ă la premiĂšre marche du perron, elle s'y arrĂÂȘtait court, et vidait son monde, qui sortait par tous les cĂÂŽtĂ©s en se frottant les genoux et en s'Ă©tirant les bras. Les dames, en bonnet, avaient des robes Ă la façon de la ville, des chaĂnes de montre en or, des pĂšlerines Ă bouts croisĂ©s dans la ceinture, ou de petits fichus de couleur attachĂ©s dans le dos avec une Ă©pingle, et qui leur dĂ©couvraient le cou par derriĂšre. Les gamins, vĂÂȘtus pareillement Ă leurs papas, semblaient incommodĂ©s par leurs habits neufs beaucoup mĂÂȘme Ă©trennĂšrent ce jour-lĂ la premiĂšre paire de bottes de leur existence , et l'on voyait Ă cĂÂŽtĂ© d'eux, ne soufflant mot dans la robe blanche de sa premiĂšre communion rallongĂ©e pour la circonstance, quelque grande fillette de quatorze ou seize ans, leur cousine ou leur soeur aĂnĂ©e sans doute, rougeaude, ahurie, les cheveux gras de pommade Ă la rose, et ayant bien peur de salir ses gants. Comme il n'y avait point assez de valets d'Ă©curie pour dĂ©teler toutes les voitures, les messieurs retroussaient leurs manches et s'y mettaient eux-mĂÂȘmes. Suivant leur position sociale diffĂ©rente, ils avaient des habits, des redingotes, des vestes, des habits-vestes - bons habits, entourĂ©s de toute la considĂ©ration d'une famille, et qui ne sortaient de l'armoire que pour les solennitĂ©s ; redingotes Ă grandes basques flottant au vent, Ă collet cylindrique, Ă poches larges comme des sacs ; vestes de gros drap, qui accompagnaient ordinairement quelque casquette cerclĂ©e de cuivre Ă sa visiĂšre ; habits-vestes trĂšs courts, ayant dans le dos deux boutons rapprochĂ©s comme une paire d'yeux, et dont les pans semblaient avoir Ă©tĂ© coupĂ©s Ă mĂÂȘme un seul bloc, par la hache du charpentier. Quelques-uns encore mais ceux-lĂ , bien sĂ»r, devaient dĂner au bas bout de la table portaient des blouses de cĂ©rĂ©monie, c'est-Ă -dire dont le col Ă©tait rabattu sur les Ă©paules, le dos froncĂ© Ă petits plis et la taille attachĂ©e trĂšs bas par une ceinture cousue. Et les chemises sur les poitrines bombaient comme des cuirasses ! Tout le monde Ă©tait tondu Ă neuf, les oreilles s'Ă©cartaient des tĂÂȘtes, on Ă©tait rasĂ© de prĂšs ; quelques-uns mĂÂȘme qui s'Ă©taient levĂ©s dĂšs avant l'aube, n'ayant pas vu clair Ă se faire la barbe, avaient des balafres en diagonale sous le nez, ou, le long des mĂÂąchoires, des pelures d'Ă©piderme larges comme des Ă©cus de trois francs, et qu'avait enflammĂ©es le grand air pendant la route, ce qui marbrait un peu de plaques roses toutes ces grosses faces blanches Ă©panouies. La mairie se trouvant Ă une demi-lieue de la ferme, on s'y rendit Ă pied, et l'on revint de mĂÂȘme, une fois la cĂ©rĂ©monie faite Ă l'Ă©glise. Le cortĂšge, d'abord uni comme une seule Ă©charpe de couleur, qui ondulait dans la campagne, le long de l'Ă©troit sentier serpentant entre les blĂ©s verts, s'allongea bientĂÂŽt et se coupa en groupes diffĂ©rents, qui s'attardaient Ă causer. Le mĂ©nĂ©trier allait en tĂÂȘte, avec son violon empanachĂ© de rubans Ă la coquille ; les mariĂ©s venaient ensuite, les parents, les amis tout au hasard, et les enfants restaient derriĂšre, s'amusant Ă arracher les clochettes des brins d'avoine, ou Ă se jouer entre eux, sans qu'on les vĂt. La robe d'Emma, trop longue, traĂnait un peu par le bas ; de temps Ă autre, elle s'arrĂÂȘtait pour la tirer, et alors dĂ©licatement, de ses doigts gantĂ©s, elle enlevait les herbes rudes avec les petits dards des chardons, pendant que Charles, les mains vides, attendait qu'elle eĂ»t fini. Le pĂšre Rouault, un chapeau de soie neuf sur la tĂÂȘte et les parements de son habit noir lui couvrant les mains jusqu'aux ongles, donnait le bras Ă madame Bovary mĂšre. Quant Ă M. Bovary pĂšre, qui, mĂ©prisant au fond tout ce monde-lĂ , Ă©tait venu simplement avec une redingote Ă un rang de boutons d'une coupe militaire, il dĂ©bitait des galanteries d'estaminet Ă une jeune paysanne blonde. Elle saluait, rougissait, ne savait que rĂ©pondre. Les autres gens de la noce causaient de leurs affaires ou se faisaient des niches dans le dos, s'excitant d'avance Ă la gaietĂ© ; et, en y prĂÂȘtant l'oreille, on entendait toujours le crin-crin du mĂ©nĂ©trier qui continuait Ă jouer dans la campagne. Quand il s'apercevait qu'on Ă©tait loin derriĂšre lui, il s'arrĂÂȘtait Ă reprendre haleine, cirait longuement de colophane son archet, afin que les cordes grinçassent mieux, et puis il se remettait Ă marcher, abaissant et levant tour Ă tour le manche de son violon, pour se bien marquer la mesure Ă lui-mĂÂȘme. Le bruit de l'instrument faisait partir de loin les petits oiseaux. C'Ă©tait sous le hangar de la charretterie que la table Ă©tait dressĂ©e. Il y avait dessus quatre aloyaux, six fricassĂ©es de poulets, du veau Ă la casserole, trois gigots, et, au milieu, un joli cochon de lait rĂÂŽti, flanquĂ© de quatre endeuilles Ă l'oseille. Aux angles, se dressait l'eau-de-vie dans des carafes. Le cidre doux en bouteilles poussait sa mousse Ă©paisse autour des bouchons, et tous les verres, d'avance, avaient Ă©tĂ© remplis de vin jusqu'au bord. De grands plats de crĂšme jaune, qui flottaient d'eux-mĂÂȘmes au moindre choc de la table, prĂ©sentaient, dessinĂ©s sur leur surface unie, les chiffres des nouveaux Ă©poux en arabesques de nonpareille. On avait Ă©tĂ© chercher un pĂÂątissier Ă Yvetot, pour les tourtes et les nougats. Comme il dĂ©butait dans le pays, il avait soignĂ© les choses ; et il apporta, lui-mĂÂȘme, au dessert, une piĂšce montĂ©e qui fit pousser des cris. A la base, d'abord, c'Ă©tait un carrĂ© de carton bleu figurant un temple avec portiques, colonnades et statuettes de stuc tout autour, dans des niches constellĂ©es d'Ă©toiles en papier dorĂ© ; puis se tenait au second Ă©tage un donjon en gĂÂąteau de Savoie, entourĂ© de menues fortifications en angĂ©lique, amandes, raisins secs, quartiers d'oranges ; et enfin, sur la plate-forme supĂ©rieure, qui Ă©tait une prairie verte oĂÂč il y avait des rochers avec des lacs de confitures et des bateaux en Ă©cales de noisettes, on voyait un petit Amour, se balançant Ă une escarpolette de chocolat, dont les deux poteaux Ă©taient terminĂ©s par deux boutons de rose naturels, en guise de boules, au sommet. Jusqu'au soir, on mangea. Quand on Ă©tait trop fatiguĂ© d'ĂÂȘtre assis, on allait se promener dans les cours ou jouer une partie de bouchon dans la grange ; puis on revenait Ă table. Quelques-uns, vers la fin, s'y endormirent et ronflĂšrent. Mais, au cafĂ©, tout se ranima ; alors on entama des chansons, on fit des tours de force, on portait des poids, on passait sous son pouce, on essayait Ă soulever les charrettes sur ses Ă©paules, on disait des gaudrioles, on embrassait les dames. Le soir, pour partir, les chevaux gorgĂ©s d'avoine jusqu'aux naseaux, eurent du mal Ă entrer dans les brancards ; ils ruaient, se cabraient, les harnais se cassaient, leurs maĂtres juraient ou riaient ; et toute la nuit, au clair de la lune, par les routes du pays, il y eut des carrioles emportĂ©es qui couraient au grand galop, bondissant dans les saignĂ©es, sautant par-dessus les mĂštres de cailloux, s'accrochant aux talus, avec des femmes qui se penchaient en dehors de la portiĂšre pour saisir les guides. Ceux qui restĂšrent aux Bertaux passĂšrent la nuit Ă boire dans la cuisine. Les enfants s'Ă©taient endormis sous les bancs. La mariĂ©e avait suppliĂ© son pĂšre qu'on lui Ă©pargnĂÂąt les plaisanteries d'usage. Cependant, un mareyeur de leurs cousins qui mĂÂȘme avait apportĂ©, comme prĂ©sent de noces, une paire de soles commençait Ă souffler de l'eau avec sa bouche par le trou de la serrure, quand le pĂšre Rouault arriva juste Ă temps pour l'en empĂÂȘcher, et lui expliqua que la position grave de son gendre ne permettait pas de telles inconvenances. Le cousin, toutefois, cĂ©da difficilement Ă ces raisons. En dedans de lui-mĂÂȘme, il accusa le pĂšre Rouault d'ĂÂȘtre fier, et il alla se joindre dans un coin Ă quatre ou cinq autres des invitĂ©s qui, ayant eu par hasard plusieurs fois de suite Ă table les bas morceaux des viandes, trouvaient aussi qu'on les avait mal reçus, chuchotaient sur le compte de leur hĂÂŽte et souhaitaient sa ruine Ă mots couverts. Madame Bovary mĂšre n'avait pas desserrĂ© les dents de la journĂ©e. On ne l'avait consultĂ©e ni sur la toilette de la bru, ni sur l'ordonnance du festin ; elle se retira de bonne heure. Son Ă©poux, au lieu de la suivre, envoya chercher des cigares Ă Saint-Victor et fuma jusqu'au jour, tout en buvant des grogs au kirsch, mĂ©lange inconnu Ă la campagne, et qui fut pour lui comme la source d'une considĂ©ration plus grande encore. Charles n'Ă©tait point de complexion facĂ©tieuse, il n'avait pas brillĂ© pendant la noce. Il rĂ©pondit mĂ©diocrement aux pointes, calembours, mots Ă double entente, compliments et paillardises que l'on se fit un devoir de lui dĂ©cocher dĂšs le potage. Le lendemain, en revanche, il semblait un autre homme. C'est lui plutĂÂŽt que l'on eĂ»t pris pour la vierge de la veille, tandis que la mariĂ©e ne laissait rien dĂ©couvrir oĂÂč l'on pĂ»t deviner quelque chose. Les plus malins ne savaient que rĂ©pondre, et ils la considĂ©raient, quand elle passait prĂšs d'eux, avec des tensions d'esprit dĂ©mesurĂ©es. Mais Charles ne dissimulait rien. Il l'appelait " ma femme " , la tutoyait, s'informait d'elle Ă chacun, la cherchait partout, et souvent il l'entraĂnait dans les cours, oĂÂč on l'apercevait de loin, entre les arbres, qui lui passait le bras sous la taille et continuait Ă marcher Ă demi penchĂ© sur elle, en lui chiffonnant avec sa tĂÂȘte la guimpe de son corsage. Deux jours aprĂšs la noce, les Ă©poux s'en allĂšrent Charles, Ă cause de ses malades, ne pouvait s'absenter plus longtemps. Le pĂšre Rouault les fit reconduire dans sa carriole et les accompagna lui-mĂÂȘme jusqu'Ă Vassonville. LĂ , il embrassa sa fille une derniĂšre fois, mit pied Ă terre et reprit sa route. Lorsqu'il eut fait cent pas environ, il s'arrĂÂȘta, et, comme il vit la carriole s'Ă©loignant, dont les roues tournaient dans la poussiĂšre, il poussa un gros soupir. Puis il se rappela ses noces, son temps d'autrefois, la premiĂšre grossesse de sa femme ; il Ă©tait bien joyeux, lui aussi, le jour qu'il l'avait emmenĂ©e de chez son pĂšre dans sa maison, quand il la portait en croupe en trottant sur la neige ; car on Ă©tait aux environs de NoĂl et la campagne Ă©tait toute blanche ; elle le tenait par un bras, Ă l'autre Ă©tait accrochĂ© son panier ; le vent agitait les longues dentelles de sa coiffure cauchoise, qui lui passaient quelquefois sur la bouche, et, lorsqu'il tournait la tĂÂȘte, il voyait prĂšs de lui, sur son Ă©paule, sa petite mine rosĂ©e qui souriait silencieusement, sous la plaque d'or de son bonnet. Pour se rĂ©chauffer les doigts, elle les lui mettait, de temps en temps, dans la poitrine. Comme c'Ă©tait vieux tout cela ! Leur fils, Ă prĂ©sent, aurait trente ans ! Alors il regarda derriĂšre lui, il n'aperçut rien sur la route. Il se sentit triste comme une maison dĂ©meublĂ©e ; et, les souvenirs tendres se mĂÂȘlant aux pensĂ©es noires dans sa cervelle obscurcie par les vapeurs de la bombance, il eut bien envie un moment d'aller faire un tour du cĂÂŽtĂ© de l'Ă©glise. Comme il eut peur, cependant, que cette vue ne le rendĂt plus triste encore, il s'en revint tout droit chez lui. M. et madame Charles arrivĂšrent Ă Tostes, vers six heures. Les voisins se mirent aux fenĂÂȘtres pour voir la nouvelle femme de leur mĂ©decin. La vieille bonne se prĂ©senta, lui fit ses salutations, s'excusa de ce que le dĂner n'Ă©tait pas prĂÂȘt, et engagea Madame, en attendant, Ă prendre connaissance de sa maison. V. La façade de briques Ă©tait juste Ă l'alignement de la rue, ou de la route plutĂÂŽt. DerriĂšre la porte se trouvaient accrochĂ©s un manteau Ă petit collet, une bride, une casquette de cuir noir, et, dans un coin, Ă terre, une paire de houseaux encore couverts de boue sĂšche. A droite Ă©tait la salle, c'est-Ă -dire l'appartement oĂÂč l'on mangeait et oĂÂč l'on se tenait. Un papier jaune-serin, relevĂ© dans le haut par une guirlande de fleurs pĂÂąles, tremblait tout entier sur sa toile mal tendue ; et sur l'Ă©troit chambranle de la cheminĂ©e resplendissait une pendule Ă tĂÂȘte d'Hippocrate, entre deux flambeaux d'argent plaquĂ©, sous des globes de forme ovale. De l'autre cĂÂŽtĂ© du corridor Ă©tait le cabinet de Charles, petite piĂšce de six pas de large environ, avec une table, trois chaises et un fauteuil de bureau. Les tomes du Dictionnaire des sciences mĂ©dicales , non coupĂ©s, mais dont la brochure avait souffert dans toutes les ventes successives par oĂÂč ils avaient passĂ©, garnissaient presque Ă eux seuls, les six rayons d'une bibliothĂšque en bois de sapin. L'odeur des roux pĂ©nĂ©trait Ă travers la muraille, pendant les consultations, de mĂÂȘme que l'on entendait de la cuisine, les malades tousser dans le cabinet et dĂ©biter toute leur histoire. Venait ensuite, s'ouvrant immĂ©diatement sur la cour, oĂÂč se trouvait l'Ă©curie, une grande piĂšce dĂ©labrĂ©e qui avait un four, et qui servait maintenant de bĂ»cher, de cellier, de garde-magasin, pleine de vieilles ferrailles, de tonneaux vides, d'instruments de culture hors de service, avec quantitĂ© d'autres choses poussiĂ©reuses dont il Ă©tait impossible de deviner l'usage. Le jardin, plus long que large, allait, entre deux murs de bauge couverts d'abricots en espalier, jusqu'Ă une haie d'Ă©pines qui le sĂ©parait des champs. Il y avait au milieu un cadran solaire en ardoise, sur un piĂ©destal de maçonnerie ; quatre plates-bandes garnies d'Ă©glantiers maigres entouraient symĂ©triquement le carrĂ© plus utile des vĂ©gĂ©tations sĂ©rieuses. Tout au fond, sous les sapinettes, un curĂ© de plĂÂątre lisait son brĂ©viaire. Emma monta dans les chambres. La premiĂšre n'Ă©tait point meublĂ©e ; mais la seconde, qui Ă©tait la chambre conjugale, avait un lit d'acajou dans une alcĂÂŽve Ă draperie rouge. Une boĂte en coquillages dĂ©corait la commode ; et, sur le secrĂ©taire, prĂšs de la fenĂÂȘtre, il y avait, dans une carafe, un bouquet de fleurs d'oranger, nouĂ© par des rubans de satin blanc. C'Ă©tait un bouquet de mariĂ©e, le bouquet de l'autre ! Elle le regarda. Charles s'en aperçut, il le prit et l'alla porter au grenier, tandis qu'assise dans un fauteuil on disposait ses affaires autour d'elle , Emma songeait Ă son bouquet de mariage, qui Ă©tait emballĂ© dans un carton, et se demandait, en rĂÂȘvant, ce qu'on en ferait, si par hasard elle venait Ă mourir. Elle s'occupa, les premiers jours, Ă mĂ©diter des changements dans sa maison. Elle retira les globes des flambeaux, fit coller des papiers neufs, repeindre l'escalier et faire des bancs dans le jardin, tout autour du cadran solaire ; elle demanda mĂÂȘme comment s'y prendre pour avoir un bassin Ă jet d'eau avec des poissons. Enfin son mari, sachant qu'elle aimait Ă se promener en voiture, trouva un boc d'occasion, qui, ayant une fois des lanternes neuves et des garde-crotte en cuir piquĂ©, ressembla presque Ă un tilbury. Il Ă©tait donc heureux et sans souci de rien au monde. Un repas en tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte, une promenade le soir sur la grande route, un geste de sa main sur ses bandeaux, la vue de son chapeau de paille rond accrochĂ© Ă l'espagnolette d'une fenĂÂȘtre, et bien d'autres choses encore oĂÂč Charles n'avait jamais soupçonnĂ© de plaisir, composaient maintenant la continuitĂ© de son bonheur. Au lit, le matin, et cĂÂŽte Ă cĂÂŽte sur l'oreiller, il regardait la lumiĂšre du soleil passer parmi le duvet de ses joues blondes, que couvraient Ă demi les pattes escalopĂ©es de son bonnet. Vus de si prĂšs, ses yeux lui paraissaient agrandis, surtout quand elle ouvrait plusieurs fois de suite ses paupiĂšres en s'Ă©veillant ; noirs Ă l'ombre et bleu foncĂ© au grand jour, ils avaient comme des couches de couleurs successives, et qui plus Ă©paisses dans le fond, allaient en s'Ă©claircissant vers la surface de l'Ă©mail. Son oeil, Ă lui, se perdait dans ces profondeurs, et il s'y voyait en petit jusqu'aux Ă©paules, avec le foulard qui le coiffait et le haut de sa chemise entrouvert. Il se levait. Elle se mettait Ă la fenĂÂȘtre pour le voir partir ; et elle restait accoudĂ©e sur le bord, entre deux pots de gĂ©raniums, vĂÂȘtue de son peignoir, qui Ă©tait lĂÂąche autour d'elle. Charles, dans la rue, bouclait ses Ă©perons sur la borne ; et elle continuait Ă lui parler d'en haut, tout en arrachant avec sa bouche quelque bribe de fleur ou de verdure qu'elle soufflait vers lui, et qui voltigeant, se soutenant, faisant dans l'air des demi-cercles comme un oiseau, allait, avant de tomber, s'accrocher aux crins mal peignĂ©s de la vieille jument blanche, immobile Ă la porte. Charles, Ă cheval, lui envoyait un baiser ; elle rĂ©pondait par un signe, elle refermait la fenĂÂȘtre, il partait. Et alors, sur la grande route qui Ă©tendait sans en finir son long ruban de poussiĂšre, par les chemins creux oĂÂč les arbres se courbaient en berceaux, dans les sentiers dont les blĂ©s lui montaient jusqu'aux genoux, avec le soleil sur ses Ă©paules et l'air du matin Ă ses narines, le coeur plein des fĂ©licitĂ©s de la nuit, l'esprit tranquille, la chair contente, il s'en allait ruminant son bonheur, comme ceux qui mĂÂąchent encore, aprĂšs dĂner, le goĂ»t des truffes qu'ils digĂšrent. Jusqu'Ă prĂ©sent, qu'avait-il eu de bon dans l'existence ? Etait-ce son temps de collĂšge, oĂÂč il restait enfermĂ© entre ces hauts murs, seul au milieu de ses camarades plus riches ou plus forts que lui dans leurs classes, qu'il faisait rire par son accent, qui se moquaient de ses habits, et dont les mĂšres venaient au parloir avec des pĂÂątisseries dans leur manchon ? Etait-ce plus tard, lorsqu'il Ă©tudiait la mĂ©decine et n'avait jamais la bourse assez ronde pour payer la contredanse Ă quelque petite ouvriĂšre qui fĂ»t devenue sa maĂtresse ? Ensuite il avait vĂ©cu pendant quatorze mois avec la veuve, dont les pieds, dans le lit, Ă©taient froids comme des glaçons. Mais, Ă prĂ©sent, il possĂ©dait pour la vie cette jolie femme qu'il adorait. L'univers, pour lui, n'excĂ©dait pas le tour soyeux de son jupon ; et il se reprochait de ne pas l'aimer, il avait envie de la revoir ; il s'en revenait vite, montait l'escalier, le coeur battant. Emma, dans sa chambre, Ă©tait Ă faire sa toilette ; il arrivait Ă pas muets, il la baisait dans le dos, elle poussait un cri. Il ne pouvait se retenir de toucher continuellement Ă son peigne, Ă ses bagues, Ă son fichu ; quelquefois, il lui donnait sur les joues de gros baisers Ă pleine bouche, ou c'Ă©taient de petits baisers Ă la file tout le long de son bras nu, depuis le bout des doigts jusqu'Ă l'Ă©paule ; et elle le repoussait, Ă demi souriante et ennuyĂ©e, comme on fait Ă un enfant qui se pend aprĂšs vous. Avant qu'elle se mariĂÂąt, elle avait cru avoir de l'amour ; mais le bonheur qui aurait dĂ» rĂ©sulter de cet amour n'Ă©tant pas venu, il fallait qu'elle se fĂ»t trompĂ©e, songea-t-elle. Et Emma cherchait Ă savoir ce que l'on entendait au juste dans la vie par les mots de fĂ©licitĂ©, de passion et d'ivresse , qui lui avaient paru si beaux dans les livres. VI. Elle avait lu Paul et Virginie et elle avait rĂÂȘvĂ© la maisonnette de bambous, le nĂšgre Domingo, le chien FidĂšle, mais surtout l'amitiĂ© douce de quelque bon petit frĂšre, qui va chercher pour vous des fruits rouges dans des grands arbres plus hauts que des clochers, ou qui court pieds nus sur le sable, vous apportant un nid d'oiseau. Lorsqu'elle eut treize ans, son pĂšre l'amena lui-mĂÂȘme Ă la ville, pour la mettre au couvent. Ils descendirent dans une auberge du quartier Saint-Gervais oĂÂč ils eurent Ă leur souper des assiettes peintes qui reprĂ©sentaient l'histoire de mademoiselle de la ValliĂšre. Les explications lĂ©gendaires, coupĂ©es çà et lĂ par l'Ă©gratignure des couteaux, glorifiaient toutes la religion, les dĂ©licatesses du coeur et les pompes de la Cour. Loin de s'ennuyer au couvent les premiers temps, elle se plut dans la sociĂ©tĂ© des bonnes soeurs, qui, pour l'amuser, la conduisaient dans la chapelle, oĂÂč l'on pĂ©nĂ©trait du rĂ©fectoire par un long corridor. Elle jouait fort peu durant les rĂ©crĂ©ations, comprenait bien le catĂ©chisme, et c'est elle qui rĂ©pondait toujours Ă M. le vicaire dans les questions difficiles. Vivant donc sans jamais sortir de la tiĂšde atmosphĂšre des classes et parmi ces femmes au teint blanc portant des chapelets Ă croix de cuivre, elle s'assoupit doucement Ă la langueur mystique qui s'exhale des parfums de l'autel, de la fraĂcheur des bĂ©nitiers et du rayonnement des cierges. Au lieu de suivre la messe, elle regardait dans son livre les vignettes pieuses bordĂ©es d'azur, et elle aimait la brebis malade, le SacrĂ©-Coeur percĂ© de flĂšches aiguĂs, oĂÂč le pauvre JĂ©sus, qui tombe en marchant sur sa croix. Elle essaya, par mortification, de rester tout un jour sans manger. Elle cherchait dans sa tĂÂȘte quelque voeu Ă accomplir. Quand elle allait Ă confesse, elle inventait de petits pĂ©chĂ©s afin de rester lĂ plus longtemps, Ă genoux dans l'ombre, les mains jointes, le visage Ă la grille sous le chuchotement du prĂÂȘtre. Les comparaisons de fiancĂ©, d'Ă©poux, d'amant cĂ©leste et de mariage Ă©ternel qui reviennent dans les sermons lui soulevaient au fond de l'ĂÂąme des douceurs inattendues. Le soir, avant la priĂšre, on faisait dans l'Ă©tude une lecture religieuse. C'Ă©tait, pendant la semaine, quelque rĂ©sumĂ© d'Histoire Sainte ou les ConfĂ©rences, de l'abbĂ© Frayssinous, et, le dimanche, des passages du GĂ©nie du Christianisme par rĂ©crĂ©ation. Comme elle Ă©couta, les premiĂšres fois, la lamentation sonore des mĂ©lancolies romantiques se rĂ©pĂ©tant Ă tous les Ă©chos de la terre et de l'Ă©ternitĂ© ! Si son enfance se fĂ»t Ă©coulĂ©e dans l'arriĂšre-boutique d'un quartier marchand, elle se serait peut-ĂÂȘtre ouverte alors aux envahissements lyriques de la nature, qui, d'ordinaire, ne nous arrivent que par la traduction des Ă©crivains. Mais elle connaissait trop la campagne ; elle savait le bĂÂȘlement des troupeaux, les laitages, les charrues. HabituĂ©e aux aspects calmes, elle se tournait, au contraire, vers les accidentĂ©s. Elle n'aimait la mer qu'Ă cause de ses tempĂÂȘtes, et la verdure seulement lorsqu'elle Ă©tait clairsemĂ©e parmi les ruines. Il fallait qu'elle pĂ»t retirer des choses une sorte de profit personnel ; et elle rejetait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas Ă la consommation immĂ©diate de son coeur, - Ă©tant de tempĂ©rament plus sentimentale qu'artiste, cherchant des Ă©motions et non des paysages. Il y avait au couvent une vieille fille qui venait tous les mois, pendant huit jours, travailler Ă la lingerie. ProtĂ©gĂ©e par l'archevĂÂȘchĂ© comme appartenant Ă une ancienne famille de gentilshommes ruinĂ©s sous la RĂ©volution, elle mangeait au rĂ©fectoire Ă la table des bonnes soeurs, et faisait avec elles, aprĂšs le repas, un petit bout de causette avant de remonter Ă son ouvrage. Souvent les pensionnaires s'Ă©chappaient de l'Ă©tude pour l'aller voir. Elle savait par coeur des chansons galantes du siĂšcle passĂ©, qu'elle chantait Ă demi-voix, tout en poussant son aiguille. Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles, faisait en ville vos commissions, et prĂÂȘtait aux grandes, en cachette, quelque roman, qu'elle avait toujours dans les poches de son tablier, et dont la bonne demoiselle elle-mĂÂȘme avalait de longs chapitres, dans les intervalles de sa besogne. Ce n'Ă©taient qu'amours, amants, amantes, dames persĂ©cutĂ©es s'Ă©vanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue Ă tous les relais, chevaux qu'on crĂšve Ă toutes les pages, forĂÂȘts sombres, troubles du coeur, serments, sanglots, larmes et baisers nacelles au clair de lune rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, Ă quinze ans, Emma se graissa donc les mains Ă cette poussiĂšre des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'Ă©prit de choses historiques, rĂÂȘva bahuts, salle des gardes et mĂ©nestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces chĂÂątelaines au long corsage, qui, sous le trĂšfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la pierre et le menton dans la main, Ă regarder venir du fond de la campagne un cavalier Ă plume blanche qui galope sur un cheval noir. Elle eut dans ce temps-lĂ le culte de Marie Stuart, et des vĂ©nĂ©rations enthousiastes Ă l'endroit des femmes illustres ou infortunĂ©es. Jeanne d'Arc, HĂ©loĂÂŻse, AgnĂšs Sorel, la belle FerronniĂšre et ClĂ©mence Isaure, pour elle, se dĂ©tachaient comme des comĂštes sur l'immensitĂ© tĂ©nĂ©breuse de l'histoire, oĂÂč saillissaient encore çà et lĂ , mais plus perdus dans l'ombre et sans aucun rapport entre eux, Saint Louis avec son chĂÂȘne, Bayard mourant, quelques fĂ©rocitĂ©s de Louis XI, un peu de Saint-BarthĂ©lemy, le panache du BĂ©arnais, et toujours le souvenir des assiettes peintes oĂÂč Louis XIV Ă©tait vantĂ©. A la classe de musique, dans les romances qu'elle chantait, il n'Ă©tait question que de petits anges aux ailes d'or, de madones, de lagunes, de gondoliers, pacifiques compositions qui lui laissaient entrevoir, Ă travers la niaiserie du style et les imprudences de la note, l'attirante fantasmagorie des rĂ©alitĂ©s sentimentales. Quelques-unes de ses camarades apportaient au couvent les keepsakes qu'elles avaient reçus en Ă©trennes. Il les fallait cacher, c'Ă©tait une affaire ; on les lisait au dortoir. Maniant dĂ©licatement leurs belles reliures de satin, Emma fixait ses regards Ă©blouis sur le nom des auteurs inconnus qui avaient signĂ©, le plus souvent, comtes ou vicomtes, au bas de leurs piĂšces. Elle frĂ©missait, en soulevant de son haleine le papier de soie des gravures, qui se levait Ă demi pliĂ© et retombait doucement contre la page. C'Ă©tait derriĂšre la balustrade d'un balcon, un jeune homme en court manteau qui serrait dans ses bras une jeune fille en robe blanche, portant une aumĂÂŽniĂšre Ă sa ceinture ; ou bien les portraits anonymes des ladies anglaises Ă boucles blondes, qui, sous leur chapeau de paille vous regardent avec leurs grands yeux clairs. On en voyait d'Ă©talĂ©es dans des voitures, glissant au milieu des parcs, oĂÂč un lĂ©vrier sautait devant l'attelage que conduisaient au trot deux petits postillons en culotte blanche. D'autres, rĂÂȘvant sur des sofas prĂšs d'un billet dĂ©cachetĂ©, contemplaient la lune, par la fenĂÂȘtre entrouverte, Ă demi drapĂ©e d'un rideau noir. Les naĂÂŻves, une larme sur la joue, becquetaient une tourterelle Ă travers les barreaux d'une cage gothique, ou, souriant la tĂÂȘte sur l'Ă©paule, effeuillaient une marguerite de leurs doigts pointus, retroussĂ©s comme des souliers Ă la poulaine. Et vous y Ă©tiez aussi, sultans Ă longues pipes, pĂÂąmĂ©s sous des tonnelles, aux bras des bayadĂšres, djiaours, sabres turcs, bonnets grecs, et vous surtout, paysages blafards des contrĂ©es dithyrambiques, qui souvent nous montrez Ă la fois des palmiers, des sapins, des tigres Ă droite, un lion Ă gauche, des minarets tartares Ă l'horizon, au premier plan des ruines romaines, puis des chameaux accroupis ; - le tout encadrĂ© d'une forĂÂȘt vierge bien nettoyĂ©e, et avec un grand rayon de soleil perpendiculaire tremblotant dans l'eau, oĂÂč se dĂ©tachent en Ă©corchures blanches, sur un fond d'acier gris, de loin en loin, des cygnes qui nagent. Et l'abat-jour du quinquet, accrochĂ© dans la muraille au-dessus de la tĂÂȘte d'Emma, Ă©clairait tous ces tableaux du monde, qui passaient devant elle les uns aprĂšs les autres, dans le silence du dortoir et au bruit lointain de quelque fiacre attardĂ© qui roulait encore sur les boulevards. Quand sa mĂšre mourut, elle pleura beaucoup les premiers jours. Elle se fit faire un tableau funĂšbre avec les cheveux de la dĂ©funte, et, dans une lettre qu'elle envoyait aux Bertaux, toute pleine de rĂ©flexions tristes sur la vie, elle demandait qu'on l'ensevelĂt plus tard dans le mĂÂȘme tombeau. Le bonhomme la crut malade et vint la voir. Emma fut intĂ©rieurement satisfaite de se sentir arrivĂ©e du premier coup Ă ce rare idĂ©al des existences pĂÂąles, oĂÂč ne parviennent jamais les coeurs mĂ©diocres. Elle se laissa donc glisser dans les mĂ©andres lamartiniens, Ă©couta les harpes sur les lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les vierges pures qui montent au ciel, et la voix de l'Eternel discourant dans les vallons. Elle s'en ennuya, n'en voulut point convenir, continua par habitude, ensuite par vanitĂ©, et fut enfin surprise de se sentir apaisĂ©e, et sans plus de tristesse au coeur que de rides sur son front. Les bonnes religieuses, qui avaient si bien prĂ©sumĂ© de sa vocation, s'aperçurent avec de grands Ă©tonnements que mademoiselle Rouault semblait Ă©chapper Ă leur soin. Elles lui avaient, en effet, tant prodiguĂ© les offices, les retraites, les neuvaines et les sermons, si bien prĂÂȘchĂ© le respect que l'on doit aux saints et aux martyrs, et donnĂ© tant de bons conseils pour la modestie du corps et le salut de son ĂÂąme, qu'elle fit comme les chevaux que l'on tire par la bride elle s'arrĂÂȘta court et le mors lui sortit des dents. Cet esprit, positif au milieu de ses enthousiasmes, qui avait aimĂ© l'Ă©glise pour ses fleurs, la musique pour les paroles des romances, et la littĂ©rature pour ses excitations passionnelles, s'insurgeait devant les mystĂšres de la foi, de mĂÂȘme qu'elle s'irritait davantage contre la discipline, qui Ă©tait quelque chose d'antipathique Ă sa constitution. Quand son pĂšre la retira de pension, on ne fut point fĂÂąchĂ© de la voir partir. La supĂ©rieure trouvait mĂÂȘme qu'elle Ă©tait devenue, dans les derniers temps, peu rĂ©vĂ©rencieuse envers la communautĂ©. Emma, rentrĂ©e chez elle, se plut d'abord au commandement des domestiques, prit ensuite la campagne en dĂ©goĂ»t et regretta son couvent. Quand Charles vint aux Bertaux pour la premiĂšre fois, elle se considĂ©rait comme fort dĂ©sillusionnĂ©e, n'ayant plus rien Ă apprendre, ne devant plus rien sentir. Mais l'anxiĂ©tĂ© d'un Ă©tat nouveau, ou peut-ĂÂȘtre l'irritation causĂ©e par la prĂ©sence de cet homme, avait suffi Ă lui faire croire qu'elle possĂ©dait enfin cette passion merveilleuse qui jusqu'alors s'Ă©tait tenue comme un grand oiseau au plumage rose planant dans la splendeur des ciels poĂ©tiques ; - et elle ne pouvait s'imaginer Ă prĂ©sent que ce calme oĂÂč elle vivait fĂ»t le bonheur qu'elle avait rĂÂȘvĂ©. VII. Elle songeait quelquefois que c'Ă©taient lĂ pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. Pour en goĂ»ter la douceur, il eĂ»t fallu, sans doute, s'en aller vers ces pays Ă noms sonores oĂÂč les lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpĂ©es, Ă©coutant la chanson du postillon, qui se rĂ©pĂšte dans la montagne avec les clochettes des chĂšvres et le bruit sourd de la cascade. Quand le soleil se couche, on respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde les Ă©toiles en faisant des projets. Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particuliĂšre au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s'accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage Ă©cossais, avec un mari vĂÂȘtu d'un habit de velours noir Ă longues basques, et qui porte des bottes molles, un chapeau pointu et des manchettes ! Peut-ĂÂȘtre aurait-elle souhaitĂ© faire Ă quelqu'un la confidence de toutes ces choses. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d'aspect comme les nuĂ©es, qui tourbillonne comme le vent ? Les mots lui manquaient donc, l'occasion, la hardiesse. Si Charles l'avait voulu cependant, s'il s'en fĂ»t doutĂ©, si son regard, une seule fois, fĂ»t venu Ă la rencontre de sa pensĂ©e, il lui semblait qu'une abondance subite se serait dĂ©tachĂ©e de son coeur, comme tombe la rĂ©colte d'un espalier quand on y porte la main. Mais, Ă mesure que se serrait davantage l'intimitĂ© de leur vie, un dĂ©tachement intĂ©rieur se faisait qui la dĂ©liait de lui. La conversation de Charles Ă©tait plate comme un trottoir de rue, et les idĂ©es de tout le monde y dĂ©filaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d'Ă©motion, de rire ou de rĂÂȘverie. Il n'avait jamais Ă©tĂ© curieux, disait-il, pendant qu'il habitait Rouen, d'aller voir au thĂ©ĂÂątre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d'Ă©quitation qu'elle avait rencontrĂ© dans un roman. Un homme, au contraire, ne devait-il pas tout connaĂtre, exceller en des activitĂ©s multiples, vous initier aux Ă©nergies de la passion, aux raffinements de la vie, Ă tous les mystĂšres ? Mais il n'enseignait rien, celui-lĂ , ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur mĂÂȘme qu'elle lui donnait. Elle dessinait quelquefois ; et c'Ă©tait pour Charles un grand amusement que de rester lĂ , tout debout, Ă la regarder penchĂ©e sur son carton, clignant des yeux afin de mieux voir son ouvrage, ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. Quant au piano, plus les doigts y couraient vite, plus il s'Ă©merveillait. Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s'interrompre. Ainsi secouĂ© par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s'entendait jusqu'au bout du village si la fenĂÂȘtre Ă©tait ouverte, et souvent le clerc de l'huissier qui passait sur la grande route, nu-tĂÂȘte et en chaussons, s'arrĂÂȘtait Ă l'Ă©couter, sa feuille de papier Ă la main. Emma, d'autre part, savait conduire sa maison. Elle envoyait aux malades le compte des visites dans des lettres bien tournĂ©es qui ne sentaient pas la facture. Quand ils avaient, le dimanche, quelque voisin Ă dĂner, elle trouvait moyen d'offrir un plat coquet, s'entendait Ă poser sur des feuilles de vigne les pyramides de reines-claudes, servait renversĂ©s les pots de confitures dans une assiette, et mĂÂȘme elle parlait d'acheter des rince-bouche pour le dessert. Il rejaillissait de tout cela beaucoup de considĂ©ration sur Bovary. Charles finissait par s'estimer davantage de ce qu'il possĂ©dait une pareille femme. Il montrait avec orgueil, dans la salle, deux petits croquis d'elle, Ă la mine de plomb, qu'il avait fait encadrer de cadres trĂšs larges et suspendus contre le papier de la muraille Ă de longs cordons verts. Au sortir de la messe, on le voyait sur sa porte avec de belles pantoufles en tapisserie. Il rentrait tard, Ă dix heures, minuit quelquefois. Alors il demandait Ă manger, et, comme la bonne Ă©tait couchĂ©e, c'Ă©tait Emma qui le servait. Il retirait sa redingote pour dĂner plus Ă son aise. Il disait les uns aprĂšs les autres tous les gens qu'il avait rencontrĂ©s, les villages oĂÂč il avait Ă©tĂ©, les ordonnances qu'il avait Ă©crites, et satisfait de lui-mĂÂȘme, il mangeait le reste du miroton, Ă©pluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s'allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait. Comme il avait eu longtemps l'habitude du bonnet de coton, son foulard ne lui tenait pas aux oreilles ; aussi ses cheveux, le matin, Ă©taient rabattus pĂÂȘle-mĂÂȘle sur sa figure et blanchis par le duvet de son oreiller, dont les cordons se dĂ©nouaient pendant la nuit. Il portait toujours de fortes bottes, qui avaient au cou-de-pied deux plis Ă©pais obliquant vers les chevilles, tandis que le reste de l'empeigne se continuait en ligne droite, tendu comme par un pied de bois. Il disait que c'Ă©tait bien assez bon pour la campagne . Sa mĂšre l'approuvait en cette Ă©conomie ; car elle le venait voir comme autrefois, lorsqu'il y avait eu chez elle quelque bourrasque un peu violente ; et cependant madame Bovary mĂšre semblait prĂ©venue contre sa bru. Elle lui trouvait un genre trop relevĂ© pour leur position de fortune ; le bois, le sucre et la chandelle filaient comme dans une grande maison , et la quantitĂ© de braise qui se brĂ»lait Ă la cuisine aurait suffi pour vingt-cinq plats ! Elle rangeait son linge dans les armoires et lui apprenait Ă surveiller le boucher quand il apportait la viande. Emma recevait ces leçons ; madame Bovary les prodiguait ; et les mots de ma fille et de ma mĂšre s'Ă©changeaient tout le long du jour, accompagnĂ©s d'un petit frĂ©missement des lĂšvres, chacune lançant des paroles douces d'une voix tremblante de colĂšre. Du temps de madame Dubuc, la vieille femme se sentait encore la prĂ©fĂ©rĂ©e ; mais, Ă prĂ©sent, l'amour de Charles pour Emma lui semblait une dĂ©sertion de sa tendresse, un envahissement sur ce qui lui appartenait ; et elle observait le bonheur de son fils avec un silence triste, comme quelqu'un de ruinĂ© qui regarde, Ă travers les carreaux, des gens attablĂ©s dans son ancienne maison. Elle lui rappelait, en maniĂšre de souvenirs, ses peines et ses sacrifices, et, les comparant aux nĂ©gligences d'Emma, concluait qu'il n'Ă©tait point raisonnable de l'adorer d'une façon si exclusive. Charles ne savait que rĂ©pondre ; il respectait sa mĂšre, et il aimait infiniment sa femme ; il considĂ©rait le jugement de l'une comme infaillible, et cependant il trouvait l'autre irrĂ©prochable. Quand madame Bovary Ă©tait partie, il essayait de hasarder timidement, et dans les mĂÂȘmes termes, une ou deux des plus anodines observations qu'il avait entendu faire Ă sa maman ; Emma, lui prouvant d'un mot qu'il se trompait, le renvoyait Ă ses malades. Cependant, d'aprĂšs des thĂ©ories qu'elle croyait bonnes, elle voulut se donner de l'amour. Au clair de lune, dans le jardin, elle rĂ©citait tout ce qu'elle savait par coeur de rimes passionnĂ©es et lui chantait en soupirant des adagios mĂ©lancoliques ; mais elle se trouvait ensuite aussi calme qu'auparavant, et Charles n'en paraissait ni plus amoureux ni plus remuĂ©. Quand elle eut ainsi un peu battu le briquet sur son coeur sans en faire jaillir une Ă©tincelle, incapable, du reste, de comprendre ce qu'elle n'Ă©prouvait pas, comme de croire Ă tout ce qui ne se manifestait point par des formes convenues, elle se persuada sans peine que la passion de Charles n'avait plus rien d'exorbitant. Ses expansions Ă©taient devenues rĂ©guliĂšres ; il l'embrassait Ă de certaines heures. C'Ă©tait une habitude parmi les autres, et comme un dessert prĂ©vu d'avance, aprĂšs la monotonie du dĂner. Un garde-chasse, guĂ©ri par Monsieur, d'une fluxion de poitrine, avait donnĂ© Ă Madame une petite levrette d'Italie ; elle la prenait pour se promener, car elle sortait quelquefois, afin d'ĂÂȘtre seule un instant et de n'avoir plus sous les yeux l'Ă©ternel jardin avec la route poudreuse. Elle allait jusqu'Ă la hĂÂȘtraie de Banneville, prĂ©s du pavillon abandonnĂ© qui fait l'angle du mur, du cĂÂŽtĂ© des champs. Il y a dans le saut-de-loup, parmi les herbes, de longs roseaux Ă feuilles coupantes. Elle commençait par regarder tout alentour, pour voir si rien n'avait changĂ© depuis la derniĂšre fois qu'elle Ă©tait venue. Elle retrouvait aux mĂÂȘmes places les digitales et les ravenelles, les bouquets d'orties entourant les gros cailloux, et les plaques de lichen le long des trois fenĂÂȘtres, dont les volets toujours clos s'Ă©grenaient de pourriture, sur leurs barres de fer rouillĂ©es. Sa pensĂ©e, sans but d'abord, vagabondait au hasard, comme sa levrette, qui faisait des cercles dans la campagne, jappait aprĂšs les papillons jaunes, donnait la chasse aux musaraignes, ou mordillait les coquelicots sur le bord d'une piĂšce de blĂ©. Puis ses idĂ©es peu Ă peu se fixaient, et, assise sur le gazon, qu'elle fouillait Ă petits coups avec le bout de son ombrelle, Emma se rĂ©pĂ©tait - Pourquoi, mon Dieu ! me suis-je mariĂ©e ? Elle se demandait s'il n'y aurait pas eu moyen, par d'autres combinaisons du hasard, de rencontrer un autre homme ; et elle cherchait Ă imaginer quels eussent Ă©tĂ© ces Ă©vĂ©nements non survenus, cette vie diffĂ©rente, ce mari qu'elle ne connaissait pas. Tous, en effet, ne ressemblaient pas Ă celui-lĂ . Il aurait pu ĂÂȘtre beau, spirituel, distinguĂ©, attirant, tels qu'ils Ă©taient sans doute, ceux qu'avaient Ă©pousĂ©s ses anciennes camarades du couvent. Que faisaient-elles maintenant ? A la ville, avec le bruit des rues, le bourdonnement des thĂ©ĂÂątres et les clartĂ©s du bal, elles avaient des existences oĂÂč le coeur se dilate, oĂÂč les sens s'Ă©panouissent. Mais elle, sa vie Ă©tait froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignĂ©e silencieuse, filait sa toile dans l'ombre Ă tous les coins de son coeur. Elle se rappelait les jours de distribution de prix, oĂÂč elle montait sur l'estrade pour aller chercher ses petites couronnes. Avec ses cheveux en tresse, sa robe blanche et ses souliers de prunelles dĂ©couverts, elle avait une façon gentille, et les messieurs, quand elle regagnait sa place, se penchaient pour lui faire des compliments ; la cour Ă©tait pleine de calĂšches, on lui disait adieu par les portiĂšres, le maĂtre de musique passait en saluant, avec sa boĂte Ă violon. Comme c'Ă©tait loin, tout cela ! comme c'Ă©tait loin ! Elle appelait Djali, la prenait entre ses genoux, passait ses doigts sur sa longue tĂÂȘte fine et lui disait - Allons, baisez maĂtresse, vous qui n'avez pas de chagrins. Puis, considĂ©rant la mine mĂ©lancolique du svelte animal qui bĂÂąillait avec lenteur, elle s'attendrissait, et, le comparant Ă elle-mĂÂȘme, lui parlait tout haut, comme Ă quelqu'un d'affligĂ© que l'on console. Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer qui, roulant d'un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient, jusqu'au loin dans les champs, une fraĂcheur salĂ©e. Les joncs sifflaient Ă ras de terre, et les feuilles des hĂÂȘtres bruissaient en un frisson rapide, tandis que les cimes, se balançant toujours, continuaient leur grand murmure. Emma serrait son chĂÂąle contre ses Ă©paules et se levait. Dans l'avenue, un jour vert rabattu par le feuillage Ă©clairait la mousse rase qui craquait doucement sous ses pieds. Le soleil se couchait ; le ciel Ă©tait rouge entre les branches, et les troncs pareils des arbres plantĂ©s en ligne droite semblaient une colonnade brune se dĂ©tachant sur un fond d'or ; une peur la prenait, elle appelait Djali, s'en retournait vite Ă Tostes par la grande route, s'affaissait dans un fauteuil, et de toute la soirĂ©e ne parlait pas. Mais, vers la fin de septembre, quelque chose d'extraordinaire tomba dans sa vie elle fut invitĂ©e Ă la Vaubyessard, chez le marquis d'Andervilliers. SecrĂ©taire d'Etat sous la Restauration, le Marquis, cherchant Ă rentrer dans la vie politique, prĂ©parait de longue main sa candidature Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s. Il faisait, l'hiver, de nombreuses distributions de fagots, et, au Conseil gĂ©nĂ©ral, rĂ©clamait avec exaltation toujours des routes pour son arrondissement. Il avait eu, lors des grandes chaleurs, un abcĂšs dans la bouche, dont Charles l'avait soulagĂ© comme par miracle, en y donnant Ă point un coup de lancette. L'homme d'affaires, envoyĂ© Ă Tostes pour payer l'opĂ©ration, conta, le soir, qu'il avait vu dans le jardinet du mĂ©decin des cerises superbes. Or, les cerisiers poussaient mal Ă la Vaubyessard, M. le Marquis demanda quelques boutures Ă Bovary, se fit un devoir de l'en remercier lui-mĂÂȘme, aperçut Emma, trouva qu'elle avait une jolie taille et qu'elle ne saluait point en paysanne ; si bien qu'on ne crut pas au chĂÂąteau outrepasser les bornes de la condescendance, ni d'autre part commettre une maladresse, en invitant le jeune mĂ©nage. Un mercredi, Ă trois heures, M. et madame Bovary, montĂ©s dans leur boc , partirent pour la Vaubyessard, avec une grande malle attachĂ©e par-derriĂšre et une boĂte Ă chapeau qui Ă©tait posĂ©e devant le tablier. Charles avait, de plus, un carton entre les jambes. Ils arrivĂšrent Ă la nuit tombante, comme on commençait Ă allumer des lampions dans le parc, afin d'Ă©clairer les voitures. VIII. Le chĂÂąteau, de construction moderne, Ă l'italienne avec deux ailes avançant et trois perrons, se dĂ©ployait au bas d'une immense pelouse oĂÂč paissaient quelques vaches, entre des bouquets de grands arbres espacĂ©s, tandis que des bannettes d'arbustes, rhododendrons, seringas et boules-de-neige bombaient leurs touffes de verdure inĂ©gales sur la ligne courbe du chemin sablĂ©. Une riviĂšre passait sous un pont ; Ă travers la brume, on distinguait des bĂÂątiments Ă toit de chaume, Ă©parpillĂ©s dans la prairie, que bordaient en pente douce deux coteaux couverts de bois, et par-derriĂšre, dans les massifs, se tenaient, sur deux lignes parallĂšles, les remises et les Ă©curies, restes conservĂ©s de l'ancien chĂÂąteau dĂ©moli. Le boc de Charles s'arrĂÂȘta devant le perron du milieu ; des domestiques parurent ; le Marquis s'avança, et, offrant son bras Ă la femme du mĂ©decin, l'introduisit dans le vestibule. Il Ă©tait pavĂ© de dalles en marbre, trĂšs haut, et le bruit des pas, avec celui des voix, y retentissait comme dans une Ă©glise. En face montait un escalier droit, et Ă gauche une galerie donnant sur le jardin conduisait Ă la salle de billard dont on entendait, dĂšs la porte, caramboler les boules d'ivoire. Comme elle la traversait pour aller au salon, Emma vit autour du jeu des hommes Ă figure grave, le menton posĂ© sur de hautes cravates, dĂ©corĂ©s tous, et qui souriaient silencieusement, en poussant leur queue. Sur la boiserie sombre du lambris, de grands cadres dorĂ©s portaient, au bas de leur bordure, des noms Ă©crits en lettres noires. Elle lut " Jean-Antoine d'Andervilliers d'Yverbonville, comte de la Vaubyessard et baron de la Fresnaye, tuĂ© Ă la bataille de Coutras, le 20 octobre 1587. " Et sur un autre " Jean-Antoine-Henry-Guy d'Andervilliers de la Vaubyessard, amiral de France et chevalier de l'ordre de Saint-Michel, blessĂ© au combat de la Hougue-Saint-Vaast, le 29 mai 1692, mort Ă la Vaubyessard le 23 janvier 1693. " Puis on distinguait Ă peine ceux qui suivaient, car la lumiĂšre des lampes, rabattue sur le tapis vert du billard, laissait flotter une ombre dans l'appartement. Brunissant les toiles horizontales, elle se brisait contre elles en arĂÂȘtes fines, selon les craquelures du vernis ; et de tous ces grands carrĂ©s noirs brodĂ©s d'or sortaient, çà et lĂ , quelque portion plus claire de la peinture, un front pĂÂąle, deux yeux qui vous regardaient, des perruques se dĂ©roulant sur l'Ă©paule poudrĂ©e des habits rouges, ou bien la boucle d'une jarretiĂšre au haut d'un mollet rebondi. Le Marquis ouvrit la porte du salon ; une des dames se leva la Marquise elle-mĂÂȘme , vint Ă la rencontre d'Emma et la fit asseoir prĂšs d'elle, sur une causeuse, oĂÂč elle se mit Ă lui parler amicalement, comme si elle la connaissait depuis longtemps. C'Ă©tait une femme de la quarantaine environ, Ă belles Ă©paules, Ă nez busquĂ©, Ă la voix traĂnante, et portant, ce soir-lĂ , sur ses cheveux chĂÂątains, un simple fichu de guipure qui retombait par-derriĂšre, en triangle. Une jeune personne blonde se tenait Ă cĂÂŽtĂ©, dans une chaise Ă dossier long ; et des messieurs, qui avaient une petite fleur Ă la boutonniĂšre de leur habit, causaient avec les dames, tout autour de la cheminĂ©e. A sept heures, on servit le dĂner. Les hommes, plus nombreux, s'assirent Ă la premiĂšre table, dans le vestibule, et les dames Ă la seconde, dans la salle Ă manger, avec le Marquis et la Marquise. Emma se sentit, en entrant, enveloppĂ©e par un air chaud, mĂ©lange du parfum des fleurs et du beau linge, du fumet des viandes et de l'odeur des truffes. Les bougies des candĂ©labres allongeaient des flammes sur les cloches d'argent ; les cristaux Ă facettes, couverts d'une buĂ©e mate, se renvoyaient des rayons pĂÂąles ; des bouquets Ă©taient en ligne sur toute la longueur de la table, et, dans les assiettes Ă large bordure, les serviettes, arrangĂ©es en maniĂšre de bonnet d'Ă©vĂÂȘque, tenaient entre le bĂÂąillement de leurs deux plis chacune un petit pain de forme ovale. Les pattes rouges des homards dĂ©passaient les plats ; de gros fruits dans des corbeilles Ă jour s'Ă©tageaient sur la mousse ; les cailles avaient leurs plumes, des fumĂ©es montaient ; et, en bas de soie, en culotte courte, en cravate blanche, en jabot, grave comme un juge, le maĂtre d'hĂÂŽtel, passant entre les Ă©paules des convives les plats tout dĂ©coupĂ©s, faisait d'un coup de sa cuiller sauter pour vous le morceau qu'on choisissait. Sur le grand poĂÂȘle de porcelaine Ă baguette de cuivre, une statue de femme drapĂ©e jusqu'au menton regardait immobile la salle pleine de monde. Madame Bovary remarqua que plusieurs dames n'avaient pas mis leurs gants dans leur verre. Cependant, au haut bout de la table, seul parmi toutes ces femmes, courbĂ© sur son assiette remplie, et la serviette nouĂ©e dans le dos comme un enfant, un vieillard mangeait, laissant tomber de sa bouche des gouttes de sauce. Il avait les yeux Ă©raillĂ©s et portait une petite queue enroulĂ©e d'un ruban noir. C'Ă©tait le beau-pĂšre du marquis, le vieux duc de LaverdiĂšre, l'ancien favori du comte d'Artois, dans le temps des parties de chasse au Vaudreuil, chez le marquis de Conflans, et qui avait Ă©tĂ©, disait-on, l'amant de la reine Marie-Antoinette entre MM. de Coigny et de Lauzun. Il avait menĂ© une vie bruyante de dĂ©bauches, pleine de duels, de paris, de femmes enlevĂ©es, avait dĂ©vorĂ© sa fortune et effrayĂ© toute sa famille. Un domestique, derriĂšre sa chaise, lui nommait tout haut, dans l'oreille, les plats qu'il dĂ©signait du doigt en bĂ©gayant ; et sans cesse les yeux d'Emma revenaient d'eux-mĂÂȘmes sur ce vieil homme Ă lĂšvres pendantes, comme sur quelque chose d'extraordinaire et d'auguste. Il avait vĂ©cu Ă la Cour et couchĂ© dans le lit des reines ! On versa du vin de Champagne Ă la glace. Emma frissonna de toute sa peau en sentant ce froid dans sa bouche. Elle n'avait jamais vu de grenades ni mangĂ© d'ananas. Le sucre en poudre mĂÂȘme lui parut plus blanc et plus fin qu'ailleurs. Les dames, ensuite, montĂšrent dans leurs chambres s'apprĂÂȘter pour le bal. Emma fit sa toilette avec la conscience mĂ©ticuleuse d'une actrice Ă son dĂ©but. Elle disposa ses cheveux d'aprĂšs les recommandations du coiffeur, et elle entra dans sa robe de barĂšge, Ă©talĂ©e sur le lit. Le pantalon de Charles le serrait au ventre. - Les sous-pieds vont me gĂÂȘner pour danser, dit-il. - Danser ? reprit Emma. - Oui ! - Mais tu as perdu la tĂÂȘte ! On se moquerait de toi, reste Ă ta place. D'ailleurs, c'est plus convenable pour un mĂ©decin, ajouta-t-elle. Charles se tut. Il marchait de long en large, attendant qu'Emma fĂ»t habillĂ©e. Il la voyait par-derriĂšre, dans la glace, entre deux flambeaux. Ses yeux noirs semblaient plus noirs. Ses bandeaux, doucement bombĂ©s vers les oreilles, luisaient d'un Ă©clat bleu ; une rose Ă son chignon tremblait sur une tige mobile, avec des gouttes d'eau factices au bout de ses feuilles. Elle avait une robe de safran pĂÂąle, relevĂ©e par trois bouquets de roses pompon mĂÂȘlĂ©es de verdure. Charles vint l'embrasser sur l'Ă©paule. - Laisse-moi ! dit-elle, tu me chiffonnes. On entendit une ritournelle de violon et les sons d'un cor. Elle descendit l'escalier, se retenant de courir. Les quadrilles Ă©taient commencĂ©s. Il arrivait du monde. On se poussait. Elle se plaça prĂšs de la porte, sur une banquette. Quand la contredanse fut finie, le parquet resta libre pour les groupes d'hommes causant debout et les domestiques en livrĂ©e qui apportaient de grands plateaux. Sur la ligne des femmes assises, les Ă©ventails peints s'agitaient, les bouquets cachaient Ă demi le sourire des visages, et les flacons Ă bouchons d'or tournaient dans des mains entrouvertes dont les gants blancs marquaient la forme des ongles et serraient la chair au poignet. Les garnitures de dentelles, les broches de diamants, les bracelets Ă mĂ©daillon frissonnaient aux corsages, scintillaient aux poitrines, bruissaient sur les bras nus. Les chevelures, bien collĂ©es sur les fronts et tordues Ă la nuque, avaient, en couronnes, en grappes ou en rameaux, des myosotis, du jasmin, des fleurs de grenadier, des Ă©pis ou des bleuets. Pacifiques Ă leurs places, des mĂšres Ă figure renfrognĂ©e portaient des turbans rouges. Le coeur d'Emma lui battit un peu lorsque, son cavalier la tenant par le bout des doigts, elle vint se mettre en ligne et attendit le coup d'archet pour partir. Mais bientĂÂŽt l'Ă©motion disparut ; et, se balançant au rythme de l'orchestre, elle glissait en avant, avec des mouvements lĂ©gers du cou. Un sourire lui montait aux lĂšvres Ă certaines dĂ©licatesses du violon, qui jouait seul, quelquefois, quand les autres instruments se taisaient ; on entendait le bruit clair des louis d'or qui se versaient Ă cĂÂŽtĂ©, sur le tapis des tables ; puis tout reprenait Ă la fois, le cornet Ă pistons lançait un Ă©clat sonore, les pieds retombaient en mesure, les jupes se bouffaient et frĂÂŽlaient, les mains se donnaient, se quittaient ; les mĂÂȘmes yeux, s'abaissant devant vous, revenaient se fixer sur les vĂÂŽtres. Quelques hommes une quinzaine de vingt-cinq Ă quarante ans, dissĂ©minĂ©s parmi les danseurs ou causant Ă l'entrĂ©e des portes, se distinguaient de la foule par un air de famille, quelles que fussent leurs diffĂ©rences d'ĂÂąge, de toilette ou de figure. Leurs habits, mieux faits, semblaient d'un drap plus souple, et leurs cheveux, ramenĂ©s en boucles vers les tempes, lustrĂ©s par des pommades plus fines. Ils avaient le teint de la richesse, ce teint blanc que rehaussent la pĂÂąleur des porcelaines, les moires du satin, le vernis des beaux meubles, et qu'entretient dans sa santĂ© un rĂ©gime discret de nourritures exquises. Leur cou tournait Ă l'aise sur des cravates basses ; leurs favoris longs tombaient sur des cols rabattus ; ils s'essuyaient les lĂšvres Ă des mouchoirs brodĂ©s d'un large chiffre, d'oĂÂč sortait une odeur suave. Ceux qui commençaient Ă vieillir avaient l'air jeune, tandis que quelque chose de mĂ»r s'Ă©tendait sur le visage des jeunes. Dans leurs regards indiffĂ©rents flottait la quiĂ©tude de passions journellement assouvies ; et, Ă travers leurs maniĂšres douces, perçait cette brutalitĂ© particuliĂšre que communique la domination de choses Ă demi faciles, dans lesquelles la force s'exerce et oĂÂč la vanitĂ© s'amuse, le maniement des chevaux de race et la sociĂ©tĂ© des femmes perdues. A trois pas d'Emma, un cavalier en habit bleu causait Italie avec une jeune femme pĂÂąle, portant une parure de perles. Ils vantaient la grosseur des piliers de Saint-Pierre, Tivoli, le VĂ©suve, Castellamare et les Cassines, les roses de GĂÂȘnes, le ColisĂ©e au clair de lune. Emma Ă©coutait de son autre oreille une conversation pleine de mots qu'elle ne comprenait pas. On entourait un tout jeune homme qui avait battu, la semaine d'avant, Miss-Arabelle et Romulus , et gagnĂ© deux mille louis Ă sauter un fossĂ©, en Angleterre. L'un se plaignait de ses coureurs qui engraissaient ; un autre, des fautes d'impression qui avaient dĂ©naturĂ© le nom de son cheval. L'air du bal Ă©tait lourd ; les lampes pĂÂąlissaient. On refluait dans la salle de billard. Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres ; au bruit des Ă©clats de verre, madame Bovary tourna la tĂÂȘte et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son pĂšre en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-mĂÂȘme, comme autrefois, Ă©crĂ©mant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais, aux fulgurations de l'heure prĂ©sente, sa vie passĂ©e, si nette jusqu'alors, s'Ă©vanouissait tout entiĂšre, et elle doutait presque de l'avoir vĂ©cue. Elle Ă©tait lĂ ; puis autour du bal, il n'y avait plus que de l'ombre, Ă©talĂ©e sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu'elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait Ă demi les yeux, la cuiller entre les dents. Une dame, prĂšs d'elle, laissa tomber son Ă©ventail. Un danseur passait. - Que vous seriez bon, monsieur, dit la dame, de vouloir bien ramasser mon Ă©ventail, qui est derriĂšre ce canapĂ© ! Le monsieur s'inclina, et, pendant qu'il faisait le mouvement d'Ă©tendre son bras, Emma vit la main de la jeune dame qui jetait dans son chapeau quelque chose de blanc, pliĂ© en triangle. Le monsieur, ramenant l'Ă©ventail, l'offrit Ă la dame, respectueusement ; elle le remercia d'un signe de tĂÂȘte et se mit Ă respirer son bouquet. AprĂšs le souper, oĂÂč il y eut beaucoup de vins d'Espagne et de vins du Rhin, des potages Ă la bisque et au lait d'amandes, des puddings Ă la Trafalgar et toutes sortes de viandes froides avec des gelĂ©es alentour qui tremblaient dans les plats, les voitures, les unes aprĂšs les autres, commencĂšrent Ă s'en aller. En Ă©cartant du coin le rideau de mousseline, on voyait glisser dans l'ombre la lumiĂšre de leurs lanternes. Les banquettes s'Ă©claircirent ; quelques joueurs restaient encore ; les musiciens rafraĂchissaient, sur leur langue, le bout de leurs doigts ; Charles dormait Ă demi, le dos appuyĂ© contre une porte. A trois heures du matin, le cotillon commença. Emma ne savait pas valser. Tout le monde valsait, mademoiselle d'Andervilliers elle-mĂÂȘme et la marquise ; il n'y avait plus que les hĂÂŽtes du chĂÂąteau, une douzaine de personnes Ă peu prĂšs. Cependant, un des valseurs, qu'on appelait familiĂšrement vicomte , et dont le gilet trĂšs ouvert semblait moulĂ© sur sa poitrine, vint une seconde fois encore inviter madame Bovary, l'assurant qu'il la guiderait et qu'elle s'en tirerait bien. Ils commencĂšrent lentement, puis allĂšrent plus vite. Ils tournaient tout tournait autour d'eux, les lampes, les meubles, les lambris, et le parquet, comme un disque sur un pivot. En passant auprĂšs des portes, la robe d'Emma, par le bas, s'Ă©raflait au pantalon ; leurs jambes entraient l'une dans l'autre ; il baissait ses regards vers elle, elle levait les siens vers lui ; une torpeur la prenait, elle s'arrĂÂȘta. Ils repartirent ; et, d'un mouvement plus rapide, le vicomte, l'entraĂnant, disparut avec elle jusqu'au bout de la galerie, oĂÂč, haletante, elle faillit tomber, et, un instant, s'appuya la tĂÂȘte sur sa poitrine. Et puis, tournant toujours, mais plus doucement, il la reconduisit Ă sa place ; elle se renversa contre la muraille et mit la main devant ses yeux. Quand elle les rouvrit, au milieu du salon, une dame assise sur un tabouret avait devant elle trois valseurs agenouillĂ©s. Elle choisit le Vicomte, et le violon recommença. On les regardait. Ils passaient et revenaient, elle immobile du corps et le menton baissĂ©, et lui toujours dans sa mĂÂȘme pose, la taille cambrĂ©e, le coude arrondi, la bouche en avant. Elle savait valser, celle-lĂ ! Ils continuĂšrent longtemps et fatiguĂšrent tous les autres. On causa quelques minutes encore, et, aprĂšs les adieux ou plutĂÂŽt le bonjour, les hĂÂŽtes du chĂÂąteau s'allĂšrent coucher. Charles se traĂnait Ă la rampe, les genoux lui rentraient dans le corps . Il avait passĂ© cinq heures de suite, tout debout devant les tables, Ă regarder jouer au whist sans y rien comprendre. Aussi poussa-t-il un grand soupir de satisfaction lorsqu'il eut retirĂ© ses bottes. Emma mit un chĂÂąle sur ses Ă©paules, ouvrit la fenĂÂȘtre et s'accouda. La nuit Ă©tait noire. Quelques gouttes de pluie tombaient. Elle aspira le vent humide qui lui rafraĂchissait les paupiĂšres. La musique du bal bourdonnait encore Ă ses oreilles, et elle faisait des efforts pour se tenir Ă©veillĂ©e, afin de prolonger l'illusion de cette vie luxueuse qu'il lui faudrait tout Ă l'heure abandonner. Le petit jour parut. Elle regarda les fenĂÂȘtres du chĂÂąteau, longuement, tĂÂąchant de deviner quelles Ă©taient les chambres de tous ceux qu'elle avait remarquĂ©s la veille. Elle aurait voulu savoir leurs existences, y pĂ©nĂ©trer, s'y confondre. Mais elle grelottait de froid. Elle se dĂ©shabilla et se blottit entre les draps, contre Charles qui dormait. Il y eut beaucoup de monde au dĂ©jeuner. Le repas dura dix minutes ; on ne servit aucune liqueur, ce qui Ă©tonna le mĂ©decin. Ensuite mademoiselle d'Andervilliers ramassa des morceaux de brioche dans une bannette, pour les porter aux cygnes sur la piĂšce d'eau, et on s'alla promener dans la serre chaude, oĂÂč des plantes bizarres, hĂ©rissĂ©es de poils, s'Ă©tageaient en pyramides sous des vases suspendus, qui, pareils Ă des nids de serpents trop pleins, laissaient retomber, de leurs bords, de longs cordons verts entrelacĂ©s. L'orangerie, que l'on trouvait au bout, menait Ă couvert jusqu'aux communs du chĂÂąteau. Le Marquis, pour amuser la jeune femme, la mena voir les Ă©curies. Au-dessus des rĂÂąteliers en forme de corbeille, des plaques de porcelaine portaient en noir le nom des chevaux. Chaque bĂÂȘte s'agitait dans sa stalle, quand on passait prĂšs d'elle, en claquant de la langue. Le plancher de la sellerie luisait Ă l'oeil comme le parquet d'un salon. Les harnais de voiture Ă©taient dressĂ©s dans le milieu sur deux colonnes tournantes, et les mors, les fouets, les Ă©triers, les gourmettes rangĂ©s en ligne tout le long de la muraille. Charles, cependant, alla prier un domestique d'atteler son boc . On l'amena devant le perron, et, tous les paquets y Ă©tant fourrĂ©s, les Ă©poux Bovary firent leurs politesses au Marquis et Ă la Marquise, et repartirent pour Tostes. Emma, silencieuse, regardait tourner les roues. Charles, posĂ© sur le bord extrĂÂȘme de la banquette, conduisait les deux bras Ă©cartĂ©s, et le petit cheval trottait l'amble dans les brancards, qui Ă©taient trop larges pour lui. Les guides molles battaient sur sa croupe en s'y trempant d'Ă©cume, et la boĂte ficelĂ©e derriĂšre le boc donnait contre la caisse de grands coups rĂ©guliers. Ils Ă©taient sur les hauteurs de Thibourville, lorsque devant eux, tout Ă coup, des cavaliers passĂšrent en riant, avec des cigares Ă la bouche. Emma crut reconnaĂtre le Vicomte ; elle se dĂ©tourna, et n'aperçut Ă l'horizon que le mouvement des tĂÂȘtes s'abaissant et montant, selon la cadence inĂ©gale du trot ou du galop. Un quart de lieue plus loin, il fallut s'arrĂÂȘter pour raccommoder, avec de la corde, le reculement qui Ă©tait rompu. Mais Charles, donnant au harnais un dernier coup d'oeil, vit quelque chose par terre, entre les jambes de son cheval ; et il ramassa un porte-cigares tout bordĂ© de soie verte et blasonnĂ© Ă son milieu comme la portiĂšre d'un carrosse. - Il y a mĂÂȘme deux cigares dedans, dit-il ; ce sera pour ce soir, aprĂšs dĂner. - Tu fumes donc ? demanda-t-elle. - Quelquefois, quand l'occasion se prĂ©sente. Il mit sa trouvaille dans sa poche et fouetta le bidet. Quand ils arrivĂšrent chez eux, le dĂner n'Ă©tait point prĂÂȘt. Madame s'emporta. Nastasie rĂ©pondit insolemment. - Partez ! dit Emma. - C'est se moquer, je vous chasse. Il y avait pour dĂner de la soupe Ă l'oignon, avec un morceau de veau Ă l'oseille. Charles, assis devant Emma, dit en se frottant les mains d'un air heureux - Cela fait plaisir de se retrouver chez soi ! On entendait Nastasie qui pleurait. Il aimait un peu cette pauvre fille. Elle lui avait, autrefois, tenu sociĂ©tĂ© pendant bien des soirs, dans les dĂ©soeuvrements de son veuvage. C'Ă©tait sa premiĂšre pratique, sa plus ancienne connaissance du pays. - Est-ce que tu l'as renvoyĂ©e pour tout de bon ? dit-il enfin. - Oui. Qui m'en empĂÂȘche ? rĂ©pondit-elle. Puis ils se chauffĂšrent dans la cuisine, pendant qu'on apprĂÂȘtait leur chambre. Charles se mit Ă fumer. Il fumait en avançant les lĂšvres, crachant Ă toute minute, se reculant Ă chaque bouffĂ©e. - Tu vas te faire mal, dit-elle dĂ©daigneusement. Il dĂ©posa son cigare, et courut avaler, Ă la pompe, un verre d'eau froide. Emma, saisissant le porte-cigares, le jeta vivement au fond de l'armoire. La journĂ©e fut longue, le lendemain ! Elle se promena dans son jardinet, passant et revenant par les mĂÂȘmes allĂ©es, s'arrĂÂȘtant devant les plates-bandes, devant l'espalier, devant le curĂ© de plĂÂątre, considĂ©rant avec Ă©bahissement toutes ces choses d'autrefois qu'elle connaissait si bien. Comme le bal dĂ©jĂ lui semblait loin ! Qui donc Ă©cartait, Ă tant de distance, le matin d'avant-hier et le soir d'aujourd'hui ? Son voyage Ă la Vaubyessard avait fait un trou dans sa vie, Ă la maniĂšre de ces grandes crevasses qu'un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes. Elle se rĂ©signa pourtant ; elle serra pieusement dans la commode sa belle toilette et jusqu'Ă ses souliers de satin, dont la semelle s'Ă©tait jaunie Ă la cire glissante du parquet. Son coeur Ă©tait comme eux au frottement de la richesse, il s'Ă©tait placĂ© dessus quelque chose qui ne s'effacerait pas. Ce fut donc une occupation pour Emma que le souvenir de ce bal. Toutes les fois que revenait le mercredi, elle se disait en s'Ă©veillant Ah ! il y a huit jours... il y a quinze jours..., il y a trois semaines, j'y Ă©tais ! Et peu Ă peu, les physionomies se confondirent dans sa mĂ©moire, elle oublia l'air des contredanses, elle ne vit plus si nettement les livrĂ©es et les appartements ; quelques dĂ©tails s'en allĂšrent, mais le regret lui resta. IX. Souvent, lorsque Charles Ă©tait sorti, elle allait prendre dans l'armoire, entre les plis du linge oĂÂč elle l'avait laissĂ©, le porte-cigares en soie verte. Elle le regardait, l'ouvrait, et mĂÂȘme elle flairait l'odeur de sa doublure, mĂÂȘlĂ©e de verveine et de tabac. A qui appartenait-il ?... Au Vicomte. C'Ă©tait peut-ĂÂȘtre un cadeau de sa maĂtresse. On avait brodĂ© cela sur quelque mĂ©tier de palissandre, meuble mignon que l'on cachait Ă tous les yeux, qui avait occupĂ© bien des heures et oĂÂč s'Ă©taient penchĂ©es les boucles molles de la travailleuse pensive. Un souffle d'amour avait passĂ© parmi les mailles du canevas ; chaque coup d'aiguille avait fixĂ© lĂ une espĂ©rance ou un souvenir, et tous ces fils de soie entrelacĂ©s n'Ă©taient que la continuitĂ© de la mĂÂȘme passion silencieuse. Et puis le Vicomte, un matin, l'avait emportĂ© avec lui. De quoi avait-on parlĂ©, lorsqu'il restait sur les cheminĂ©es Ă large chambranle, entre les vases de fleurs et les pendules Pompadour ? Elle Ă©tait Ă Tostes. Lui, il Ă©tait Ă Paris, maintenant ; lĂ -bas ! Comment Ă©tait ce Paris ? Quel nom dĂ©mesurĂ© ! Elle se le rĂ©pĂ©tait Ă demi-voix, pour se faire plaisir ; il sonnait Ă ses oreilles comme un bourdon de cathĂ©drale, il flamboyait Ă ses yeux jusque sur l'Ă©tiquette de ses pots de pommade. La nuit, quand les mareyeurs, dans leurs charrettes, passaient sous ses fenĂÂȘtres en chantant La Marjolaine , elle s'Ă©veillait ; et Ă©coutant le bruit des roues ferrĂ©es, qui, Ă la sortie du pays, s'amortissait vite sur la terre - Ils y seront demain ! se disait-elle. Et elle les suivait dans sa pensĂ©e, montant et descendant les cĂÂŽtes, traversant les villages, filant sur la grande route Ă la clartĂ© des Ă©toiles. Au bout d'une distance indĂ©terminĂ©e, il se trouvait toujours une place confuse oĂÂč expirait son rĂÂȘve. Elle s'acheta un plan de Paris, et, du bout de son doigt, sur la carte, elle faisait des courses dans la capitale. Elle remontait les boulevards, s'arrĂÂȘtant Ă chaque angle, entre les lignes des rues, devant les carrĂ©s blancs qui figurent les maisons. Les yeux fatiguĂ©s Ă la fin, elle fermait ses paupiĂšres, et elle voyait dans les tĂ©nĂšbres se tordre au vent des becs de gaz, avec des marche-pieds de calĂšches, qui se dĂ©ployaient Ă grand fracas devant le pĂ©ristyle des thĂ©ĂÂątres. Elle s'abonna Ă la Corbeille , journal des femmes, et au Sylphe des salons . Elle dĂ©vorait, sans en rien passer, tous les comptes rendus de premiĂšres reprĂ©sentations, de courses et de soirĂ©es, s'intĂ©ressait au dĂ©but d'une chanteuse, Ă l'ouverture d'un magasin. Elle savait les modes nouvelles, l'adresse des bons tailleurs, les jours de Bois ou d'OpĂ©ra. Elle Ă©tudia, dans EugĂšne Sue, des descriptions d'ameublements ; elle lut Balzac et George Sand, y cherchant des assouvissements imaginaires pour ses convoitises personnelles. A table mĂÂȘme, elle apportait son livre, et elle tournait les feuillets, pendant que Charles mangeait en lui parlant. Le souvenir du Vicomte revenait toujours dans ses lectures. Entre lui et les personnages inventĂ©s, elle Ă©tablissait des rapprochements. Mais le cercle dont il Ă©tait le centre peu Ă peu s'Ă©largit autour de lui, et cette aurĂ©ole qu'il avait, s'Ă©cartant de sa figure, s'Ă©tala plus au loin, pour illuminer d'autres rĂÂȘves. Paris, plus vague que l'OcĂ©an, miroitait donc aux yeux d'Emma dans une atmosphĂšre vermeille. La vie nombreuse qui s'agitait en ce tumulte y Ă©tait cependant divisĂ©e par parties, classĂ©e en tableaux distincts. Emma n'en apercevait que deux ou trois qui lui cachaient tous les autres, et reprĂ©sentaient Ă eux seuls l'humanitĂ© complĂšte. Le monde des ambassadeurs marchait sur des parquets luisants, dans des salons lambrissĂ©s de miroirs, autour de tables ovales couvertes d'un tapis de velours Ă crĂ©pines d'or. Il y avait lĂ des robes Ă queue, de grands mystĂšres, des angoisses dissimulĂ©es sous des sourires. Venait ensuite la sociĂ©tĂ© des duchesses ; on y Ă©tait pĂÂąle ; on se levait Ă quatre heures ; les femmes, pauvres anges ! portaient du point d'Angleterre au bas de leur jupon, et les hommes, capacitĂ©s mĂ©connues sous des dehors futiles, crevaient leurs chevaux par partie de plaisir, allaient passer Ă Bade la saison d'Ă©tĂ©, et, vers la quarantaine enfin, Ă©pousaient des hĂ©ritiĂšres. Dans les cabinets de restaurants oĂÂč l'on soupe aprĂšs minuit riait, Ă la clartĂ© des bougies, la foule bigarrĂ©e des gens de lettres et des actrices. Ils Ă©taient, ceux-lĂ , prodigues comme des rois, pleins d'ambitions idĂ©ales et de dĂ©lires fantastiques. C'Ă©tait une existence au-dessus des autres, entre ciel et terre, dans les orages, quelque chose de sublime. Quant au reste du monde, il Ă©tait perdu, sans place prĂ©cise, et comme n'existant pas. Plus les choses, d'ailleurs, Ă©taient voisines, plus sa pensĂ©e s'en dĂ©tournait. Tout ce qui l'entourait immĂ©diatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbĂ©ciles, mĂ©diocritĂ© de l'existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier oĂÂč elle se trouvait prise, tandis qu'au-delĂ s'Ă©tendait Ă perte de vue l'immense pays des fĂ©licitĂ©s et des passions. Elle confondait, dans son dĂ©sir, les sensualitĂ©s du luxe avec les joies du coeur, l'Ă©lĂ©gance des habitudes et les dĂ©licatesses du sentiment. Ne fallait-il pas Ă l'amour, comme aux plantes indiennes, des terrains prĂ©parĂ©s, une tempĂ©rature particuliĂšre ? Les soupirs au clair de lune, les longues Ă©treintes, les larmes qui coulent sur les mains qu'on abandonne, toutes les fiĂšvres de la chair et les langueurs de la tendresse ne se sĂ©paraient donc pas du balcon des grands chĂÂąteaux qui sont pleins de loisirs, d'un boudoir Ă stores de soie avec un tapis bien Ă©pais, des jardiniĂšres remplies, un lit montĂ© sur une estrade, ni du scintillement des pierres prĂ©cieuses et des aiguillettes de la livrĂ©e. Le garçon de la poste, qui, chaque matin, venait panser la jument, traversait le corridor avec ses gros sabots ; sa blouse avait des trous, ses pieds Ă©taient nus dans des chaussons. C'Ă©tait lĂ le groom en culotte courte dont il fallait se contenter ! Quand son ouvrage Ă©tait fini, il ne revenait plus de la journĂ©e ; car Charles, en rentrant, mettait lui-mĂÂȘme son cheval Ă l'Ă©curie, retirait la selle et passait le licou, pendant que la bonne apportait une botte de paille et la jetait, comme elle le pouvait, dans la mangeoire. Pour remplacer Nastasie qui enfin partit de Tostes, en versant des ruisseaux de larmes , Emma prit Ă son service une jeune fille de quatorze ans, orpheline et de physionomie douce. Elle lui interdit les bonnets de coton, lui apprit qu'il fallait vous parler Ă la troisiĂšme personne, apporter un verre d'eau dans une assiette, frapper aux portes avant d'entrer, et Ă repasser, Ă empeser, Ă l'habiller, voulut en faire sa femme de chambre. La nouvelle bonne obĂ©issait sans murmure pour n'ĂÂȘtre point renvoyĂ©e ; et, comme Madame, d'habitude, laissait la clef au buffet, FĂ©licitĂ©, chaque soir prenait une petite provision de sucre qu'elle mangeait toute seule, dans son lit, aprĂšs avoir fait sa priĂšre. L'aprĂšs-midi, quelquefois, elle allait causer en face avec les postillons. Madame se tenait en haut, dans son appartement. Elle portait une robe de chambre tout ouverte, qui laissait voir, entre les revers Ă chĂÂąle du corsage, une chemisette plissĂ©e avec trois boutons d'or. Sa ceinture Ă©tait une cordeliĂšre Ă gros glands, et ses petites pantoufles de couleur grenat avaient une touffe de rubans larges, qui s'Ă©talait sur le couvre-pied. Elle s'Ă©tait achetĂ© un buvard, une papeterie, un porte-plume et des enveloppes, quoiqu'elle n'eĂ»t personne Ă qui Ă©crire ; elle Ă©poussetait son Ă©tagĂšre, se regardait dans la glace, prenait un livre, puis, rĂÂȘvant entre les lignes, le laissait tomber sur ses genoux. Elle avait envie de faire des voyages ou de retourner vivre Ă son couvent. Elle souhaitait Ă la fois mourir et habiter Paris. Charles, Ă la neige Ă la pluie, chevauchait par les chemins de traverse. Il mangeait des omelettes sur la table des fermes, entrait son bras dans des lits humides, recevait au visage le jet tiĂšde des saignĂ©es, Ă©coutait des rĂÂąles, examinait des cuvettes, retroussait bien du linge sale ; mais il trouvait, tous les soirs, un feu flambant, la table servie, des meubles souples, et une femme en toilette fine, charmante et sentant frais, Ă ne savoir mĂÂȘme d'oĂÂč venait cette odeur, ou si ce n'Ă©tait pas sa peau qui parfumait sa chemise. Elle le charmait par quantitĂ© de dĂ©licatesses c'Ă©tait tantĂÂŽt une maniĂšre nouvelle de façonner pour les bougies des bobĂšches de papier, un volant qu'elle changeait Ă sa robe, ou le nom extraordinaire d'un mets bien simple, et que la bonne avait manquĂ©, mais que Charles, jusqu'au bout, avalait avec plaisir. Elle vit Ă Rouen des dames qui portaient Ă leur montre un paquet de breloques ; elle acheta des breloques. Elle voulut sur sa cheminĂ©e deux grands vases de verre bleu, et, quelque temps aprĂšs, un nĂ©cessaire d'ivoire, avec un dĂ© de vermeil. Moins Charles comprenait ces Ă©lĂ©gances, plus il en subissait la sĂ©duction. Elles ajoutaient quelque chose au plaisir de ses sens et Ă la douceur de son foyer. C'Ă©tait comme une poussiĂšre d'or qui sablait tout du long le petit sentier de sa vie. Il se portait bien, il avait bonne mine ; sa rĂ©putation Ă©tait Ă©tablie tout Ă fait. Les campagnards le chĂ©rissaient parce qu'il n'Ă©tait pas fier. Il caressait les enfants, n'entrait jamais au cabaret, et, d'ailleurs, inspirait de la confiance par sa moralitĂ©. Il rĂ©ussissait particuliĂšrement dans les catarrhes et maladies de poitrine. Craignant beaucoup de tuer son monde, Charles, en effet, n'ordonnait guĂšre que des potions calmantes, de temps Ă autre de l'Ă©mĂ©tique, un bain de pieds ou des sangsues. Ce n'est pas que la chirurgie lui fit peur ; il vous saignait les gens largement, comme des chevaux, et il avait pour l'extraction des dents une poigne d'enfer . Enfin, pour se tenir au courant , il prit un abonnement Ă la Ruche mĂ©dicale , journal nouveau dont il avait reçu le prospectus. Il en lisait un peu aprĂšs son dĂner ; mais la chaleur de l'appartement, jointe Ă la digestion, faisait qu'au bout de cinq minutes il s'endormait ; et il restait lĂ , le menton sur ses deux mains, et les cheveux Ă©talĂ©s comme une criniĂšre jusqu'au pied de la lampe. Emma le regardait en haussant les Ă©paules. Que n'avait-elle, au moins, pour mari un de ces hommes d'ardeurs taciturnes qui travaillent la nuit dans les livres, et portent enfin, Ă soixante ans, quand vient l'ĂÂąge des rhumatismes, une brochette de croix, sur leur habit noir, mal fait. Elle aurait voulu que ce nom de Bovary, qui Ă©tait le sien, fĂ»t illustre, le voir Ă©talĂ© chez les libraires, rĂ©pĂ©tĂ© dans les journaux, connu par toute la France. Mais Charles n'avait point d'ambition Un mĂ©decin d'Yvetot, avec qui derniĂšrement il s'Ă©tait trouvĂ© en consultation, l'avait humiliĂ© quelque peu, au lit mĂÂȘme du malade, devant les parents assemblĂ©s. Quand Charles lui raconta, le soir, cette anecdote, Emma s'emporta bien haut contre le confrĂšre. Charles en fut attendri. Il la baisa au front avec une larme. Mais elle Ă©tait exaspĂ©rĂ©e de honte, elle avait envie de le battre, elle alla dans le corridor ouvrir la fenĂÂȘtre et huma l'air frais pour se calmer. - Quel pauvre homme ! quel pauvre homme ! disait-elle tout bas, en se mordant les lĂšvres. Elle se sentait, d'ailleurs, plus irritĂ©e de lui. Il prenait, avec l'ĂÂąge, des allures Ă©paisses ; il coupait, au dessert, le bouchon des bouteilles vides ; il se passait, aprĂšs manger, la langue sur les dents ; il faisait, en avalant sa soupe, un gloussement Ă chaque gorgĂ©e, et, comme il commençait d'engraisser, ses yeux, dĂ©jĂ petits, semblaient remontĂ©s vers les tempes par la bouffissure de ses pommettes. Emma, quelquefois, lui rentrait dans son gilet la bordure rouge de ses tricots, rajustait sa cravate, ou jetait Ă l'Ă©cart les gants dĂ©teints qu'il se disposait Ă passer ; et ce n'Ă©tait pas, comme il croyait, pour lui ; c'Ă©tait pour elle-mĂÂȘme, par expansion d'Ă©goĂÂŻsme, agacement nerveux. Quelquefois aussi, elle lui parlait des choses qu'elle avait lues, comme d'un passage de roman, d'une piĂšce nouvelle, ou de l'anecdote du grand monde que l'on racontait dans le feuilleton ; car, enfin, Charles Ă©tait quelqu'un, une oreille toujours ouverte, une approbation toujours prĂÂȘte. Elle faisait bien des confidences Ă sa levrette ! Elle en eĂ»t fait aux bĂ»ches de la cheminĂ©e et au balancier de la pendule. Au fond de son ĂÂąme, cependant, elle attendait un Ă©vĂ©nement. Comme les matelots en dĂ©tresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux dĂ©sespĂ©rĂ©s, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'Ă elle, vers quel rivage il la mĂšnerait, s'il Ă©tait chaloupe ou vaisseau Ă trois ponts, chargĂ© d'angoisses ou plein de fĂ©licitĂ©s jusqu'aux sabords. Mais, chaque matin, Ă son rĂ©veil, elle l'espĂ©rait pour la journĂ©e, et elle Ă©coutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'Ă©tonnait qu'il ne vĂnt pas ; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, dĂ©sirait ĂÂȘtre au lendemain. Le printemps reparut. Elle eut des Ă©touffements aux premiĂšres chaleurs, quand les poiriers fleurirent. DĂšs le commencement de juillet, elle compta sur ses doigts combien de semaines lui restaient pour arriver au mois d'octobre, pensant que le marquis d'Andervilliers, peut-ĂÂȘtre, donnerait encore un bal Ă la Vaubyessard. Mais tout septembre s'Ă©coula sans lettres ni visites. AprĂšs l'ennui de cette dĂ©ception, son coeur de nouveau resta vide, et alors la sĂ©rie des mĂÂȘmes journĂ©es recommença. Elles allaient donc maintenant se suivre ainsi Ă la file, toujours pareilles, innombrables, et n'apportant rien ! Les autres existences, si plates qu'elles fussent, avaient du moins la chance d'un Ă©vĂ©nement. Une aventure amenait parfois des pĂ©ripĂ©ties Ă l'infini, et le dĂ©cor changeait. Mais, pour elle, rien n'arrivait, Dieu l'avait voulu ! L'avenir Ă©tait un corridor tout noir, et qui avait au fond sa porte bien fermĂ©e. Elle abandonna la musique. Pourquoi jouer ? qui l'entendrait ? Puisqu'elle ne pourrait jamais, en robe de velours Ă manches courtes, sur un piano d'Erard, dans un concert, battant de ses doigts lĂ©gers les touches d'ivoire, sentir, comme une brise, circuler autour d'elle un murmure d'extase, ce n'Ă©tait pas la peine de s'ennuyer Ă Ă©tudier. Elle laissa dans l'armoire ses cartons Ă dessin et la tapisserie. A quoi bon ? Ă quoi bon ? La couture l'irritait. - J'ai tout lu, se disait-elle. Et elle restait Ă faire rougir les pincettes, ou regardant la pluie tomber. Comme elle Ă©tait triste le dimanche, quand on sonnait les vĂÂȘpres ! Elle Ă©coutait, dans un hĂ©bĂ©tement attentif, tinter un Ă un les coups fĂÂȘlĂ©s de la cloche. Quelque chat sur les toits, marchant lentement, bombait son dos aux rayons pĂÂąles du soleil. Le vent, sur la grande route, soufflait des traĂnĂ©es de poussiĂšres. Au loin, parfois, un chien hurlait et la cloche, Ă temps Ă©gaux, continuait sa sonnerie monotone qui se perdait dans la campagne. Cependant on sortait de l'Ă©glise. Les femmes en sabots cirĂ©s, les paysans en blouse neuve, les petits enfants qui sautillaient nu-tĂÂȘte devant eux, tout rentrait chez soi. Et, jusqu'Ă la nuit, cinq ou six hommes, toujours les mĂÂȘmes, restaient Ă jouer au bouchon, devant la grande porte de l'auberge. L'hiver fut froid. Les carreaux, chaque matin, Ă©taient chargĂ©s de givre, et la lumiĂšre, blanchĂÂątre Ă travers eux, comme par des verres dĂ©polis, quelquefois ne variait pas de la journĂ©e. DĂšs quatre heures du soir, il fallait allumer la lampe. Les jours qu'il faisait beau, elle descendait dans le jardin. La rosĂ©e avait laissĂ© sur les choux des guipures d'argent avec de longs fils clairs qui s'Ă©tendaient de l'un Ă l'autre. On n'entendait pas d'oiseaux, tout semblait dormir, l'espalier couvert de paille et la vigne comme un grand serpent malade sous le chaperon du mur, oĂÂč l'on voyait, en s'approchant, se traĂner des cloportes Ă pattes nombreuses. Dans les sapinettes, prĂšs de la haie, le curĂ© en tricorne qui lisait son brĂ©viaire avait perdu le pied droit et mĂÂȘme le plĂÂątre, s'Ă©caillant Ă la gelĂ©e, avait fait des gales blanches sur sa figure. Puis elle remontait, fermait la porte, Ă©talait les charbons, et, dĂ©faillant Ă la chaleur du foyer, sentait l'ennui plus lourd qui retombait sur elle. Elle serait bien descendue causer avec la bonne, mais une pudeur la retenait. Tous les jours, Ă la mĂÂȘme heure, le maĂtre d'Ă©cole, en bonnet de soie noire, ouvrait les auvents de sa maison, et le garde-champĂÂȘtre passait, portant son sabre sur sa blouse. Soir et matin, les chevaux de la poste, trois par trois, traversaient la rue pour aller boire Ă la mare. De temps Ă autre, la porte d'un cabaret faisait tinter sa sonnette, et, quand il y avait du vent, l'on entendait grincer sur leurs deux tringles les petites cuvettes en cuivre du perruquier, qui servaient d'enseigne Ă sa boutique. Elle avait pour dĂ©coration une vieille gravure de modes collĂ©e contre un carreau et un buste de femme en cire, dont les cheveux Ă©taient jaunes. Lui aussi, le perruquier, il se lamentait de sa vocation arrĂÂȘtĂ©e, de son avenir perdu, et, rĂÂȘvant quelque boutique dans une grande ville, comme Ă Rouen, par exemple, sur le port, prĂšs du thĂ©ĂÂątre, il restait toute la journĂ©e Ă se promener en long, depuis la mairie jusqu'Ă l'Ă©glise, sombre, et attendant la clientĂšle. Lorsque madame Bovary levait les yeux, elle le voyait toujours lĂ , comme une sentinelle en faction, avec son bonnet grec sur l'oreille et sa veste de lasting. Dans l'aprĂšs-midi, quelquefois, une tĂÂȘte d'homme apparaissait derriĂšre les vitres de la salle, tĂÂȘte hĂÂąlĂ©e, Ă favoris noirs, et qui souriait lentement d'un large sourire doux Ă dents blanches. Une valse aussitĂÂŽt commençait, et, sur l'orgue, dans un petit salon, des danseurs hauts comme le doigt, femmes en turban rose, Tyroliens en jaquette, singes en habit noir, messieurs en culotte courte, tournaient, tournaient entre les fauteuils, les canapĂ©s, les consoles, se rĂ©pĂ©tant dans les morceaux de miroir que raccordait Ă leurs angles un filet de papier dorĂ©. L'homme faisait aller sa manivelle, regardant Ă droite, Ă gauche et vers les fenĂÂȘtres. De temps Ă autre, tout en lançant contre la borne un long jet de salive brune, il soulevait du genou son instrument, dont la bretelle dure lui fatiguait l'Ă©paule ; et, tantĂÂŽt dolente et traĂnarde, ou joyeuse et prĂ©cipitĂ©e, la musique de la boĂte s'Ă©chappait en bourdonnant Ă travers un rideau de taffetas rose, sous une grille de cuivre en arabesque. C'Ă©taient des airs que l'on jouait ailleurs sur les thĂ©ĂÂątres, que l'on chantait dans les salons, que l'on dansait le soir sous des lustres Ă©clairĂ©s, Ă©chos du monde qui arrivaient jusqu'Ă Emma. Des sarabandes Ă n'en plus finir se dĂ©roulaient dans sa tĂÂȘte, et, comme une bayadĂšre sur les fleurs d'un tapis, sa pensĂ©e bondissait avec les notes, se balançait de rĂÂȘve en rĂÂȘve, de tristesse en tristesse. Quand l'homme avait reçu l'aumĂÂŽne dans sa casquette, il rabattait une vieille couverture de laine bleue, passait son orgue sur son dos et s'Ă©loignait d'un pas lourd. Elle le regardait partir. Mais c'Ă©tait surtout aux heures des repas qu'elle n'en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussĂ©e, avec le poĂÂȘle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavĂ©s humides ; toute l'amertume de l'existence lui semblait servie sur son assiette, et, Ă la fumĂ©e du bouilli, il montait du fond de son ĂÂąme comme d'autres bouffĂ©es d'affadissement. Charles Ă©tait long Ă manger ; elle grignotait quelques noisettes, ou bien, appuyĂ©e du coude, s'amusait, avec la pointe de son couteau, Ă faire des raies sur la toile cirĂ©e. Elle laissait maintenant tout aller dans son mĂ©nage, et madame Bovary mĂšre, lorsqu'elle vint passer Ă Tostes une partie du carĂÂȘme, s'Ă©tonna fort de ce changement. Elle, en effet, si soigneuse autrefois et dĂ©licate, elle restait Ă prĂ©sent des journĂ©es entiĂšres sans s'habiller, portait des bas de coton gris, s'Ă©clairait Ă la chandelle. Elle rĂ©pĂ©tait qu'il fallait Ă©conomiser, puisqu'ils n'Ă©taient pas riches, ajoutant qu'elle Ă©tait trĂšs contente, trĂšs heureuse, que Tostes lui plaisait beaucoup, et autres discours nouveaux qui fermaient la bouche Ă la belle-mĂšre. Du reste, Emma ne semblait plus disposĂ©e Ă suivre ses conseils ; une fois mĂÂȘme, madame Bovary s'Ă©tant avisĂ©e de prĂ©tendre que les maĂtres devaient surveiller la religion de leurs domestiques, elle lui avait rĂ©pondu d'un oeil si colĂšre et avec un sourire tellement froid, que la bonne femme ne s'y frotta plus. Emma devenait difficile, capricieuse. Elle se commandait des plats pour elle, n'y touchait point, un jour ne buvait que du lait pur, et, le lendemain, des tasses de thĂ© Ă la douzaine. Souvent elle s'obstinait Ă ne pas sortir, puis elle suffoquait, ouvrait les fenĂÂȘtres, s'habillait en robe lĂ©gĂšre. Lorsqu'elle avait bien rudoyĂ© sa servante, elle lui faisait des cadeaux ou l'envoyait se promener chez les voisines, de mĂÂȘme qu'elle jetait parfois aux pauvres toutes les piĂšces blanches de sa bourse, quoiqu'elle ne fĂ»t guĂšre tendre cependant, ni facilement accessible Ă l'Ă©motion d'autrui, comme la plupart des gens issus de campagnards, qui gardent toujours Ă l'ĂÂąme quelque chose de la callositĂ© des mains paternelles. Vers la fin de fĂ©vrier, le pĂšre Rouault, en souvenir de sa guĂ©rison, apporta lui-mĂÂȘme Ă son gendre une dinde superbe, et il resta trois jours Ă Tostes. Charles Ă©tant Ă ses malades, Emma lui tint compagnie. Il fuma dans la chambre, cracha sur les chenets, causa culture, veaux, vaches, volailles et conseil municipal ; si bien qu'elle referma la porte, quand il fut parti, avec un sentiment de satisfaction qui la surprit elle-mĂÂȘme. D'ailleurs, elle ne cachait plus son mĂ©pris pour rien, ni pour personne ; et elle se mettait quelque fois Ă exprimer des opinions singuliĂšres, blĂÂąmant ce que l'on approuvait, et approuvant des choses perverses ou immorales ce qui faisait ouvrir de grands yeux Ă son mari. Est-ce que cette misĂšre durerait toujours ? est-ce qu'elle n'en sortirait pas ? Elle valait bien cependant toutes celles qui vivaient heureuses ! Elle avait vu des duchesses Ă la Vaubyessard qui avaient la taille plus lourde et les façons plus communes, et elle exĂ©crait l'injustice de Dieu ; elle s'appuyait la tĂÂȘte aux murs pour pleurer ; elle enviait les existences tumultueuses, les nuits masquĂ©es, les insolents plaisirs avec tous les Ă©perduments qu'elle ne connaissait pas et qu'ils devaient donner. Elle pĂÂąlissait et avait des battements de coeur. Charles lui administra de la valĂ©riane et des bains de camphre. Tout ce que l'on essayait semblait l'irriter davantage. En de certains jours, elle bavardait avec une abondance fĂ©brile ; Ă ces exaltations succĂ©daient tout Ă coup des torpeurs oĂÂč elle restait sans parler, sans bouger. Ce qui la ranimait alors, c'Ă©tait de se rĂ©pandre sur les bras un flacon d'eau de Cologne. Comme elle se plaignait de Tostes continuellement, Charles imagina que la cause de sa maladie Ă©tait sans doute dans quelque influence locale, et, s'arrĂÂȘtant Ă cette idĂ©e, il songea sĂ©rieusement Ă aller s'Ă©tablir ailleurs. DĂšs lors, elle but du vinaigre pour se faire maigrir, contracta une petite toux sĂšche et perdit complĂštement l'appĂ©tit. Il en coĂ»tait Ă Charles d'abandonner Tostes aprĂšs quatre ans de sĂ©jour et au moment oĂÂč il commençait Ă s'y poser . S'il le fallait, cependant ! Il la conduisit Ă Rouen voir son ancien maĂtre. C'Ă©tait une maladie nerveuse on devait la changer d'air. AprĂšs s'ĂÂȘtre tournĂ© de cĂÂŽtĂ© et d'autre, Charles apprit qu'il y avait dans l'arrondissement de NeufchĂÂątel, un fort bourg nommĂ© Yonville-l'Abbaye, dont le mĂ©decin, qui Ă©tait un rĂ©fugiĂ© polonais, venait de dĂ©camper la semaine prĂ©cĂ©dente. Alors il Ă©crivit au pharmacien de l'endroit pour savoir quel Ă©tait le chiffre de la population, la distance oĂÂč se trouvait le confrĂšre le plus voisin, combien par annĂ©e gagnait son prĂ©dĂ©cesseur, etc. ; et, les rĂ©ponses ayant Ă©tĂ© satisfaisantes, il se rĂ©solut Ă dĂ©mĂ©nager vers le printemps, si la santĂ© d'Emma ne s'amĂ©liorait pas. Un jour qu'en prĂ©vision de son dĂ©part elle faisait des rangements dans un tiroir, elle se piqua les doigts Ă quelque chose. C'Ă©tait un fil de fer de son bouquet de mariage. Les boutons d'oranger Ă©taient jaunes de poussiĂšre, et les rubans de satin, Ă lisĂ©rĂ© d'argent, s'effiloquaient par le bord. Elle le jeta dans le feu. Il s'enflamma plus vite qu'une paille sĂšche. Puis ce fut comme un buisson rouge sur les cendres, et qui se rongeait lentement. Elle le regarda brĂ»ler. Les petites baies de carton Ă©clataient, les fils d'archal se tordaient, le galon se fondait ; et les corolles de papier, racornies, se balançant le long de la plaque comme des papillons noirs, enfin s'envolĂšrent par la cheminĂ©e. Quand on partit de Tostes, au mois de mars, madame Bovary Ă©tait enceinte. DEUXIEME PARTIE I. Yonville-l'Abbaye ainsi nommĂ© Ă cause d'une ancienne abbaye de Capucins dont les ruines n'existent mĂÂȘme plus est un bourg Ă huit lieues de Rouen, entre la route d'Abbeville et celle de Beauvais, au fond d'une vallĂ©e qu'arrose la Rieule, petite riviĂšre qui se jette dans l'Andelle, aprĂšs avoir fait tourner trois moulins vers son embouchure, et oĂÂč il y a quelques truites, que les garçons, le dimanche, s'amusent Ă pĂ©cher Ă la ligne. On quitte la grande route Ă la BoissiĂšre et l'on continue Ă plat jusqu'au haut de la cĂÂŽte des Leux, d'oĂÂč l'on dĂ©couvre la vallĂ©e. La riviĂšre qui la traverse en fait comme deux rĂ©gions de physionomie distincte tout ce qui est Ă gauche est en herbage, tout ce qui est Ă droite est en labour. La prairie s'allonge sous un bourrelet de collines basses pour se rattacher par-derriĂšre aux pĂÂąturages du pays de Bray, tandis que, du cĂÂŽtĂ© de l'est, la plaine, montant doucement, va s'Ă©largissant et Ă©tale Ă perte de vue ses blondes piĂšces de blĂ©. L'eau qui court au bord de l'herbe sĂ©pare d'une raie blanche la couleur des prĂ©s et celle des sillons, et la campagne ainsi ressemble Ă un grand manteau dĂ©pliĂ© qui a un collet de velours vert bordĂ© d'un galon d'argent. Au bout de l'horizon, lorsqu'on arrive, on a devant soi les chĂÂȘnes de la forĂÂȘt d'Argueil, avec les escarpements de la cĂÂŽte Saint-Jean, rayĂ©s du haut en bas par de longues traĂnĂ©es rouges, inĂ©gales ; ce sont les traces de pluies, et ces tons de brique, tranchant en filets minces sur la couleur grise de la montagne, viennent de la quantitĂ© de sources ferrugineuses qui coulent au-delĂ dans le pays d'alentour. On est ici sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l'Ile-de-France, contrĂ©e bĂÂątarde oĂÂč le langage est sans accentuation, comme le paysage sans caractĂšre. C'est lĂ que l'on fait les pires fromages de NeufchĂÂątel de tout l'arrondissement, et, d'autre part, la culture y est coĂ»teuse, parce qu'il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux. Jusqu'en 1835, il n'y avait point de route praticable pour arriver Ă Yonville ; mais on a Ă©tabli vers cette Ă©poque un chemin de grande vicinalitĂ© qui relie la route d'Abbeville Ă celle d'Amiens, et sert quelquefois aux rouliers allant de Rouen dans les Flandres. Cependant, Yonville-l'Abbaye est demeurĂ©e stationnaire, malgrĂ© ses dĂ©bouchĂ©s nouveaux . Au lieu d'amĂ©liorer les cultures, on s'y obstine encore aux herbages, quelques dĂ©prĂ©ciĂ©s qu'ils soient, et le bourg paresseux, s'Ă©cartant de la plaine, a continuĂ© naturellement Ă s'agrandir vers la riviĂšre. On l'aperçoit de loin, tout couchĂ© en long sur la rive, comme un gardeur de vaches qui fait la sieste au bord de l'eau. Au bas de la cĂÂŽte, aprĂšs le pont, commence une chaussĂ©e plantĂ©e de jeunes trembles, qui vous mĂšne en droite ligne jusqu'aux premiĂšres maisons du pays. Elles sont encloses de haies, au milieu de cours pleines de bĂÂątiments Ă©pars, pressoirs, charretteries et bouilleries dissĂ©minĂ©es sous les arbres touffus portant des Ă©chelles, des gaules ou des faux accrochĂ©es dans leur branchage. Les toits de chaume, comme des bonnets de fourrure rabattus sur des yeux, descendent jusqu'au tiers Ă peu prĂšs des fenĂÂȘtres basses, dont les gros verres bombĂ©s sont garnis d'un noeud dans le milieu, Ă la façon des culs de bouteilles. Sur le mur de plĂÂątre que traversent en diagonale des lambourdes noires s'accroche parfois quelque maigre poirier, et les rez-de-chaussĂ©e ont Ă leur porte une petite barriĂšre tournante pour les dĂ©fendre des poussins, qui viennent picorer, sur le seuil, des miettes de pain bis trempĂ© de cidre. Cependant les cours se font plus Ă©troites, les habitations se rapprochent, les haies disparaissent ; un fagot de fougĂšres se balance sous une fenĂÂȘtre au bout d'un manche Ă balai ; il y a la forge d'un marĂ©chal et ensuite un charron avec deux ou trois charrettes neuves, en dehors, qui empiĂštent sur la route. Puis, Ă travers une claire-voie, apparaĂt une maison blanche au-delĂ d'un rond de gazon que dĂ©core un Amour, le doigt posĂ© sur la bouche ; deux vases en fonte sont Ă chaque bout du perron ; des panonceaux brillent Ă la porte ; c'est la maison du notaire, et la plus belle du pays. L'Ă©glise est de l'autre cĂÂŽtĂ© de la rue, vingt pas plus loin, Ă l'entrĂ©e de la place. Le petit cimetiĂšre qui l'entoure, clos d'un mur Ă hauteur d'appui, est si bien rempli de tombeaux, que les vieilles pierres Ă ras du sol font un dallage continu, oĂÂč l'herbe a dessinĂ© de soi-mĂÂȘme des carrĂ©s verts rĂ©guliers. L'Ă©glise a Ă©tĂ© rebĂÂątie Ă neuf dans les derniĂšres annĂ©es du rĂšgne de Charles X. La voĂ»te en bois commence Ă se pourrir par le haut et, de place en place, a des enfonçures noires dans sa couleur bleue. Au dessus de la porte, oĂÂč seraient les orgues, se tient un jubĂ© pour les hommes, avec un escalier tournant qui retentit sous les sabots. Le grand jour, arrivant par les vitraux tout unis, Ă©claire obliquement les bancs rangĂ©s en travers de la muraille, que tapisse çà et lĂ quelque paillasson clouĂ©, ayant au dessous de lui ces mots en grosses lettres " Banc de M. un tel " . Plus loin, Ă l'endroit oĂÂč le vaisseau se rĂ©trĂ©cit, le confessionnal fait pendant Ă une statuette de la Vierge, vĂÂȘtue d'une robe de satin, coiffĂ©e d'un voile de tulle semĂ© d'Ă©toiles d'argent, et tout empourprĂ©e aux pommettes comme une idole des Ăles Sandwich ; enfin une copie de la Sainte Famille, envoi du ministre de l'IntĂ©rieur , dominant le maĂtre-autel entre quatre chandeliers, termine au fond la perspective. Les stalles du choeur, en bois de sapin, sont restĂ©es sans ĂÂȘtre peintes. Les halles, c'est-Ă -dire un toit de tuiles supportĂ© par une vingtaine de poteaux, occupent Ă elles seules la moitiĂ© environ de la grande place d'Yonville. La mairie, construite sur les dessins d'un architecte de Paris , est une maniĂšre de temple grec qui fait l'angle, Ă cĂÂŽtĂ© de la maison du pharmacien. Elle a, au rez-de-chaussĂ©e, trois colonnes ioniques et, au premier Ă©tage, une galerie Ă plein cintre, tandis que le tympan qui la termine est rempli par un coq gaulois, appuyĂ© d'une patte sur la Charte et tenant de l'autre les balances de la justice. Mais ce qui attire le plus les yeux, c'est, en face de l'auberge du Lion d'or , la pharmacie de M. Homais ! Le soir, principalement, quand son quinquet est allumĂ© et que les bocaux rouges et verts qui embellissent sa devanture allongent au loin, sur le sol, leurs deux clartĂ©s de couleur, alors, Ă travers elles, comme dans des feux de Bengale, s'entrevoit l'ombre du pharmacien accoudĂ© sur son pupitre. Sa maison, du haut en bas, est placardĂ©e d'inscriptions Ă©crites en anglaise, en ronde, en moulĂ©e " Eaux de Vichy, de Seltz et de BarĂšges, robs dĂ©puratifs, mĂ©decine Raspail, racabout des Arabes, pastilles Darcet, pĂÂąte Regnault, bandages, bains, chocolats de santĂ©, etc " . Et l'enseigne, qui tient toute la largeur de la boutique, porte en lettres d'or Homais, pharmacien . Puis, au fond de la boutique, derriĂšre les grandes balances scellĂ©es sur le comptoir, le mot laboratoire se dĂ©roule au-dessus d'une porte vitrĂ©e qui, Ă moitiĂ© de sa hauteur, rĂ©pĂšte encore une fois Homais , en lettres d'or, sur un fond noir. Il n'y a plus ensuite rien Ă voir dans Yonville. La rue la seule , longue d'une portĂ©e de fusil et bordĂ©e de quelques boutiques, s'arrĂÂȘte court au tournant de la route. Si on la laisse sur la droite et que l'on suive le bas de la cĂÂŽte Saint-Jean, bientĂÂŽt on arrive au cimetiĂšre. Lors du cholĂ©ra, pour l'agrandir, on a abattu un pan de mur et achetĂ© trois ĂÂącres de terre Ă cĂÂŽtĂ© ; mais toute cette portion nouvelle est presque inhabitĂ©e, les tombes, comme autrefois, continuant Ă s'entasser vers la porte. Le gardien, qui est en mĂÂȘme temps fossoyeur et bedeau Ă l'Ă©glise tirant ainsi des cadavres de la paroisse un double bĂ©nĂ©fice , a profitĂ© du terrain vide pour y semer des pommes de terre. D'annĂ©e en annĂ©e, cependant, son petit champ se rĂ©trĂ©cit, et, lorsqu'il survient une Ă©pidĂ©mie, il ne sait pas s'il doit se rĂ©jouir des dĂ©cĂšs ou s'affliger des sĂ©pultures. - Vous vous nourrissez des morts, Lestiboudois ! lui dit enfin, un jour, M. le curĂ©. Cette parole sombre le fit rĂ©flĂ©chir ; elle l'arrĂÂȘta pour quelque temps ; mais, aujourd'hui encore, il continue la culture de ses tubercules, et mĂÂȘme soutient avec aplomb qu'ils poussent naturellement. Depuis les Ă©vĂ©nements que l'on va raconter, rien, en effet, n'a changĂ© Ă Yonville. Le drapeau tricolore de fer-blanc tourne toujours au haut du clocher de l'Ă©glise ; la boutique du marchand de nouveautĂ©s agite encore au vent ses deux banderoles d'indienne ; les foetus du pharmacien, comme des paquets d'amadou blanc, se pourrissent de plus en plus dans leur alcool bourbeux, et, au-dessus de la grande porte de l'auberge, le vieux lion d'or, dĂ©teint par les pluies, montre toujours aux passants sa frisure de caniche. Le soir que les Ă©poux Bovary devaient arriver Ă Yonville, madame veuve Lefrançois, la maĂtresse de cette auberge, Ă©tait si fort affairĂ©e, qu'elle suait Ă grosses gouttes en remuant ses casseroles. C'Ă©tait, le lendemain, jour de marchĂ© dans le bourg. Il fallait d'avance tailler les viandes, vider les poulets, faire de la soupe et du cafĂ©. Elle avait, de plus, le repas de ses pensionnaires, celui du mĂ©decin, de sa femme et de leur bonne ; le billard retentissait d'Ă©clats de rire ; trois meuniers, dans la petite salle, appelaient pour qu'on leur apportĂÂąt de l'eau-de-vie ; le bois flambait, la braise craquait, et, sur la longue table de la cuisine, parmi les quartiers de mouton cru, s'Ă©levaient des piles d'assiettes qui tremblaient aux secousses du billot oĂÂč l'on hachait des Ă©pinards. On entendait, dans la basse-cour, crier les volailles que la servante poursuivait pour leur couper le cou. Un homme en pantoufles de peau verte, quelque peu marquĂ© de petite vĂ©role et coiffĂ© d'un bonnet de velours Ă gland d'or, se chauffait le dos contre la cheminĂ©e. Sa figure n'exprimait rien que la satisfaction de soi-mĂÂȘme, et il avait l'air aussi calme dans la vie que le chardonneret suspendu au-dessus de sa tĂÂȘte, dans une cage d'osier c'Ă©tait le pharmacien. - ArtĂ©mise ! criait la maĂtresse d'auberge, casse de la bourrĂ©e, emplis les carafes, apporte de l'eau-de-vie, dĂ©pĂÂȘche-toi ! Au moins, si je savais quel dessert offrir Ă la sociĂ©tĂ© que vous attendez ! BontĂ© divine ! les commis du dĂ©mĂ©nagement recommencent leur tintamarre dans le billard ! Et leur charrette qui est restĂ©e sous la grande porte ? L'hirondelle est capable de la dĂ©foncer en arrivant ! Appelle Polyte pour qu'il la remise !... Dire que, depuis le matin, monsieur Homais, ils ont peut-ĂÂȘtre fait quinze parties et bu huit pots de cidre !... Mais ils vont me dĂ©chirer le tapis, continuait-elle en les regardant de loin, son Ă©cumoire Ă la main. - Le mal ne serait pas grand, rĂ©pondit M. Homais, vous en achĂšteriez un autre. - Un autre billard ! s'exclama la veuve. - Puisque celui-lĂ ne tient plus, madame Lefrançois, je vous le rĂ©pĂšte, vous vous faites tort ! Vous vous faites grand tort ! Et puis les amateurs, Ă prĂ©sent, veulent des blouses Ă©troites et des queues lourdes. On ne joue plus la bille ; tout est changĂ© ! Il faut marcher avec son siĂšcle ! Regardez Tellier, plutĂÂŽt... L'hĂÂŽtesse devint rouge de dĂ©pit. Le pharmacien ajouta - Son billard, vous avez beau dire, est plus mignon que le vĂÂŽtre ; et qu'on ait l'idĂ©e, par exemple, de monter une poule patriotique pour la Pologne ou les inondĂ©s de Lyon... - Ce ne sont pas des gueux comme lui qui nous font peur ! interrompit l'hĂÂŽtesse, en haussant ses grosses Ă©paules. Allez ! allez ! monsieur Homais, tant que le Lion d'Or vivra, on y viendra. Nous avons du foin dans nos bottes, nous autres ! Au lieu qu'un de ces matins vous verrez le CafĂ© Français fermĂ©, et avec une belle affiche sur les auvents !... Changer mon billard, continuait-elle en se parlant Ă elle-mĂÂȘme, lui qui m'est si commode pour ranger ma lessive, et sur lequel, dans le temps de la chasse, j'ai mis coucher jusqu'Ă six voyageurs !... Mais ce lambin d'Hivert qui n'arrive pas ! - L'attendez-vous pour le dĂner de vos messieurs ? demanda le pharmacien. - L'attendre ? Et M. Binet donc ! A six heures battant vous allez le voir entrer, car son pareil n'existe pas sur la terre pour l'exactitude. Il lui faut toujours sa place dans la petite salle ! On le tuerait plutĂÂŽt que de le faire dĂner ailleurs ! et dĂ©goĂ»tĂ© qu'il est ! et si difficile pour le cidre ! Ce n'est pas comme M. LĂ©on ; lui, il arrive quelquefois Ă sept heures, sept heures et demie mĂÂȘme ; il ne regarde seulement pas Ă ce qu'il mange. Quel bon jeune homme ! Jamais un mot plus haut que l'autre. - C'est qu'il y a bien de la diffĂ©rence, voyez-vous, entre quelqu'un qui a reçu de l'Ă©ducation et un ancien carabinier qui est percepteur. Six heures sonnĂšrent. Binet entra. Il Ă©tait vĂÂȘtu d'une redingote bleue, tombant droit d'elle-mĂÂȘme tout autour de son corps maigre, et sa casquette de cuir, Ă pattes nouĂ©es par des cordons sur le sommet de sa tĂÂȘte, laissait voir, sous la visiĂšre relevĂ©e, un front chauve, qu'avait dĂ©primĂ© l'habitude du casque. Il portait un gilet de drap noir, un col de crin, un pantalon gris, et, en toute saison, des bottes bien cirĂ©es qui avaient deux renflements parallĂšles, Ă cause de la saillie de ses orteils. Pas un poil ne dĂ©passait la ligne de son collier blond, qui, contournant la mĂÂąchoire, encadrait comme la bordure d'une plate-bande sa longue figure terne, dont les yeux Ă©taient petits et le nez busquĂ©. Fort Ă tous les jeux de cartes, bon chasseur et possĂ©dant une belle Ă©criture, il avait chez lui un tour, oĂÂč il s'amusait Ă tourner des ronds de serviette dont il encombrait sa maison, avec la jalousie d'un artiste et l'Ă©goĂÂŻsme d'un bourgeois. Il se dirigea vers la petite salle mais il fallut d'abord en faire sortir les trois meuniers ; et, pendant tout le temps que l'on fut Ă mettre son couvert, Binet resta silencieux Ă sa place, auprĂšs du poĂÂȘle ; puis il ferma la porte et retira sa casquette, comme d'usage. - Ce ne sont pas les civilitĂ©s qui lui useront la langue ! dit le pharmacien, dĂšs qu'il fut seul avec l'hĂÂŽtesse. - Jamais il ne cause davantage, rĂ©pondit-elle ; il est venu ici, la semaine derniĂšre, deux voyageurs en draps, des garçons pleins d'esprit qui contaient, le soir, un tas de farces que j'en pleurais de rire eh bien ! il restait lĂ , comme une alose, sans dire un mot. - Oui, fit le pharmacien, pas d'imagination, pas de saillies, rien de ce qui constitue l'homme de sociĂ©tĂ© ! - On dit pourtant qu'il a des moyens, objecta l'hĂÂŽtesse. - Des moyens ! rĂ©pliqua M. Homais ; lui ! des moyens ? Dans sa partie, c'est possible, ajouta-t-il d'un ton plus calme. Et il reprit - Ah ! qu'un nĂ©gociant qui a des relations considĂ©rables, qu'un jurisconsulte, un mĂ©decin, un pharmacien soient tellement absorbĂ©s qu'ils en deviennent fantasques et bourrus mĂÂȘme, je le comprends ; on en cite des traits dans l'histoire ! Mais, au moins, c'est qu'ils pensent Ă quelque chose. Moi, par exemple, combien de fois m'est-il arrivĂ© de chercher ma plume sur mon bureau pour Ă©crire une Ă©tiquette, et de trouver, en dĂ©finitive, que je l'avais placĂ©e Ă mon oreille ! Cependant, madame Lefrançois alla sur le seuil regarder si l'Hirondelle n'arrivait pas. Elle tressaillit. Un homme vĂÂȘtu de noir entra tout Ă coup dans la cuisine. On distinguait, aux derniĂšres lueurs du crĂ©puscule, qu'il avait une figure rubiconde et le corps athlĂ©tique. - Qu'y a-t-il pour votre service, monsieur le curĂ© ? demanda la maĂtresse d'auberge, tout en atteignant sur la cheminĂ©e un des flambeaux de cuivre qui s'y trouvaient rangĂ©s en colonnade avec leurs chandelles ; voulez-vous prendre quelque chose ? un doigt de cassis, un verre de vin ? L'ecclĂ©siastique refusa fort civilement. Il venait chercher son parapluie, qu'il avait oubliĂ© l'autre jour au couvent d'Ernemont, et, aprĂšs avoir priĂ© madame Lefrançois de le lui faire remettre au presbytĂšre dans la soirĂ©e, il sortit pour se rendre Ă l'Ă©glise, oĂÂč l'on sonnait l'AngĂ©lus . Quand le pharmacien n'entendit plus sur la place le bruit de ses souliers, il trouva fort inconvenante sa conduite de tout Ă l'heure. Ce refus d'accepter un rafraĂchissement lui semblait une hypocrisie des plus odieuses ; les prĂÂȘtres gouaillaient tous sans qu'on les vĂt, et cherchaient Ă ramener le temps de la dĂme. L'hĂÂŽtesse prit la dĂ©fense de son curĂ© - D'ailleurs, il en plierait quatre comme vous sur son genou. Il a, l'annĂ©e derniĂšre, aidĂ© nos gens Ă rentrer la paille ; il en portait jusqu'Ă six bottes Ă la fois, tant il est fort ! - Bravo ! dit le pharmacien. Envoyez donc vos filles Ă confesse Ă des gaillards d'un tempĂ©rament pareil ! Moi, si j'Ă©tais le gouvernement, je voudrais qu'on saignĂÂąt les prĂÂȘtres une fois par mois. Oui, madame Lefrançois, tous les mois, une large phlĂ©botomie, dans l'intĂ©rĂÂȘt de la police et des moeurs ! - Taisez-vous donc, monsieur Homais ! vous ĂÂȘtes un impie ! vous n'avez pas de religion ! Le pharmacien rĂ©pondit - J'ai une religion, ma religion, et mĂÂȘme j'en ai plus qu'eux tous, avec leurs momeries et leurs jongleries ! J'adore Dieu, au contraire ! Je crois en l'Etre suprĂÂȘme, Ă un CrĂ©ateur, quel qu'il soit, peu m'importe, qui nous a placĂ©s ici-bas pour y remplir nos devoirs de citoyen et de pĂšre de famille ; mais je n'ai pas besoin d'aller, dans une Ă©glise, baiser des plats d'argent et engraisser de ma poche un tas de farceurs qui se nourrissent mieux que nous ! Car on peut l'honorer aussi bien dans un bois, dans un champ, oĂÂč mĂÂȘme en contemplant la voĂ»te Ă©thĂ©rĂ©e, comme les anciens. Mon Dieu, Ă moi, c'est le Dieu de Socrate, de Franklin, de Voltaire et de BĂ©ranger ! Je suis pour la Profession de foi du vicaire savoyard et les immortels principes de 89 ! Aussi je n'admets pas un bonhomme du bon Dieu qui se promĂšne dans son parterre la canne Ă la main, loge ses amis dans le ventre des baleines, meurt en poussant un cri et ressuscite au bout de trois jours choses absurdes en elles-mĂÂȘmes et complĂštement opposĂ©es, d'ailleurs, Ă toutes les lois de la physique ; ce qui nous dĂ©montre, en passant, que les prĂÂȘtres ont toujours croupi dans une ignorance turpide, oĂÂč ils s'efforcent d'engloutir avec eux les populations. Il se tut, cherchant des yeux un public autour de lui, car, dans son effervescence, le pharmacien, un moment, s'Ă©tait cru en plein conseil municipal. Mais la maĂtresse d'auberge ne l'Ă©coutait plus elle tendait son oreille Ă un roulement Ă©loignĂ©. On distingua le bruit d'une voiture mĂÂȘlĂ© Ă un claquement de fers lĂÂąches qui battaient la terre, et l'Hirondelle , enfin, s'arrĂÂȘta devant la porte. C'Ă©tait un coffre jaune portĂ© par deux grandes roues qui, montant jusqu'Ă la hauteur de la bĂÂąche, empĂÂȘchaient les voyageurs de voir la route et leur salissaient les Ă©paules. Les petits carreaux de ses vasistas Ă©troits tremblaient dans leurs chĂÂąssis quand la voiture Ă©tait fermĂ©e, et gardaient des taches de boue, çà et lĂ , parmi leur vieille couche de poussiĂšre, que les pluies d'orage mĂÂȘme ne lavaient pas tout Ă fait. Elle Ă©tait attelĂ©e de trois chevaux, dont le premier en arbalĂšte, et, lorsqu'on descendait les cĂÂŽtes, elle touchait du fond en cahotant. Quelques bourgeois d'Yonville arrivĂšrent sur la place ; ils parlaient tous Ă la fois, demandant des nouvelles, des explications et des bourriches Hivert ne savait auquel rĂ©pondre. C'Ă©tait lui qui faisait Ă la ville les commissions du pays. Il allait dans les boutiques, rapportait des rouleaux de cuir au cordonnier, de la ferraille au marĂ©chal, un baril de harengs pour sa maĂtresse, des bonnets de chez la modiste, des toupets de chez le coiffeur ; et, le long de la route, en s'en revenant, il distribuait ses paquets, qu'il jetait par-dessus les clĂÂŽtures des cours, debout sur son siĂšge, et criant Ă pleine poitrine, pendant que ses chevaux allaient tout seuls. Un accident l'avait retardĂ© ; la levrette de madame Bovary s'Ă©tait enfuie Ă travers champs. On l'avait sifflĂ©e un grand quart d'heure. Hivert mĂÂȘme Ă©tait retournĂ© d'une demi-lieue en arriĂšre, croyant l'apercevoir Ă chaque minute ; mais il avait fallu continuer la route. Emma avait pleurĂ©, s'Ă©tait emportĂ©e ; elle avait accusĂ© Charles de ce malheur. M. Lheureux, marchand d'Ă©toffes, qui se trouvait avec elle dans la voiture, avait essayĂ© de la consoler par quantitĂ© d'exemples de chiens perdus, reconnaissant leur maĂtre au bout de longues annĂ©es. On en citait un, disait-il, qui Ă©tait revenu de Constantinople Ă Paris. Un autre avait fait cinquante lieues en ligne droite et passĂ© quatre riviĂšres Ă la nage ; et son pĂšre Ă lui-mĂÂȘme avait possĂ©dĂ© un caniche qui, aprĂšs douze ans d'absence, lui avait tout Ă coup sautĂ© sur le dos, un soir, dans la rue comme il allait dĂner en ville. II. Emma descendit la premiĂšre, puis FĂ©licitĂ©, M. Lheureux, une nourrice, et l'on fut obligĂ© de rĂ©veiller Charles dans son coin, oĂÂč il s'Ă©tait endormi complĂštement, dĂšs que la nuit Ă©tait venue. Homais se prĂ©senta ; il offrit ses hommages Ă Madame, ses civilitĂ©s Ă Monsieur, dit qu'il Ă©tait charmĂ© d'avoir pu leur rendre quelque service, et ajouta d'un air cordial qu'il avait osĂ© s'inviter lui-mĂÂȘme, sa femme, d'ailleurs, Ă©tait absente. Madame Bovary, quand elle fut dans la cuisine, s'approcha de la cheminĂ©e. Du bout de ses deux doigts elle prit sa robe Ă la hauteur du genou, et, l'ayant ainsi remontĂ©e jusqu'aux chevilles, elle tendit Ă la flamme, par-dessus le gigot qui tournait, son pied chaussĂ© d'une bottine noire. Le feu l'Ă©clairait en entier, pĂ©nĂ©trant d'une lumiĂšre crue la trame de sa robe, les pores Ă©gaux de sa peau blanche et mĂÂȘme les paupiĂšres de ses yeux qu'elle clignait de temps Ă autre. Une grande couleur rouge passait sur elle selon le souffle du vent qui venait par la porte entrouverte. De l'autre cĂÂŽtĂ© de la cheminĂ©e, un jeune homme Ă chevelure blonde la regardait silencieusement. Comme il s'ennuyait beaucoup Ă Yonville, oĂÂč il Ă©tait clerc chez maĂtre Guillaumin, souvent M. LĂ©on Dupuis c'Ă©tait lui, le second habituĂ© du Lion d'Or reculait l'instant de son repas, espĂ©rant qu'il viendrait quelque voyageur Ă l'auberge avec qui causer dans la soirĂ©e. Les jours que sa besogne Ă©tait finie, il lui fallait bien, faute de savoir que faire, arriver Ă l'heure exacte, et subir depuis la soupe jusqu'au fromage le tĂÂȘte-Ă -tĂÂȘte de Binet. Ce fut donc avec joie qu'il accepta la proposition de l'hĂÂŽtesse de dĂner en la compagnie des nouveaux venus, et l'on passa dans la grande salle, oĂÂč madame Lefrançois, par pompe, avait fait dresser les quatre couverts. Homais demanda la permission de garder son bonnet grec, de peur des coryzas. Puis, se tournant vers sa voisine - Madame, sans doute, est un peu lasse ? on est si Ă©pouvantablement cahotĂ© dans notre Hirondelle ! - Il est vrai, rĂ©pondit Emma ; mais le dĂ©rangement m'amuse toujours ; j'aime Ă changer de place. - C'est une chose si maussade, soupira le clerc, que de vivre clouĂ© aux mĂÂȘmes endroits ! - Si vous Ă©tiez comme moi, dit Charles, sans cesse obligĂ© d'ĂÂȘtre Ă cheval... - Mais, reprit LĂ©on s'adressant Ă madame Bovary, rien n'est plus agrĂ©able, il me semble ; quand on le peut, ajouta-t-il. - Du reste, disait l'apothicaire, l'exercice de la mĂ©decine n'est pas fort pĂ©nible en nos contrĂ©es ; car l'Ă©tat de nos routes permet l'usage du cabriolet, et, gĂ©nĂ©ralement, l'on paye assez bien, les cultivateurs Ă©tant aisĂ©s. Nous avons, sous le rapport mĂ©dical, Ă part les cas ordinaires d'entĂ©rite, bronchite, affections bilieuses, etc., de temps Ă autre quelques fiĂšvres intermittentes Ă la moisson, mais, en somme, peu de choses graves, rien de spĂ©cial Ă noter, si ce n'est beaucoup d'humeurs froides, et qui tiennent sans doute aux dĂ©plorables conditions hygiĂ©niques de nos logements de paysans. Ah ! vous trouverez bien des prĂ©jugĂ©s Ă combattre, monsieur Bovary ; bien des entĂÂȘtements de la routine, oĂÂč se heurteront quotidiennement tous les efforts de votre science ; car on a recours encore aux neuvaines, aux reliques, au curĂ©, plutĂÂŽt que de venir naturellement chez le mĂ©decin ou chez le pharmacien. Le climat, pourtant, n'est point, Ă vrai dire, mauvais, et mĂÂȘme nous comptons dans la commune quelques nonagĂ©naires. Le thermomĂštre j'en ai fait les observations descend en hiver jusqu'Ă quatre degrĂ©s, et, dans la forte saison, touche vingt-cinq, trente centigrades tout au plus, ce qui nous donne vingt-quatre RĂ©aumur au maximum, ou autrement cinquante-quatre Fahrenheit mesure anglaise , pas davantage ! - et, en effet, nous sommes abritĂ©s des vents du nord par la forĂÂȘt d'Argueil d'une part, des vents d'ouest par la cĂÂŽte Saint-Jean de l'autre ; et cette chaleur, cependant, qui Ă cause de la vapeur d'eau dĂ©gagĂ©e par la riviĂšre et la prĂ©sence considĂ©rable de bestiaux dans les prairies, lesquels exhalent, comme vous savez, beaucoup d'ammoniaque, c'est-Ă -dire azote, hydrogĂšne et oxygĂšne non, azote et hydrogĂšne seulement , et qui, pompant Ă elle l'humus de la terre, confondant toutes ces Ă©manations diffĂ©rentes, les rĂ©unissant en un faisceau, pour ainsi dire, et se combinant de soi-mĂÂȘme avec l'Ă©lectricitĂ© rĂ©pandue dans l'atmosphĂšre, lorsqu'il y en a, pourrait Ă la longue, comme dans les pays tropicaux, engendrer des miasmes insalubres ; - cette chaleur, dis-je, se trouve justement tempĂ©rĂ©e du cĂÂŽtĂ© oĂÂč elle vient, ou plutĂÂŽt d'oĂÂč elle viendrait, c'est-Ă -dire du cĂÂŽtĂ© sud, par les vents de sud-est, lesquels, s'Ă©tant rafraĂchis d'eux-mĂÂȘmes en passant sur la Seine, nous amĂšnent quelquefois tout d'un coup, comme des brises de Russie ! - Avez-vous du moins quelques promenades dans les environs ? continuait madame Bovary parlant au jeune homme. - Oh ! fort peu, rĂ©pondit-il. Il y a un endroit que l'on nomme la PĂÂąture, sur le haut de la cĂÂŽte, Ă la lisiĂšre de la forĂÂȘt. Quelquefois, le dimanche, je vais lĂ , et j'y reste avec un livre, Ă regarder le soleil couchant. - Je ne trouve rien d'admirable comme les soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la mer, surtout. - Oh ! j'adore la mer, dit M. LĂ©on. - Et puis ne vous semble-t-il pas, rĂ©pliqua madame Bovary, que l'esprit vogue plus librement sur cette Ă©tendue sans limites, dont la contemplation vous Ă©lĂšve l'ĂÂąme et donne des idĂ©es d'infini, d'idĂ©al ? - Il en est de mĂÂȘme des paysages de montagnes, reprit LĂ©on. J'ai un cousin qui a voyagĂ© en Suisse l'annĂ©e derniĂšre, et qui me disait qu'on ne peut se figurer la poĂ©sie des lacs, le charme des cascades, l'effet gigantesque des glaciers. On voit des pins d'une grandeur incroyable, en travers des torrents, des cabanes suspendues sur des prĂ©cipices, et, Ă mille pieds sous vous, des vallĂ©es entiĂšres, quand les nuages s'entrouvrent. Ces spectacles doivent enthousiasmer, disposer Ă la priĂšre, Ă l'extase ! Aussi je ne m'Ă©tonne plus de ce musicien cĂ©lĂšbre qui, pour exciter mieux son imagination, avait coutume d'aller jouer du piano devant quelque site imposant. - Vous faites de la musique ? demanda-t-elle. - Non, mais je l'aime beaucoup, rĂ©pondit-il. - Ah ! ne l'Ă©coutez pas, madame Bovary, interrompit Homais en se penchant sur son assiette, c'est modestie pure. - Comment, mon cher ! Eh ! l'autre jour, dans votre chambre, vous chantiez l'Ange gardien Ă ravir. Je vous entendais du laboratoire ; vous dĂ©tachiez cela comme un acteur. LĂ©on, en effet, logeait chez le pharmacien, oĂÂč il avait une petite piĂšce au second Ă©tage, sur la place. Il rougit Ă ce compliment de son propriĂ©taire, qui dĂ©jĂ s'Ă©tait tournĂ© vers le mĂ©decin et lui Ă©numĂ©rait les uns aprĂšs les autres les principaux habitants d'Yonville. Il racontait des anecdotes, donnait des renseignements ; on ne savait pas au juste la fortune du notaire, et il y avait la maison Tuvache qui faisait beaucoup d'embarras. Emma reprit - Et quelle musique prĂ©fĂ©rez-vous ? - Oh ! la musique allemande, celle qui porte Ă rĂÂȘver. - Connaissez-vous les Italiens ? - Pas encore ; mais je les verrai l'annĂ©e prochaine, quand j'irai habiter Paris, pour finir mon droit. - C'est comme j'avais l'honneur, dit le pharmacien, de l'exprimer Ă M. votre Ă©poux, Ă ce propos de ce pauvre Yanoda qui s'est enfui ; vous vous trouverez, grĂÂące aux folies qu'il a faites, jouir d'une des maisons les plus confortables d'Yonville. Ce qu'elle a principalement de commode pour un mĂ©decin, c'est une porte sur l'AllĂ©e , qui permet d'entrer et de sortir sans ĂÂȘtre vu. D'ailleurs, elle est fournie de tout ce qui est agrĂ©able Ă un mĂ©nage buanderie, cuisine avec office, salon de famille, fruitier, etc. C'Ă©tait un gaillard qui n'y regardait pas ! Il s'Ă©tait fait construire, au bout du jardin, Ă cĂÂŽtĂ© de l'eau, une tonnelle tout exprĂšs pour boire de la biĂšre en Ă©tĂ©, et si Madame aime le jardinage, elle pourra... - Ma femme ne s'en occupe guĂšre, dit Charles ; elle aime mieux, quoiqu'on lui recommande l'exercice, toujours rester dans sa chambre, Ă lire. - C'est comme moi, rĂ©pliqua LĂ©on ; quelle meilleure chose, en effet, que d'ĂÂȘtre le soir au coin du feu avec un livre, pendant que le vent bat les carreaux, que la lampe brĂ»le ?... - N'est-ce pas ? dit-elle, en fixant sur lui ses grands yeux noirs tout ouverts. - On ne songe Ă rien, continuait-il, les heures passent. On se promĂšne immobile dans des pays que l'on croit voir, et votre pensĂ©e, s'enlaçant Ă la fiction, se joue dans les dĂ©tails ou poursuit le contour des aventures. Elle se mĂÂȘle aux personnages ; il semble que c'est vous qui palpitez sous leurs costumes. - C'est vrai ! c'est vrai ! disait-elle. - Vous est-il arrivĂ© parfois, reprit LĂ©on, de rencontrer dans un livre une idĂ©e vague que l'on a eue, quelque image obscurcie qui revient de loin, et comme l'exposition entiĂšre de votre sentiment le plus dĂ©liĂ© ? - J'ai Ă©prouvĂ© cela, rĂ©pondit-elle. - C'est pourquoi, dit-il, j'aime surtout les poĂštes. Je trouve les vers plus tendres que la prose, et qu'ils font bien mieux pleurer. - Cependant ils fatiguent Ă la longue, reprit Emma ; et maintenant, au contraire, j'adore les histoires qui se suivent toutes d'une haleine, oĂÂč l'on a peur. Je dĂ©teste les hĂ©ros communs et les sentiments tempĂ©rĂ©s, comme il y en a dans la nature. - En effet, observa le clerc, ces ouvrages ne touchant pas le coeur, s'Ă©cartent, il me semble, du vrai but de l'Art. Il est si doux, parmi les dĂ©senchantements de la vie, de pouvoir se reporter en idĂ©e sur de nobles caractĂšres, des affections pures et des tableaux de bonheur. Quant Ă moi, vivant ici, loin du monde, c'est ma seule distraction ; mais Yonville offre si peu de ressources ! - Comme Tostes, sans doute, reprit Emma ; aussi j'Ă©tais toujours abonnĂ©e Ă un cabinet de lecture. - Si Madame veut me faire l'honneur d'en user, dit le pharmacien, qui venait d'entendre ces derniers mots, j'ai moi-mĂÂȘme Ă sa disposition une bibliothĂšque composĂ©e des meilleurs auteurs Voltaire, Rousseau, Delille, Walter Scott, l'Echo des Feuilletons , etc., et je reçois, de plus, diffĂ©rentes feuilles pĂ©riodiques, parmi lesquelles le Fanal de Rouen , quotidiennement, ayant l'avantage d'en ĂÂȘtre le correspondant pour les circonscriptions de Buchy, Forges, NeufchĂÂątel, Yonville et les alentours. Depuis deux heures et demie, on Ă©tait Ă table ; car la servante ArtĂ©mise, traĂnant nonchalamment sur les carreaux ses savates de lisiĂšre, apportait les assiettes les unes aprĂšs les autres, oubliait tout, n'entendait Ă rien et sans cesse laissait entrebĂÂąillĂ©e la porte du billard, qui battait contre le mur du bout de sa clenche. Sans qu'il s'en aperçût, tout en causant, LĂ©on avait posĂ© son pied sur un des barreaux de la chaise oĂÂč madame Bovary Ă©tait assise. Elle portait une petite cravate de soie bleue, qui tenait droit comme une fraise un col de batiste tuyautĂ© ; et, selon les mouvements de tĂÂȘte qu'elle faisait, le bas de son visage s'enfonçait dans le linge ou en sortait avec douceur. C'est ainsi, l'un prĂšs de l'autre, pendant que Charles et le pharmacien devisaient, qu'ils entrĂšrent dans une de ces vagues conversations oĂÂč le hasard des phrases vous ramĂšne toujours au centre fixe d'une sympathie commune. Spectacles de Paris, titres de romans, quadrilles nouveaux, et le monde qu'ils ne connaissaient pas, Tostes oĂÂč elle avait vĂ©cu, Yonville oĂÂč ils Ă©taient, ils examinĂšrent tout, parlĂšrent de tout jusqu'Ă la fin du dĂner. Quand le cafĂ© fut servi, FĂ©licitĂ© s'en alla prĂ©parer la chambre dans la nouvelle maison, et les convives bientĂÂŽt levĂšrent le siĂšge. Madame Lefrançois dormait auprĂšs des cendres, tandis que le garçon d'Ă©curie, une lanterne Ă la main, attendait M. et madame Bovary pour les conduire chez eux. Sa chevelure rouge Ă©tait entremĂÂȘlĂ©e de brins de paille, et il boitait de la jambe gauche. Lorsqu'il eut pris de son autre main le parapluie de M. le curĂ©, l'on se mit en marche. Le bourg Ă©tait endormi. Les piliers des halles allongeaient de grandes ombres. La terre Ă©tait toute grise, comme par une nuit d'Ă©tĂ©. Mais, la maison du mĂ©decin se trouvant Ă cinquante pas de l'auberge, il fallut presque aussitĂÂŽt se souhaiter le bonsoir, et la compagnie se dispersa. Emma, dĂšs le vestibule, sentit tomber sur ses Ă©paules, comme un linge humide, le froid du plĂÂątre. Les murs Ă©taient neufs, et les marches de bois craquĂšrent. Dans la chambre, au premier, un jour blanchĂÂątre passait par les fenĂÂȘtres sans rideaux. On entrevoyait des cimes d'arbres, et plus loin la prairie, Ă demi noyĂ©e dans le brouillard, qui fumait au clair de la lune, selon le cours de la riviĂšre. Au milieu de l'appartement, pĂÂȘle-mĂÂȘle, il y avait des tiroirs de commode, des bouteilles, des tringles, des bĂÂątons dorĂ©s avec des matelas sur des chaises et des cuvettes sur le parquet, - les deux hommes qui avaient apportĂ© les meubles ayant tout laissĂ© lĂ , nĂ©gligemment. C'Ă©tait la quatriĂšme fois qu'elle couchait dans un endroit inconnu. La premiĂšre avait Ă©tĂ© le jour de son entrĂ©e au couvent, la seconde celle de son arrivĂ©e Ă Tostes, la troisiĂšme Ă la Vaubyessard, la quatriĂšme Ă©tait celle-ci ; et chacune s'Ă©tait trouvĂ©e faire dans sa vie comme l'inauguration d'une phase nouvelle. Elle ne croyait pas que les choses pussent se reprĂ©senter les mĂÂȘmes Ă des places diffĂ©rentes, et, puisque la portion vĂ©cue avait Ă©tĂ© mauvaise, sans doute ce qui restait Ă consommer serait meilleur. III. Le lendemain, Ă son rĂ©veil, elle aperçut le clerc sur la place. Elle Ă©tait en peignoir. Il leva la tĂÂȘte et la salua. Elle fit une inclination rapide et referma la fenĂÂȘtre. LĂ©on attendit pendant tout le jour que six heures du soir fussent arrivĂ©es ; mais, en entrant Ă l'auberge, il ne trouva personne que M. Binet, attablĂ©. Ce dĂner de la veille Ă©tait pour lui un Ă©vĂ©nement considĂ©rable ; jamais, jusqu'alors, il n'avait causĂ© pendant deux heures de suite avec une dame . Comment donc avoir pu lui exposer, et en un tel langage, quantitĂ© de choses qu'il n'aurait pas si bien dites auparavant ? il Ă©tait timide d'habitude et gardait cette rĂ©serve qui participe Ă la fois de la pudeur et de la dissimulation. On trouvait Ă Yonville qu'il avait des maniĂšres comme il faut . Il Ă©coutait raisonner les gens mĂ»rs, et ne paraissait point exaltĂ© en politique, chose remarquable pour un jeune homme. Puis il possĂ©dait des talents, il peignait Ă l'aquarelle, savait lire la clef de sol, et s'occupait volontiers de littĂ©rature aprĂšs son dĂner, quand il ne jouait pas aux cartes. M. Homais le considĂ©rait pour son instruction ; madame Homais l'affectionnait pour sa complaisance, car souvent il accompagnait au jardin les petits Homais, marmots toujours barbouillĂ©s, fort mal Ă©levĂ©s et quelque peu lymphatiques, comme leur mĂšre. Ils avaient pour les soigner, outre la bonne, Justin, l'Ă©lĂšve en pharmacie, un arriĂšre-cousin de M. Homais que l'on avait pris dans la maison par charitĂ©, et qui servait en mĂÂȘme temps de domestique. L'apothicaire se montra le meilleur des voisins. Il renseigna madame Bovary sur les fournisseurs, fit venir son marchand de cidre tout exprĂšs, goĂ»ta la boisson lui-mĂÂȘme, et veilla dans la cave Ă ce que la futaille fĂ»t bien placĂ©e ; il indiqua encore la façon de s'y prendre pour avoir une provision de beurre Ă bon marchĂ©, et conclut un arrangement avec Lestiboudois, le sacristain, qui, outre ses fonctions sacerdotales et mortuaires, soignait les principaux jardins d'Yonville Ă l'heure ou Ă l'annĂ©e, selon le goĂ»t des personnes. Le besoin de s'occuper d'autrui ne poussait pas seul le pharmacien Ă tant de cordialitĂ© obsĂ©quieuse, et il y avait lĂ -dessous un plan. Il avait enfreint la loi du 19 ventĂÂŽse an XI, article 1er, qui dĂ©fend Ă tout individu non porteur de diplĂÂŽme l'exercice de la mĂ©decine ; si bien que, sur des dĂ©nonciations tĂ©nĂ©breuses, Homais avait Ă©tĂ© mandĂ© Ă Rouen, prĂ©s M. le procureur du roi, en son cabinet particulier. Le magistrat l'avait reçu debout, dans sa robe, hermine Ă l'Ă©paule et toque en tĂÂȘte. C'Ă©tait le matin, avant l'audience. On entendait dans le corridor passer les fortes bottes des gendarmes, et comme un bruit lointain de grosses serrures qui se fermaient. Les oreilles du pharmacien lui tintĂšrent Ă croire qu'il allait tomber d'un coup de sang ; il entrevit des culs de basse-fosse, sa famille en pleurs, la pharmacie vendue, tous les bocaux dissĂ©minĂ©s ; et il fut obligĂ© d'entrer dans un cafĂ© prendre un verre de rhum avec de l'eau de Seltz, pour se remettre les esprits. Peu Ă peu, le souvenir de cette admonition s'affaiblit, et il continuait, comme autrefois, Ă donner des consultations anodines dans son arriĂšre-boutique. Mais le maire lui en voulait, des confrĂšres Ă©taient jaloux, il fallait tout craindre ; en s'attachant M. Bovary par des politesses, c'Ă©tait gagner sa gratitude, et empĂÂȘcher qu'il ne parlĂÂąt plus tard, s'il s'apercevait de quelque chose. Aussi tous les matins, Homais lui apportait le journal , et souvent, dans l'aprĂšs-midi, quittait un instant la pharmacie pour aller chez l'officier de santĂ© faire la conversation. Charles Ă©tait triste la clientĂšle n'arrivait pas. Il demeurait assis pendant de longues heures, sans parler, allait dormir dans son cabinet ou regardait coudre sa femme. Pour se distraire, il s'employa chez lui comme homme de peine, et mĂÂȘme il essaya de peindre le grenier avec un reste de couleur que les peintres avaient laissĂ©. Mais les affaires d'argent le prĂ©occupaient. Il en avait tant dĂ©pensĂ© pour les rĂ©parations de Tostes, pour les toilettes de Madame et pour le dĂ©mĂ©nagement, que toute la dot, plus de trois mille Ă©cus, s'Ă©tait Ă©coulĂ©e en deux ans. Puis, que de choses endommagĂ©es ou perdues dans le transport de Tostes Ă Yonville, sans compter le curĂ© de plĂÂątre, qui, tombant de la charrette Ă un cahot trop fort, s'Ă©tait Ă©crasĂ© en mille morceaux sur le pavĂ© de Quincampoix ! Un souci meilleur vint le distraire, Ă savoir la grossesse de sa femme. A mesure que le terme en approchait, il la chĂ©rissait davantage. C'Ă©tait un autre lien de la chair s'Ă©tablissant et comme le sentiment continu d'une union plus complexe. Quand il voyait de loin sa dĂ©marche paresseuse et sa taille tourner mollement sur ses hanches sans corset, quand vis-Ă -vis l'un de l'autre il la contemplait tout Ă l'aise et qu'elle prenait, assise, des poses fatiguĂ©es dans son fauteuil, alors son bonheur ne se tenait plus il se levait, il l'embrassait, passait ses mains sur sa figure, l'appelait petite maman, voulait la faire danser, et dĂ©bitait, moitiĂ© riant, moitiĂ© pleurant, toutes sortes de plaisanteries caressantes qui lui venaient Ă l'esprit. L'idĂ©e d'avoir engendrĂ© le dĂ©lectait. Rien ne lui manquait Ă prĂ©sent. Il connaissait l'existence humaine tout du long, et il s'y attablait sur les deux coudes avec sĂ©rĂ©nitĂ©. Emma d'abord sentit un grand Ă©tonnement, puis eut envie d'ĂÂȘtre dĂ©livrĂ©e, pour savoir quelle chose c'Ă©tait que d'ĂÂȘtre mĂšre. Mais, ne pouvant faire les dĂ©penses qu'elle voulait, avoir un berceau en nacelle avec des rideaux de soie rose et des bĂ©guins brodĂ©s, elle renonça au trousseau dans un accĂšs d'amertume, et le commanda d'un seul coup Ă une ouvriĂšre du village, sans rien choisir ni discuter. Elle ne s'amusa donc pas Ă ces prĂ©paratifs oĂÂč la tendresse des mĂšres se met en appĂ©tit, et son affection, dĂšs l'origine, en fut peut-ĂÂȘtre attĂ©nuĂ©e de quelque chose. Cependant, comme Charles, Ă tous les repas, parlait du marmot, bientĂÂŽt elle y songea d'une façon plus continue. Elle souhaitait un fils ; il serait fort et brun, elle l'appellerait Georges ; et cette idĂ©e d'avoir pour enfant un mĂÂąle Ă©tait comme la revanche en espoir de toutes ses impuissances passĂ©es. Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empĂÂȘchĂ©e continuellement. Inerte et flexible Ă la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dĂ©pendances de la loi. Sa volontĂ©, comme le voile de son chapeau retenu par un cordon, palpite Ă tous les vents ; il y a toujours quelque dĂ©sir qui entraĂne, quelque convenance qui retient. Elle accoucha un dimanche, vers six heures, au soleil levant. - C'est une fille ! dit Charles. Elle tourna la tĂÂȘte et s'Ă©vanouit. Presque aussitĂÂŽt, madame Homais accourut et l'embrassa, ainsi que la mĂšre Lefrançois, du Lion d'Or . Le pharmacien, en homme discret, lui adressa seulement quelques fĂ©licitations provisoires, par la porte entrebĂÂąillĂ©e. Il voulut voir l'enfant, et le trouva bien conformĂ©. Pendant sa convalescence, elle s'occupa beaucoup Ă chercher un nom pour sa fille. D'abord, elle passa en revue tous ceux qui avaient des terminaisons italiennes, tels que Clara, Louisa, Amanda, Atala ; elle aimait assez Galsuinde, plus encore Yseult ou LĂ©ocadie. Charles dĂ©sirait qu'on appelĂÂąt l'enfant comme sa mĂšre ; Emma s'y opposait. On parcourut le calendrier d'un bout Ă l'autre, et l'on consulta les Ă©trangers. - M. LĂ©on, disait le pharmacien, avec qui j'en causais l'autre jour, s'Ă©tonne que vous ne choisissiez point Madeleine, qui est excessivement Ă la mode maintenant. Mais la mĂšre Bovary se rĂ©cria bien fort sur ce nom de pĂ©cheresse. M. Homais, quant Ă lui, avait en prĂ©dilection tous ceux qui rappelaient un grand homme, un fait illustre ou une conception gĂ©nĂ©reuse, et c'est dans ce systĂšme-lĂ qu'il avait baptisĂ© ses quatre enfants. Ainsi, NapolĂ©on reprĂ©sentait la gloire et Franklin la libertĂ© ; Irma, peut-ĂÂȘtre, Ă©tait une concession au romantisme ; mais Athalie, un hommage au plus immortel chef-d'oeuvre de la scĂšne française. Car ses convictions philosophiques n'empĂÂȘchaient pas ses admirations artistiques, le penseur chez lui n'Ă©touffait point l'homme sensible ; il savait Ă©tablir des diffĂ©rences, faire la part de l'imagination et celle du fanatisme. De cette tragĂ©die, par exemple, il blĂÂąmait les idĂ©es, mais il admirait le style ; il maudissait la conception, mais il applaudissait Ă tous les dĂ©tails, et s'exaspĂ©rait contre les personnages, en s'enthousiasmant de leurs discours. Lorsqu'il lisait les grands morceaux, il Ă©tait transportĂ© ; mais, quand il songeait que les calotins en tiraient avantage pour leur boutique, il Ă©tait dĂ©solĂ©, et dans cette confusion de sentiments oĂÂč il s'embarrassait, il aurait voulu tout Ă la fois pouvoir couronner Racine de ses deux mains et discuter avec lui pendant un bon quart d'heure. Enfin, Emma se souvint qu'au chĂÂąteau de la Vaubyessard elle avait entendu la marquise appeler Berthe une jeune femme ; dĂšs lors ce nom-lĂ fut choisi, et, comme le pĂšre Rouault ne pouvait venir, on pria M. Homais d'ĂÂȘtre parrain. Il donna pour cadeaux tous produits de son Ă©tablissement, Ă savoir six boĂtes de jujubes, un bocal entier de racabout, trois coffins de pĂÂąte Ă la guimauve, et, de plus, six bĂÂątons de sucre candi qu'il avait retrouvĂ©s dans un placard. Le soir de la cĂ©rĂ©monie, il y eut un grand dĂner ; le curĂ© s'y trouvait ; on s'Ă©chauffa. M. Homais, vers les liqueurs, entonna le Dieu des bonnes gens . M. LĂ©on chanta une barcarolle, et madame Bovary mĂšre, qui Ă©tait la marraine, une romance du temps de l'Empire ; enfin M. Bovary pĂšre exigea que l'on descendĂt l'enfant, et se mit Ă le baptiser avec un verre de champagne qu'il lui versait de haut sur la tĂÂȘte. Cette dĂ©rision du premier des sacrements indigna l'abbĂ© Bournisien ; le pĂšre Bovary rĂ©pondit par une citation de La Guerre des dieux , le curĂ© voulut partir ; les dames suppliaient ; Homais s'interposa ; et l'on parvint Ă faire rasseoir l'ecclĂ©siastique, qui reprit tranquillement, dans sa soucoupe, sa demi-tasse de cafĂ© Ă moitiĂ© bue. M. Bovary pĂšre resta encore un mois Ă Yonville, dont il Ă©blouit les habitants par un superbe bonnet de police Ă galons d'argent, qu'il portait le matin, pour fumer sa pipe sur la place. Ayant aussi l'habitude de boire beaucoup d'eau-de-vie, souvent il envoyait la servante au Lion d'Or lui en acheter une bouteille, que l'on inscrivait au compte de son fils ; et il usa, pour parfumer ses foulards, toute la provision d'eau de Cologne qu'avait sa bru. Celle-ci ne se dĂ©plaisait point dans sa compagnie. Il avait couru le monde il parlait de Berlin, de Vienne, de Strasbourg, de son temps d'officier, des maĂtresses qu'il avait eues, des grands dĂ©jeuners qu'il avait faits ; puis il se montrait aimable, et parfois mĂÂȘme, soit dans l'escalier ou au jardin, il lui saisissait la taille en s'Ă©criant - Charles, prends garde Ă toi ! Alors la mĂšre Bovary s'effraya pour le bonheur de son fils, et, craignant que son Ă©poux, Ă la longue, n'eĂ»t une influence immorale sur les idĂ©es de la jeune femme, elle se hĂÂąta de presser le dĂ©part. Peut-ĂÂȘtre avait-elle des inquiĂ©tudes plus sĂ©rieuses. M. Bovary Ă©tait homme Ă ne rien respecter. Un jour, Emma fut prise tout Ă coup du besoin de voir sa petite fille, qui avait Ă©tĂ© mise en nourrice chez la femme du menuisier ; et, sans regarder Ă l'almanach si les six semaines de la Vierge duraient encore, elle s'achemina vers la demeure de Rolet, qui se trouvait Ă l'extrĂ©mitĂ© du village, au bas de la cĂÂŽte, entre la grande route et les prairies. Il Ă©tait midi ; les maisons avaient leurs volets fermĂ©s, et les toits d'ardoises, qui reluisaient sous la lumiĂšre ĂÂąpre du ciel bleu, semblaient Ă la crĂÂȘte de leurs pignons faire pĂ©tiller des Ă©tincelles. Un vent lourd soufflait. Emma se sentait faible en marchant ; les cailloux du trottoir la blessaient ; elle hĂ©sita si elle ne s'en retournerait pas chez elle, ou entrerait quelque part pour s'asseoir. A ce moment, M. LĂ©on sortit d'une porte voisine avec une liasse de papiers sous son bras. Il vint la saluer et se mit Ă l'ombre devant la boutique de Lheureux, sous la tente grise qui avançait. Madame Bovary dit qu'elle allait voir son enfant, mais qu'elle commençait Ă ĂÂȘtre lasse. - Si..., reprit LĂ©on, n'osant poursuivre. - Avez-vous affaire quelque part ? demanda-t-elle. Et, sur la rĂ©ponse du clerc, elle le pria de l'accompagner. DĂšs le soir, cela fut connu dans Yonville, et madame Tuvache, la femme du maire, dĂ©clara devant sa servante que madame Bovary se compromettait . Pour arriver chez la nourrice il fallait, aprĂšs la rue, tourner Ă gauche, comme pour gagner le cimetiĂšre, et suivre, entre des maisonnettes et des cours, un petit sentier que bordaient des troĂšnes. Ils Ă©taient en fleur et les vĂ©roniques aussi, les Ă©glantiers, les orties, et les ronces lĂ©gĂšres qui s'Ă©lançaient des buissons. Par le trou des haies, on apercevait, dans les masures , quelque pourceau sur un fumier, ou des vaches embricolĂ©es, frottant leurs cornes contre le tronc des arbres. Tous les deux, cĂÂŽte Ă cĂÂŽte, ils marchaient doucement, elle s'appuyant sur lui et lui retenant son pas qu'il mesurait sur les siens ; devant eux, un essaim de mouches voltigeait, en bourdonnant dans l'air chaud. Ils reconnurent la maison Ă un vieux noyer qui l'ombrageait. Basse et couverte de tuiles brunes, elle avait en dehors, sous la lucarne de son grenier, un chapelet d'oignons suspendu. Des bourrĂ©es, debout contre la clĂÂŽture d'Ă©pines, entouraient un carrĂ© de laitues, quelques pieds de lavande et des pois Ă fleurs montĂ©s sur des rames. De l'eau sale coulait en s'Ă©parpillant sur l'herbe, et il y avait tout autour plusieurs guenilles indistinctes, des bas de tricot, une camisole d'indienne rouge, et un grand drap de toile Ă©paisse Ă©talĂ© en long sur la haie. Au bruit de la barriĂšre, la nourrice parut, tenant sur son bras un enfant qui tĂ©tait. Elle tirait de l'autre main un pauvre marmot chĂ©tif, couvert de scrofules au visage, le fils d'un bonnetier de Rouen, que ses parents trop occupĂ©s de leur nĂ©goce laissaient Ă la campagne. - Entrez, dit-elle ; votre petite est lĂ qui dort. La chambre, au rez-de-chaussĂ©e, la seule du logis, avait au fond contre la muraille un large lit sans rideaux, tandis que le pĂ©trin occupait le cĂÂŽtĂ© de la fenĂÂȘtre, dont une vitre Ă©tait raccommodĂ©e avec un soleil de papier bleu. Dans l'angle, derriĂšre la porte, des brodequins Ă clous luisants Ă©taient rangĂ©s sous la dalle du lavoir, prĂšs d'une bouteille pleine d'huile qui portait une plume Ă son goulot ; un Mathieu Laensberg traĂnait sur la cheminĂ©e poudreuse, parmi des pierres Ă fusil, des bouts de chandelle et des morceaux d'amadou. Enfin la derniĂšre superfluitĂ© de cet appartement Ă©tait une RenommĂ©e soufflant dans des trompettes, image dĂ©coupĂ©e sans doute Ă mĂÂȘme quelque prospectus de parfumerie, et que six pointes Ă sabot clouaient au mur. L'enfant d'Emma dormait Ă terre, dans un berceau d'osier. Elle la prit avec la couverture qui l'enveloppait, et se mit Ă chanter doucement en se dandinant. LĂ©on se promenait dans la chambre ; il lui semblait Ă©trange de voir cette belle dame en robe de nankin, tout au milieu de cette misĂšre. Madame Bovary devint rouge ; il se dĂ©tourna, croyant que ses yeux peut-ĂÂȘtre avaient eu quelque impertinence. Puis elle recoucha la petite, qui venait de vomir sur sa collerette. La nourrice aussitĂÂŽt vint l'essuyer, protestant qu'il n'y paraĂtrait pas. - Elle m'en fait bien d'autres, disait-elle, et je ne suis occupĂ©e qu'Ă la rincer continuellement ! Si vous aviez donc la complaisance de commander Ă Camus l'Ă©picier, qu'il me laisse prendre un peu de savon lorsqu'il m'en faut ? Ce serait mĂÂȘme plus commode pour vous, que je ne dĂ©rangerais pas. - C'est bien, c'est bien ! dit Emma. Au revoir, mĂšre Rolet ! Et elle sortit, en essuyant ses pieds sur le seuil. La bonne femme l'accompagna jusqu'au bout de la cour, tout en parlant du mal qu'elle avait Ă se relever la nuit. - J'en suis si rompue quelquefois, que je m'endors sur ma chaise ; aussi, vous devriez pour le moins me donner une petite livre de cafĂ© moulu qui me ferait un mois et que je prendrai le matin avec du lait. AprĂšs avoir subi ses remerciements, madame Bovary s'en alla ; et elle Ă©tait quelque peu avancĂ©e dans le sentier, lorsqu'Ă un bruit de sabots elle tourna la tĂÂȘte c'Ă©tait la nourrice ! - Qu'y a-t-il ? Alors la paysanne, la tirant Ă l'Ă©cart, derriĂšre un orme, se mit Ă lui parler de son mari, qui, avec son mĂ©tier et six francs par an que le capitaine... - Achevez plus vite, dit Emma. - Eh bien, reprit la nourrice poussant des soupirs entre chaque mot, j'ai peur qu'il ne se fasse une tristesse de me voir prendre du cafĂ© toute seule ; vous savez, les hommes. - Puisque vous en aurez, rĂ©pĂ©tait Emma, je vous en donnerai !... Vous m'ennuyez ! - HĂ©las ! ma pauvre chĂšre dame, c'est qu'il a, par suite de ses blessures, des crampes terribles Ă la poitrine. Il dit mĂÂȘme que le cidre l'affaiblit. - Mais dĂ©pĂÂȘchez-vous, mĂšre Rolet ! - Donc, reprit celle-ci faisant une rĂ©vĂ©rence, si ce Ă©tait pas trop vous demander..., - elle salua encore une fois, - quand vous voudrez, - et son regard suppliait, - un cruchon d'eau-de-vie, dit-elle enfin, et j'en frotterai les pieds de votre petite, qui les a tendres comme la langue. DĂ©barrassĂ©e de la nourrice, Emma reprit le bras de M. LĂ©on. Elle marcha rapidement pendant quelque temps ; puis elle se ralentit, et son regard qu'elle promenait devant elle rencontra l'Ă©paule du jeune homme, dont la redingote avait un collet de velours noir. Ses cheveux chĂÂątains tombaient dessus, plats et bien peignĂ©s. Elle remarqua ses ongles, qui Ă©taient plus longs qu'on ne les portait Ă Yonville. C'Ă©tait une des grandes occupations du clerc que de les entretenir ; et il gardait, Ă cet usage, un canif tout particulier dans son Ă©critoire. Ils s'en revinrent Ă Yonville en suivant le bord de l'eau. Dans la saison chaude, la berge plus Ă©largie dĂ©couvrait jusqu'Ă leur base les murs des jardins, qui avaient un escalier de quelques marches descendant Ă la riviĂšre. Elle coulait sans bruit, rapide et froide Ă l'oeil ; de grandes herbes minces s'y courbaient ensemble, selon le courant qui les poussait, et comme des chevelures vertes abandonnĂ©es, s'Ă©talaient dans sa limpiditĂ©. Quelquefois, Ă la pointe des joncs ou sur la feuille des nĂ©nuphars, un insecte Ă pattes fines marchait ou se posait. Le soleil traversait d'un rayon les petits globules bleus des ondes qui se succĂ©daient en se crevant ; les vieux saules Ă©branchĂ©s miraient dans l'eau leur Ă©corce grise ; au-delĂ , tout alentour, la prairie semblait vide. C'Ă©tait l'heure du dĂner dans les fermes, et la jeune femme et son compagnon n'entendaient en marchant que la cadence de leurs pas sur la terre du sentier, les paroles qu'ils se disaient, et le frĂÂŽlement de la robe d'Emma qui bruissait tout autour d'elle. Les murs des jardins, garnis Ă leur chaperon de morceaux de bouteilles, Ă©taient chauds comme le vitrage d'une serre. Dans les briques, des ravenelles avaient poussĂ© ; et, du bord de son ombrelle dĂ©ployĂ©e, madame Bovary, tout en passant, faisait s'Ă©grener en poussiĂšre jaune un peu de leurs fleurs flĂ©tries, ou bien quelque branche des chĂšvrefeuilles et des clĂ©matites qui pendaient au dehors traĂnait un moment sur la soie, en s'accrochant aux effilĂ©s. Ils causaient d'une troupe de danseurs espagnols, que l'on attendait bientĂÂŽt sur le thĂ©ĂÂątre de Rouen. - Vous irez ? demanda-t-elle. - Si je le peux, rĂ©pondit-il. N'avaient-ils rien autre chose Ă se dire ? Leurs yeux pourtant Ă©taient pleins d'une causerie plus sĂ©rieuse ; et, tandis qu'ils s'efforçaient Ă trouver des phrases banales, ils sentaient une mĂÂȘme langueur les envahir tous les deux ; c'Ă©tait comme un murmure de l'ĂÂąme, profond, continu, qui dominait celui des voix. Surpris d'Ă©tonnement Ă cette suavitĂ© nouvelle, ils ne songeaient pas Ă s'en raconter la sensation ou Ă en dĂ©couvrir la cause. Les bonheurs futurs, comme les rivages des tropiques, projettent sur l'immensitĂ© qui les prĂ©cĂšde leurs mollesses natales, une brise parfumĂ©e, et l'on s'assoupit dans cet enivrement sans mĂÂȘme s'inquiĂ©ter de l'horizon que l'on n'aperçoit pas. La terre, Ă un endroit, se trouvait effondrĂ©e par le pas des bestiaux ; il fallut marcher sur de grosses pierres vertes, espacĂ©es dans la boue. Souvent elle s'arrĂÂȘtait une minute Ă regarder oĂÂč poser sa bottine, - et, chancelant sur le caillou qui tremblait, les coudes en l'air, la taille penchĂ©e, l'oeil indĂ©cis, elle riait alors, de peur de tomber dans les flaques d'eau. Quand ils furent arrivĂ©s devant son jardin, madame Bovary poussa la petite barriĂšre, monta les marches en courant et disparut. LĂ©on rentra Ă son Ă©tude. Le patron Ă©tait absent ; il jeta un coup d'oeil sur les dossiers, puis se tailla une plume, prit enfin son chapeau et s'en alla. Il alla sur la PĂÂąture, au haut de la cĂÂŽte d'Argueil, Ă l'entrĂ©e de la forĂÂȘt ; il se coucha par terre sous les sapins, et regarda le ciel Ă travers ses doigts. - Comme je m'ennuie ! se disait-il, comme je m'ennuie ! Il se trouvait Ă plaindre de vivre dans ce village, avec Homais pour ami et M. Guillaumin pour maĂtre. Ce dernier, tout occupĂ© d'affaires, portant des lunettes Ă branches d'or et favoris rouges sur cravate blanche, n'entendait rien aux dĂ©licatesses de l'esprit, quoiqu'il affectĂÂąt un genre raide et anglais qui avait Ă©bloui le clerc dans les premiers temps. Quant Ă la femme du pharmacien, c'Ă©tait la meilleure Ă©pouse de Normandie, douce comme un mouton, chĂ©rissant ses enfants, son pĂšre, sa mĂšre, ses cousins, pleurant aux maux d'autrui, laissant tout aller dans son mĂ©nage, et dĂ©testant les corsets ; - mais si lente Ă se mouvoir, si ennuyeuse Ă Ă©couter, d'un aspect si commun et d'une conversation si restreinte, qu'il n'avait jamais songĂ©, quoiqu'elle eĂ»t trente ans, qu'il en eĂ»t vingt, qu'ils couchassent porte Ă porte, et qu'il lui parlĂÂąt chaque jour, qu'elle pĂ»t ĂÂȘtre une femme pour quelqu'un, ni qu'elle possĂ©dĂÂąt de son sexe autre chose que la robe. Et ensuite, qu'y avait-il ? Binet, quelques marchands, deux ou trois cabaretiers, le curĂ©, et enfin M. Tuvache, le maire, avec ses deux fils, gens cossus, bourrus, obtus, cultivant leurs terres eux-mĂÂȘmes, faisant des ripailles en famille, dĂ©vots d'ailleurs, et d'une sociĂ©tĂ© tout Ă fait insupportable. Mais, sur le fond commun de tous ces visages humains, la figure d'Emma se dĂ©tachait isolĂ©e et plus lointaine cependant ; car il sentait entre elle et lui comme de vagues abĂmes. Au commencement, il Ă©tait venu chez elle plusieurs fois dans la compagnie du pharmacien. Charles n'avait point paru extrĂÂȘmement curieux de le recevoir ; et LĂ©on ne savait comment s'y prendre entre la peur d'ĂÂȘtre indiscret et le dĂ©sir d'une intimitĂ© qu'il estimait presque impossible. IV. DĂšs les premiers froids, Emma quitta sa chambre pour habiter la salle, longue piĂšce Ă plafond bas oĂÂč il y avait, sur la cheminĂ©e, un polypier touffu s'Ă©talant contre la glace. Assise dans son fauteuil, prĂšs de la fenĂÂȘtre, elle voyait passer les gens du village sur le trottoir. LĂ©on, deux fois par jour, allait de son Ă©tude au Lion d'Or . Emma, de loin, l'entendait venir ; elle se penchait en Ă©coutant ; et le jeune homme glissait derriĂšre le rideau, toujours vĂÂȘtu de mĂÂȘme façon et sans dĂ©tourner la tĂÂȘte. Mais au crĂ©puscule, lorsque, le menton dans sa main gauche, elle avait abandonnĂ© sur ses genoux sa tapisserie commencĂ©e, souvent elle tressaillait Ă l'apparition de cette ombre glissant tout Ă coup. Elle se levait et commandait qu'on mĂt le couvert. M. Homais arrivait pendant le dĂner. Bonnet grec Ă la main, il entrait Ă pas muets pour ne dĂ©ranger personne et toujours en rĂ©pĂ©tant la mĂÂȘme phrase " Bonsoir la compagnie ! " Puis, quand il s'Ă©tait posĂ© Ă sa place, contre la table, entre les deux Ă©poux, il demandait au mĂ©decin des nouvelles de ses malades, et celui-ci le consultait sur la probabilitĂ© des honoraires. Ensuite, on causait de ce qu'il y avait dans le journal . Homais, Ă cette heure-lĂ , le savait presque par coeur ; et il le rapportait intĂ©gralement, avec les rĂ©flexions du journaliste et toutes les histoires des catastrophes individuelles arrivĂ©es en France ou Ă l'Ă©tranger. Mais, le sujet se tarissant, il ne tardait pas Ă lancer quelques observations sur les mets qu'il voyait. Parfois mĂÂȘme, se levant Ă demi, il indiquait dĂ©licatement Ă Madame le morceau le plus tendre, ou, se tournant vers la bonne, lui adressait des conseils pour la manipulation des ragoĂ»ts et l'hygiĂšne des assaisonnements ; il parlait arĂÂŽme, osmazĂÂŽme, sucs et gĂ©latine d'une façon Ă Ă©blouir. La tĂÂȘte d'ailleurs plus remplie de recettes que sa pharmacie ne l'Ă©tait de bocaux, Homais excellait Ă faire quantitĂ© de confitures, vinaigres et liqueurs douces, et il connaissait aussi toutes les inventions nouvelles de calĂ©facteurs Ă©conomiques, avec l'art de conserver les fromages et de soigner les vins malades. A huit heures, Justin venait le chercher pour fermer la pharmacie. Alors M. Homais le regardait d'un oeil narquois, surtout si FĂ©licitĂ© se trouvait lĂ , s'Ă©tant aperçu que son Ă©lĂšve affectionnait la maison du mĂ©decin. - Mon gaillard, disait-il, commence Ă avoir des idĂ©es, et je crois, diable m'emporte, qu'il est amoureux de votre bonne ! Mais un dĂ©faut plus grave, et qu'il lui reprochait, c'Ă©tait d'Ă©couter continuellement les conversations. Le dimanche, par exemple, on ne pouvait le faire sortir du salon, oĂÂč madame Homais l'avait appelĂ© pour prendre les enfants, qui s'endormaient dans les fauteuils, en tirant avec leurs dos les housses de calicot, trop larges. Il ne venait pas grand monde Ă ces soirĂ©es du pharmacien, sa mĂ©disance et ses opinions politiques ayant Ă©cartĂ© de lui successivement diffĂ©rentes personnes respectables. Le clerc ne manquait pas de s'y trouver. DĂšs qu'il entendait la sonnette, il courait au-devant de madame Bovary, prenait son chĂÂąle, et posait Ă l'Ă©cart, sous le bureau de la pharmacie, les grosses pantoufles de lisiĂšre qu'elle portait sur sa chaussure, quand il y avait de la neige. On faisait d'abord quelques parties de trente-et-un ; ensuite M. Homais jouait Ă l'Ă©cartĂ© avec Emma ; LĂ©on, derriĂšre elle, lui donnait des avis. Debout et les mains sur le dossier de sa chaise, il regardait les dents de son peigne qui mordaient son chignon. A chaque mouvement qu'elle faisait pour jeter les cartes, sa robe du cĂÂŽtĂ© droit remontait. De ses cheveux retroussĂ©s, il descendait une couleur brune sur son dos, et qui, s'apĂÂąlissant graduellement, peu Ă peu se perdait dans l'ombre. Son vĂÂȘtement, ensuite, retombait des deux cĂÂŽtĂ©s sur le siĂšge, en bouffant, plein de plis, et s'Ă©talait jusqu'Ă terre. Quand LĂ©on parfois sentait la semelle de sa botte poser dessus, il s'Ă©cartait, comme s'il eĂ»t marchĂ© sur quelqu'un. Lorsque la partie de cartes Ă©tait finie, l'apothicaire et le mĂ©decin jouaient aux dominos, et Emma changeant de place, s'accoudait sur la table, Ă feuilleter l'Illustration . Elle avait apportĂ© son journal de modes. LĂ©on se mettait prĂšs d'elle ; ils regardaient ensemble les gravures et s'attardaient au bas des pages. Souvent elle le priait de lui dire des vers ; LĂ©on les dĂ©clamait d'une voix traĂnante et qu'il faisait expirer soigneusement aux passages d'amour. Mais le bruit des dominos le contrariait ; M. Homais y Ă©tait fort, il battait Charles Ă plein double-six. Puis, les trois centaines terminĂ©es, ils s'allongeaient tous deux devant le foyer et ne tardaient pas Ă s'endormir. Le feu se mourait dans les cendres ; la thĂ©iĂšre Ă©tait vide ; LĂ©on lisait encore. Emma l'Ă©coutait, en faisant tourner machinalement l'abat-jour de la lampe, oĂÂč Ă©taient peints sur la gaze des pierrots dans des voitures et des danseuses de corde, avec leurs balanciers. LĂ©on s'arrĂÂȘtait, dĂ©signant d'un geste son auditoire endormi ; alors ils se parlaient Ă voix basse, et la conversation qu'ils avaient leur semblait plus douce, parce qu'elle n'Ă©tait pas entendue. Ainsi s'Ă©tablit entre eux une sorte d'association, un commerce continuel de livres et de romances ; M. Bovary, peu jaloux, ne s'en Ă©tonnait pas. Il reçut pour sa fĂÂȘte une belle tĂÂȘte phrĂ©nologique, toute marquetĂ©e de chiffres jusqu'au thorax et peinte en bleu. C'Ă©tait une attention du clerc. Il en avait bien d'autres, jusqu'Ă lui faire, Ă Rouen, ses commissions ; et le livre d'un romancier ayant mis Ă la mode la manie des plantes grasses, LĂ©on en achetait pour Madame, qu'il rapportait sur ses genoux, dans l'Hirondelle , tout en se piquant les doigts Ă leurs poils durs. Elle fit ajuster, contre sa croisĂ©e, une planchette Ă balustrade pour tenir ses potiches. Le clerc eut aussi son jardinet suspendu ; ils s'apercevaient soignant leurs fleurs Ă leur fenĂÂȘtre. Parmi les fenĂÂȘtres du village, il y en avait une encore plus souvent occupĂ©e ; car, le dimanche, depuis le matin jusqu'Ă la nuit, et chaque aprĂšs-midi, si le temps Ă©tait clair, on voyait Ă la lucarne d'un grenier le profil maigre de M. Binet penchĂ© sur son tour, dont le ronflement monotone s'entendait jusqu'au Lion d'Or . Un soir, en rentrant, LĂ©on trouva dans sa chambre un tapis de velours et de laine avec des feuillages sur fond pĂÂąle, il appela madame Homais, M. Homais, Justin, les enfants, la cuisiniĂšre, il en parla Ă son patron ; tout le monde dĂ©sira connaĂtre ce tapis ; pourquoi la femme du mĂ©decin faisait-elle au clerc des gĂ©nĂ©rositĂ©s ? Cela parut drĂÂŽle, et l'on pensa dĂ©finitivement qu'elle devait ĂÂȘtre sa bonne amie . Il le donnait Ă croire, tant il vous entretenait sans cesse de ses charmes et de son esprit, si bien que Binet lui rĂ©pondit une fois fort brutalement - Que m'importe, Ă moi, puisque je ne suis pas de sa sociĂ©tĂ© ! Il se torturait Ă dĂ©couvrir par quel moyen lui faire sa dĂ©claration ; et, toujours hĂ©sitant entre la crainte de lui dĂ©plaire et la honte d'ĂÂȘtre si pusillanime, il en pleurait de dĂ©couragement et de dĂ©sirs. Puis il prenait des dĂ©cisions Ă©nergiques ; il Ă©crivait des lettres qu'il dĂ©chirait, s'ajournait Ă des Ă©poques qu'il reculait. Souvent il se mettait en marche, dans le projet de tout oser ; mais cette rĂ©solution l'abandonnait bien vite en la prĂ©sence d'Emma, et, quand Charles, survenant, l'invitait Ă monter dans son boc pour aller voir ensemble quelque malade aux environs, il acceptait aussitĂÂŽt, saluait Madame et s'en allait. Son mari, n'Ă©tait-ce pas quelque chose d'elle ? Quant Ă Emma, elle ne s'interrogea point pour savoir si elle l'aimait. L'amour, croyait-elle, devait arriver tout Ă coup, avec de grands Ă©clats et des fulgurations, - ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontĂ©s comme des feuilles et emporte Ă l'abĂme le coeur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttiĂšres sont bouchĂ©es, et elle fĂ»t ainsi demeurĂ©e en sa sĂ©curitĂ©, lorsqu'elle dĂ©couvrit subitement une lĂ©zarde dans le mur. V. Ce fut un dimanche de fĂ©vrier, une aprĂšs-midi qu'il neigeait. Ils Ă©taient tous, M. et madame Bovary, Homais et M. LĂ©on, partis voir, Ă une demi-lieue d'Yonville, dans la vallĂ©e, une filature de lin que l'on Ă©tablissait. L'apothicaire avait amenĂ© avec lui NapolĂ©on et Athalie, pour leur faire faire de l'exercice, et Justin les accompagnait, portant des parapluies sur son Ă©paule. Rien pourtant n'Ă©tait moins curieux que cette curiositĂ©. Un grand espace de terrain vide, oĂÂč se trouvaient pĂÂȘle-mĂÂȘle, entre des tas de sable et de cailloux, quelques roues d'engrenage dĂ©jĂ rouillĂ©es, entourait un long bĂÂątiment quadrangulaire que perçaient quantitĂ© de petites fenĂÂȘtres. Il n'Ă©tait pas achevĂ© d'ĂÂȘtre bĂÂąti, et l'on voyait le ciel Ă travers les lambourdes de la toiture. AttachĂ© Ă la poutrelle du pignon, un bouquet de paille entremĂÂȘlĂ© d'Ă©pis faisait claquer au vent ses rubans tricolores. Homais parlait. Il expliquait Ă la compagnie l'importance future de cet Ă©tablissement, supputait la force des planchers, l'Ă©paisseur des murailles, et regrettait beaucoup de n'avoir pas de canne mĂ©trique, comme M. Binet en possĂ©dait une pour son usage particulier. Emma, qui lui donnait le bras, s'appuyait un peu sur son Ă©paule, et elle regardait le disque du soleil irradiant au loin, dans la brume, sa pĂÂąleur Ă©blouissante ; mais elle tourna la tĂÂȘte Charles Ă©tait lĂ . Il avait sa casquette enfoncĂ©e sur ses sourcils, et ses deux grosses lĂšvres tremblotaient, ce qui ajoutait Ă son visage quelque chose de stupide ; son dos mĂÂȘme, son dos tranquille Ă©tait irritant Ă voir, et elle y trouvait Ă©talĂ©e sur la redingote toute la platitude du personnage. Pendant qu'elle le considĂ©rait, goĂ»tant ainsi dans son irritation une sorte de voluptĂ© dĂ©pravĂ©e, LĂ©on s'avança d'un pas. Le froid qui le pĂÂąlissait semblait dĂ©poser sur sa figure une langueur plus douce ; entre sa cravate et son cou, le col de la chemise, un peu lĂÂąche, laissait voir la peau ; un bout d'oreille dĂ©passait sous une mĂšche de cheveux, et son grand oeil bleu, levĂ© vers les nuages, parut Ă Emma plus limpide et plus beau que ces lacs des montagnes oĂÂč le ciel se mire. - Malheureux ! s'Ă©cria tout Ă coup l'apothicaire. Et il courut Ă son fils, qui venait de se prĂ©cipiter dans un tas de chaux pour peindre ses souliers en blanc. Aux reproches dont on l'accablait, NapolĂ©on se prit Ă pousser des hurlements, tandis que Justin lui essuyait ses chaussures avec un torchis de paille. Mais il eĂ»t fallu un couteau ; Charles offrit le sien. - Ah ! se dit-elle, il porte un couteau dans sa poche, comme un paysan ! Le givre tombait, et l'on s'en retourna vers Yonville. Madame Bovary, le soir, n'alla pas chez ses voisins, et, quand Charles fut parti, lorsqu'elle se sentit seule, le parallĂšle recommença dans la nettetĂ© d'une sensation presque immĂ©diate et avec cet allongement de perspective que le souvenir donne aux objets. Regardant de son lit le feu clair qui brĂ»lait, elle voyait encore, comme lĂ -bas, LĂ©on debout, faisant plier d'une main sa badine et tenant de l'autre Athalie, qui suçait tranquillement un morceau de glace. Elle le trouvait charmant ; elle ne pouvait s'en dĂ©tacher ; elle se rappela ses autres attitudes en d'autres jours, des phrases qu'il avait dites, le son de sa voix, toute sa personne ; et elle rĂ©pĂ©tait, en avançant ses lĂšvres comme pour un baiser - Oui, charmant ! charmant !... N'aime-t-il pas ? se demanda-t-elle. Qui donc ?... mais c'est moi ! Toutes les preuves Ă la fois s'en Ă©talĂšrent, son coeur bondit. La flamme de la cheminĂ©e faisait trembler au plafond une clartĂ© joyeuse ; elle se tourna sur le dos en s'Ă©tirant les bras. Alors commença l'Ă©ternelle lamentation " Oh ! Si le ciel l'avait voulu ! Pourquoi n'est-ce pas ? Qui empĂÂȘchait donc ?... " Quand Charles, Ă minuit, rentra, elle eut l'air de s'Ă©veiller, et, comme il fit du bruit en se dĂ©shabillant, elle se plaignit de la migraine ; puis demanda nonchalamment ce qui s'Ă©tait passĂ© dans la soirĂ©e. - M. LĂ©on, dit-il, est remontĂ© de bonne heure. Elle ne put s'empĂÂȘcher de sourire, et elle s'endormit l'ĂÂąme remplie d'un enchantement nouveau. Le lendemain, Ă la nuit tombante, elle reçut la visite du sieur Lheureux, marchand de nouveautĂ©s. C'Ă©tait un homme habile que ce boutiquier. NĂ© Gascon, mais devenu Normand, il doublait sa faconde mĂ©ridionale de cautĂšle cauchoise. Sa figure grasse, molle et sans barbe, semblait teinte par une dĂ©coction de rĂ©glisse claire, et sa chevelure blanche rendait plus vif encore l'Ă©clat rude de ses petits yeux noirs. On ignorait ce qu'il avait Ă©tĂ© jadis porteballe, disaient les uns, banquier Ă Routot, selon les autres. Ce qu'il y a de sĂ»r, c'est qu'il faisait, de tĂÂȘte, des calculs compliquĂ©s, Ă effrayer Binet lui-mĂÂȘme. Poli jusqu'Ă l'obsĂ©quiositĂ©, il se tenait toujours les reins Ă demi courbĂ©s, dans la position de quelqu'un qui salue ou qui invite. AprĂšs avoir laissĂ© Ă la porte son chapeau garni d'un crĂÂȘpe, il posa sur la table un carton vert, et commença par se plaindre Ă Madame, avec force civilitĂ©s, d'ĂÂȘtre restĂ© jusqu'Ă ce jour sans obtenir sa confiance. Une pauvre boutique comme la sienne n'Ă©tait pas faite pour attirer une Ă©lĂ©gante ; il appuya sur le mot. Elle n'avait pourtant qu'Ă commander, et il se chargerait de lui fournir ce qu'elle voudrait, tant en mercerie que lingerie, bonneterie ou nouveautĂ©s ; car il allait Ă la ville quatre fois par mois, rĂ©guliĂšrement. Il Ă©tait en relation avec les plus fortes maisons. On pouvait parler de lui aux Trois FrĂšres , Ă la Barbe d'or ou au Grand Sauvage ; tous ces messieurs le connaissaient comme leur poche ! Aujourd'hui donc, il venait montrer Ă Madame, en passant, diffĂ©rents articles qu'il se trouvait avoir, grĂÂące Ă une occasion des plus rares. Et il retira de la boĂte une demi-douzaine de cols brodĂ©s. Madame Bovary les examina. - Je n'ai besoin de rien, dit-elle. Alors M. Lheureux exhiba dĂ©licatement trois Ă©charpes algĂ©riennes, plusieurs paquets d'aiguilles anglaises, une paire de pantoufles en paille, et, enfin, quatre coquetiers en coco, ciselĂ©s Ă jour par des forçats. Puis, les deux mains sur la table, le cou tendu, la taille penchĂ©e, il suivait, bouche bĂ©ante, le regard d'Emma, qui se promenait indĂ©cis parmi ces marchandises. De temps Ă autre, comme pour en chasser la poussiĂšre, il donnait un coup d'ongle sur la soie des Ă©charpes dĂ©pliĂ©es dans toute leur longueur ; et elles frĂ©missaient avec un bruit lĂ©ger, en faisant, Ă la lumiĂšre verdĂÂątre du crĂ©puscule, scintiller, comme de petites Ă©toiles, les paillettes d'or de leur tissu. - Combien coĂ»tent-elles ? - Une misĂšre, rĂ©pondit-il, une misĂšre ; mais rien ne presse ; quand vous voudrez ; nous ne sommes pas des Juifs ! Elle rĂ©flĂ©chit quelques instants, et finit encore par remercier M. Lheureux, qui rĂ©pliqua sans s'Ă©mouvoir - Eh bien, nous nous entendrons plus tard ; avec les dames je me suis toujours arrangĂ©, si ce n'est avec la mienne, cependant ! Emma sourit. - C'Ă©tait pour vous dire, reprit-il d'un air bonhomme aprĂšs sa plaisanterie, que ce n'est pas l'argent qui m'inquiĂšte... Je vous en donnerais, s'il le fallait. Elle eut un geste de surprise. - Ah ! fit-il vivement et Ă voix basse, je n'aurais pas besoin d'aller loin pour vous en trouver ; comptez-y ! Et il se mit Ă demander des nouvelles du pĂšre Tellier, le maĂtre du CafĂ© Français , que M. Bovary soignait alors. - Qu'est-ce qu'il a donc, le pĂšre Tellier ?... Il tousse qu'il en secoue toute sa maison, et j'ai bien peur que prochainement il ne lui faille plutĂÂŽt un paletot de sapin qu'une camisole de flanelle ! Il a fait tant de bamboches quand il Ă©tait jeune ! Ces gens-lĂ , madame, n'avaient pas le moindre ordre ! Il s'est calcinĂ© avec l'eau-de-vie ! Mais c'est fĂÂącheux tout de mĂÂȘme de voir une connaissance s'en aller. Et, tandis qu'il rebouclait son carton, il discourait ainsi sur la clientĂšle du mĂ©decin. - C'est le temps, sans doute, dit-il en regardant les carreaux avec une figure rechignĂ©e, qui est la cause de ces maladies-lĂ ! Moi aussi, je ne me sens pas en mon assiette ; il faudra mĂÂȘme un de ces jours que je vienne consulter Monsieur, pour une douleur que j'ai dans le dos. Enfin, au revoir, madame Bovary ; Ă votre disposition ; serviteur trĂšs humble ! Et il referma la porte doucement. Emma se fit servir Ă dĂner dans sa chambre, au coin du feu, sur un plateau ; elle fut longue Ă manger ; tout lui sembla bon. - Comme j'ai Ă©tĂ© sage ! se disait-elle en songeant aux Ă©charpes. Elle entendit des pas dans l'escalier c'Ă©tait LĂ©on. Elle se leva, et prit sur la commode, parmi des torchons Ă ourler, le premier de la pile. Elle semblait fort occupĂ©e quand il parut. La conversation fut languissante, madame Bovary l'abandonnant Ă chaque minute, tandis qu'il demeurait lui-mĂÂȘme comme tout embarrassĂ©. Assis sur une chaise basse, prĂšs de la cheminĂ©e, il faisait tourner dans ses doigts l'Ă©tui d'ivoire ; elle poussait son aiguille, ou, de temps Ă autre, avec son ongle, fronçait les plis de la toile. Elle ne parlait pas ; il se taisait, captivĂ© par son silence, comme il l'eĂ»t Ă©tĂ© par ses paroles. - Pauvre garçon pensait-elle - En quoi lui dĂ©plais-je ? se demandait-il. LĂ©on, cependant, finit par dire qu'il devait, un de ces jours, aller Ă Rouen, pour une affaire de son Ă©tude. - Votre abonnement de musique est terminĂ©, dois-je le reprendre ? - Non, rĂ©pondit-elle. - Pourquoi ? - Parce que... Et, pinçant ses lĂšvres, elle tira lentement une longue aiguillĂ©e de fil gris. Cet ouvrage irritait LĂ©on. Les doigts d'Emma semblaient s'y Ă©corcher par le bout ; il lui vint en tĂÂȘte une phrase galante, mais qu'il ne risqua pas. - Vous l'abandonnez donc ? reprit-il. - Quoi ? dit-elle vivement ; la musique ? Ah ! Mon Dieu, oui ! n'ai-je pas ma maison Ă tenir, mon mari Ă soigner, mille choses enfin, bien des devoirs qui passent auparavant ! Elle regarda la pendule. Charles Ă©tait en retard. Alors elle fit la soucieuse. Deux ou trois fois mĂÂȘme elle rĂ©pĂ©ta - Il est si bon ! Le clerc affectionnait M. Bovary. Mais cette tendresse Ă son endroit l'Ă©tonna d'une façon dĂ©sagrĂ©able ; nĂ©anmoins il continua son Ă©loge, qu'il entendait faire Ă chacun, disait-il, et surtout au pharmacien. - Ah ! c'est un brave homme, reprit Emma. - Certes, reprit le clerc. Et il se mit Ă parler de madame Homais, dont la tenue fort nĂ©gligĂ©e leur prĂÂȘtait Ă rire ordinairement. - Qu'est-ce que cela fait ? interrompit Emma. Une bonne mĂšre de famille ne s'inquiĂšte pas de sa toilette. Puis elle retomba dans son silence. Il en fut de mĂÂȘme les jours suivants ; ses discours, ses maniĂšres, tout changea. On la vit prendre Ă coeur son mĂ©nage, retourner Ă l'Ă©glise rĂ©guliĂšrement et tenir sa servante avec plus de sĂ©vĂ©ritĂ©. Elle retira Berthe de nourrice. FĂ©licitĂ© l'amenait quand il venait des visites, et madame Bovary la dĂ©shabillait afin de faire voir ses membres. Elle dĂ©clarait adorer les enfants ; c'Ă©tait sa consolation, sa joie, sa folie, et elle accompagnait ses caresses d'expansions lyriques, qui, Ă d'autres qu'Ă des Yonvillais, eussent rappelĂ© la Sachette de Notre-Dame de Paris . Quand Charles rentrait, il trouvait auprĂšs des cendres ses pantoufles Ă chauffer. Ses gilets maintenant ne manquaient plus de doublure, ni ses chemises de boutons, et mĂÂȘme il y avait plaisir Ă considĂ©rer dans l'armoire tous les bonnets de coton rangĂ©s par piles Ă©gales. Elle ne rechignait plus, comme autrefois, Ă faire des tours dans le jardin ; ce qu'il proposait Ă©tait toujours consenti, bien qu'elle ne devinĂÂąt pas les volontĂ©s auxquelles elle se soumettait sans un murmure ; - et lorsque LĂ©on le voyait au coin du feu, aprĂšs le dĂner, les deux mains sur son ventre, les deux pieds sur les chenets, la joue rougie par la digestion, les yeux humides de bonheur, avec l'enfant qui se traĂnait sur le tapis, et cette femme Ă taille mince qui par-dessus le dossier du fauteuil venait le baiser au front - Quelle folie se disait-il, et comment arriver jusqu'Ă elle ? Elle lui parut donc si vertueuse et inaccessible, que toute espĂ©rance, mĂÂȘme la plus vague, l'abandonna. Mais, par ce renoncement, il la plaçait en des conditions extraordinaires. Elle se dĂ©gagea, pour lui, des qualitĂ©s charnelles dont il n'avait rien Ă obtenir ; et elle alla, dans son coeur, montant toujours et s'en dĂ©tachant, Ă la maniĂšre magnifique d'une apothĂ©ose qui s'envole. C'Ă©tait un de ces sentiments purs qui n'embarrassent pas l'exercice de la vie, que l'on cultive parce qu'ils sont rares, et dont la perte affligerait plus que la possession n'est rĂ©jouissante. Emma maigrit, ses joues pĂÂąlirent, sa figure s'allongea. Avec ses bandeaux noirs, ses grands yeux, son nez droit, sa dĂ©marche d'oiseau, et toujours silencieuse, maintenant, ne semblait-elle pas traverser l'existence en y touchant Ă peine, et porter au front la vague empreinte de quelque prĂ©destination sublime ? Elle Ă©tait si triste et si calme, si douce Ă la fois et si rĂ©servĂ©e, que l'on se sentait prĂšs d'elle pris par un charme glacial, comme l'on frissonne dans les Ă©glises sous le parfum des fleurs mĂÂȘlĂ© au froid des marbres. Les autres mĂÂȘme n'Ă©chappaient point Ă cette sĂ©duction. Le pharmacien disait - C'est une femme de grands moyens et qui ne serait pas dĂ©placĂ©e dans une sous-prĂ©fecture. Les bourgeoises admiraient son Ă©conomie, les clients sa politesse, les pauvres sa charitĂ©. Mais elle Ă©tait pleine de convoitises, de rage, de haine. Cette robe aux plis droits cachait un coeur bouleversĂ©, et ces lĂšvres si pudiques n'en racontaient pas la tourmente. Elle Ă©tait amoureuse de LĂ©on, et elle recherchait la solitude, afin de pouvoir plus Ă l'aise se dĂ©lecter en son image. La vue de sa personne troublait la voluptĂ© de cette mĂ©ditation. Emma palpitait au bruit de ses pas ; puis, en sa prĂ©sence, l'Ă©motion tombait, et il ne lui restait ensuite qu'un immense Ă©tonnement qui se finissait en tristesse. LĂ©on ne savait pas, lorsqu'il sortait de chez elle dĂ©sespĂ©rĂ©, qu'elle se levait derriĂšre lui afin de le voir dans la rue. Elle s'inquiĂ©tait de ses dĂ©marches ; elle Ă©piait son visage ; elle inventa toute une histoire pour trouver prĂ©texte Ă visiter sa chambre. La femme du pharmacien lui semblait bien heureuse de dormir sous le mĂÂȘme toit ; et ses pensĂ©es continuellement s'abattaient sur cette maison, comme les pigeons du Lion d'Or qui venaient tremper lĂ , dans les gouttiĂšres, leurs pattes roses et leurs ailes blanches. Mais plus Emma s'apercevait de son amour, plus elle le refoulait, afin qu'il ne parĂ»t pas, et pour le diminuer. Elle aurait voulu que LĂ©on s'en doutĂÂąt ; et elle imaginait des hasards, des catastrophes qui l'eussent facilitĂ©. Ce qui la retenait, sans doute, c'Ă©tait la paresse ou l'Ă©pouvante, et la pudeur aussi. Elle songeait qu'elle l'avait repoussĂ© trop loin, qu'il n'Ă©tait plus temps, que tout Ă©tait perdu. Puis l'orgueil, la joie de se dire " Je suis vertueuse ", et de se regarder dans la glace en prenant des poses rĂ©signĂ©es, la consolait un peu du sacrifice qu'elle croyait faire. Alors, les appĂ©tits de la chair, les convoitises d'argent et les mĂ©lancolies de la passion, tout se confondit dans une mĂÂȘme souffrance ; - et, au lieu d'en dĂ©tourner sa pensĂ©e, elle l'y attachait davantage, s'excitant Ă la douleur et en cherchant partout les occasions. Elle s'irritait d'un plat mal servi ou d'une porte entrebĂÂąillĂ©e, gĂ©missait du velours qu'elle n'avait pas, du bonheur qui lui manquait, de ses rĂÂȘves trop hauts, de sa maison trop Ă©troite. Ce qui l'exaspĂ©rait, c'est que Charles n'avait pas l'air de se douter de son supplice. La conviction oĂÂč il Ă©tait de la rendre heureuse lui semblait une insulte imbĂ©cile, et sa sĂ©curitĂ© lĂ -dessus de l'ingratitude. Pour qui donc Ă©tait-elle sage ? N'Ă©tait-il pas, lui, l'obstacle Ă toute fĂ©licitĂ©, la cause de toute misĂšre, et comme l'ardillon pointu de cette courroie complexe qui la bouclait de tous cĂÂŽtĂ©s ? Donc, elle reporta sur lui seul la haine nombreuse qui rĂ©sultait de ses ennuis, et chaque effort pour l'amoindrir ne servait qu'Ă l'augmenter ; car cette peine inutile s'ajoutait aux autres motifs de dĂ©sespoir et contribuait encore plus Ă l'Ă©cartement. Sa propre douceur Ă elle-mĂÂȘme lui donnait des rĂ©bellions. La mĂ©diocritĂ© domestique la poussait Ă des fantaisies luxueuses, la tendresse matrimoniale en des dĂ©sirs adultĂšres. Elle aurait voulu que Charles la battĂt, pour pouvoir plus justement le dĂ©tester, s'en venger. Elle s'Ă©tonnait parfois des conjectures atroces qui lui arrivaient Ă la pensĂ©e ; et il fallait continuer Ă sourire, s'entendre rĂ©pĂ©ter qu'elle Ă©tait heureuse, faire semblant de l'ĂÂȘtre, le laisser croire ! Elle avait des dĂ©goĂ»ts, cependant, de cette hypocrisie. Des tentations la prenaient de s'enfuir avec LĂ©on, quelque part, bien loin, pour essayer une destinĂ©e nouvelle ; mais aussitĂÂŽt il s'ouvrait dans son ĂÂąme un gouffre vague, plein d'obscuritĂ©. - D'ailleurs, il ne m'aime plus, pensait-elle ; que devenir ? quel secours attendre, quelle consolation, quel allĂ©gement ? Elle restait brisĂ©e, haletante, inerte, sanglotant Ă voix basse et avec des larmes qui coulaient. - Pourquoi ne point le dire Ă Monsieur ? lui demandait la domestique, lorsqu'elle entrait pendant ces crises. - Ce sont les nerfs, rĂ©pondait Emma ; ne lui en parle pas, tu l'affligerais. - Ah ! oui, reprenait FĂ©licitĂ©, vous ĂÂȘtes justement comme la GuĂ©rine, la fille au pĂšre GuĂ©rin, le pĂÂȘcheur du Pollet, que j'ai connue Ă Dieppe, avant de venir chez vous. Elle Ă©tait si triste, si triste, qu'Ă la voir debout sur le seuil de sa maison, elle vous faisait l'effet d'un drap d'enterrement tendu devant la porte. Son mal, Ă ce qu'il paraĂt, Ă©tait une maniĂšre de brouillard qu'elle avait dans la tĂÂȘte, et les mĂ©decins n'y pouvaient rien, ni le curĂ© non plus. Quand ça la prenait trop fort, elle s'en allait toute seule sur le bord de la mer, si bien que le lieutenant de la douane, en faisant sa tournĂ©e, souvent la trouvait Ă©tendue Ă plat ventre et pleurant sur les galets. Puis, aprĂšs son mariage, ça lui a passĂ©, dit-on. - Mais, moi, reprenait Emma, c'est aprĂšs le mariage que ça m'est venu. VI. Un soir que la fenĂÂȘtre Ă©tait ouverte, et que, assise au bord, elle venait de regarder Lestiboudois, le bedeau, qui taillait le buis, elle entendit tout Ă coup sonner l'Angelus . On Ă©tait au commencement d'avril, quand les primevĂšres sont Ă©closes ; un vent tiĂšde se roule sur les plates-bandes labourĂ©es, et les jardins, comme des femmes, semblent faire leur toilette pour les fĂÂȘtes de l'Ă©tĂ©. Par les barreaux de la tonnelle et au-delĂ tout alentour, on voyait la riviĂšre dans la prairie, oĂÂč elle dessinait sur l'herbe des sinuositĂ©s vagabondes. La vapeur du soir passait entre les peupliers sans feuilles, estompant leurs contours d'une teinte violette, plus pĂÂąle et plus transparente qu'une gaze subtile arrĂÂȘtĂ©e sur leurs branchages. Au loin, des bestiaux marchaient ; on n'entendait ni leurs pas, ni leurs mugissements ; et la cloche, sonnant toujours, continuait dans les airs sa lamentation pacifique. A ce tintement rĂ©pĂ©tĂ©, la pensĂ©e de la jeune femme s'Ă©garait dans ses vieux souvenirs de jeunesse et de pension. Elle se rappela les grands chandeliers, qui dĂ©passaient sur l'autel les vases pleins de fleurs et le tabernacle Ă colonnettes. Elle aurait voulu comme autrefois, ĂÂȘtre encore confondue dans la longue ligne des voiles blancs, que marquaient de noir çà et lĂ les capuchons raides des bonnes soeurs inclinĂ©es sur leur prie-Dieu ; le dimanche, Ă la messe, quand elle relevait sa tĂÂȘte, elle apercevait le doux visage de la Vierge parmi les tourbillons bleuĂÂątres de l'encens qui montait. Alors un attendrissement la saisit ; elle se sentit molle et tout abandonnĂ©e, comme un duvet d'oiseau qui tournoie dans la tempĂÂȘte ; et ce fut sans en avoir conscience qu'elle s'achemina vers l'Ă©glise, disposĂ©e Ă n'importe qu'elle dĂ©votion, pourvu qu'elle y absorbĂÂąt son ĂÂąme et que l'existence entiĂšre y disparĂ»t. Elle rencontra, sur la place, Lestiboudois, qui s'en revenait ; car, pour ne pas rogner la journĂ©e, il prĂ©fĂ©rait interrompre sa besogne puis la reprendre, si bien qu'il tintait l'Angelus selon sa commoditĂ©. D'ailleurs, la sonnerie, faite plus tĂÂŽt, avertissait les gamins de l'heure du catĂ©chisme. DĂ©jĂ quelques-uns, qui se trouvaient arrivĂ©s, jouaient aux billes sur les dalles du cimetiĂšre. D'autres, Ă califourchon sur le mur, agitaient leurs jambes, en fauchant avec leurs sabots les grandes orties poussĂ©es entre la petite enceinte et les derniĂšres tombes. C'Ă©tait la seule place qui fĂ»t verte ; tout le reste n'Ă©tait que pierres, et couvert continuellement d'une poudre fine, malgrĂ© le balai de la sacristie. Les enfants en chaussons couraient lĂ comme sur un parquet fait pour eux, et on entendait les Ă©clats de leurs voix Ă travers le bourdonnement de la cloche. Il diminuait avec les oscillations de la grosse corde qui, tombant des hauteurs du clocher, traĂnait Ă terre par le bout. Des hirondelles passaient en poussant de petits cris, coupaient l'air au tranchant de leur vol, et rentraient vite dans leurs nids jaunes, sous les tuiles du larmier. Au fond de l'Ă©glise, une lampe brĂ»lait, c'est-Ă -dire une mĂšche de veilleuse dans un verre suspendu. Sa lumiĂšre, de loin, semblait une tache blanchĂÂątre qui tremblait sur l'huile. Un long rayon de soleil traversait toute la nef et rendait plus sombres encore les bas-cĂÂŽtĂ©s et les angles. - OĂÂč est le curĂ© ? demanda madame Bovary Ă un jeune garçon qui s'amusait Ă secouer le tourniquet dans son trou trop lĂÂąche. - Il va venir, rĂ©pondit-il. En effet, la porte du presbytĂšre grinça, l'abbĂ© Bournisien parut ; les enfants, pĂÂȘle-mĂÂȘle, s'enfuirent dans l'Ă©glise. - Ces polissons-lĂ ! murmura l'ecclĂ©siastique, toujours les mĂÂȘmes ! Et, ramassant un catĂ©chisme en lambeaux qu'il venait de heurter avec son pied ! - ĂâĄa ne respecte rien ! Mais, dĂšs qu'il aperçut madame Bovary - Excusez-moi, dit-il, je ne vous remettais pas. Il fourra le catĂ©chisme dans sa poche et s'arrĂÂȘta, continuant Ă balancer entre deux doigts la lourde clef de la sacristie. La lueur du soleil couchant qui frappait en plein son visage pĂÂąlissait le lasting de sa soutane, luisante sous les coudes, effiloquĂ©e par le bas. Des taches de graisse et de tabac suivaient sur sa poitrine large la ligne des petits boutons, et elles devenaient plus nombreuses en s'Ă©cartant de son rabat, oĂÂč reposaient les plis abondants de sa peau rouge ; elle Ă©tait semĂ©e de macules jaunes qui disparaissaient dans les poils rudes de sa barbe grisonnante. Il venait de dĂner et respirait bruyamment. - Comment vous portez-vous ? ajouta-t-il. - Mal, rĂ©pondit Emma ; je souffre. - Eh bien, moi aussi, reprit l'ecclĂ©siastique. Ces premiĂšres chaleurs, n'est-ce pas, vous amollissent Ă©tonnamment ? Enfin, que voulez-vous ! nous sommes nĂ©s pour souffrir, comme dit saint Paul. Mais, M. Bovary, qu'est-ce qu'il en pense ? - Lui ! fit-elle avec un geste de dĂ©dain. - Quoi ! rĂ©pliqua le bonhomme tout Ă©tonnĂ©, il ne vous ordonne pas quelque chose ? - Ah ! dit Emma, ce ne sont pas les remĂšdes de la terre qu'il me faudrait. Mais le curĂ©, de temps Ă autre, regardait dans l'Ă©glise, oĂÂč tous les gamins agenouillĂ©s se poussaient de l'Ă©paule, et tombaient comme des capucins de cartes. - Je voudrais savoir..., reprit-elle. - Attends, attends, Riboudet, cria l'ecclĂ©siastique d'une voix colĂšre, je m'en vas aller te chauffer les oreilles, mauvais galopin ! Puis, se tournant vers Emma - C'est le fils de Boudet le charpentier ; ses parents sont Ă leur aise et lui laissent faire ses fantaisies. Pourtant il apprendrait vite, s'il le voulait, car il est plein d'esprit. Et moi quelquefois, par plaisanterie, je l'appelle donc Riboudet comme la cĂÂŽte que l'on prend pour aller Ă Maromme , et je dis mĂÂȘme mon Riboudet. Ah ! ah ! Mont-Riboudet ! L'autre jour, j'ai rapportĂ© ce mot-lĂ Ă Monseigneur, qui en a ri... il a daignĂ© en rire. - Et M. Bovary, comment va-t-il ? Elle semblait ne pas entendre. Il continua - Toujours fort occupĂ©, sans doute ? car nous sommes certainement, lui et moi, les deux personnes de la paroisse qui avons le plus Ă faire. Mais lui, il est le mĂ©decin des corps, ajouta-t-il avec un rire Ă©pais, et moi, je le suis des ĂÂąmes ! Elle fixa sur le prĂÂȘtre des yeux suppliants. - Oui..., dit-elle, vous soulagez toutes les misĂšres. - Ah ! ne m'en parlez pas, madame Bovary ! Ce matin mĂÂȘme, il a fallu que j'aille dans le Bas-Diauville pour une vache qui avait l'enfle ; ils croyaient que c'Ă©tait un sort. Toutes leurs vaches, je ne sais comment... Mais, pardon ! Longuemarre et Boudet ! Sac Ă papier ! voulez-vous bien finir ! Et, d'un bond, il s'Ă©lança dans l'Ă©glise. Les gamins, alors, se pressaient autour du grand pupitre, grimpaient sur le tabouret du chantre, ouvraient le missel ; et d'autres, Ă pas de loup, allaient se hasarder bientĂÂŽt jusque dans le confessionnal. Mais le curĂ©, soudain, distribua sur tous une grĂÂȘle de soufflets. Les prenant par le collet de la veste, il les enlevait de terre et les reposait Ă deux genoux sur les pavĂ©s du choeur, fortement, comme s'il eĂ»t voulu les y planter. - Allez, dit-il quand il fut revenu prĂšs d'Emma, et en dĂ©ployant son large mouchoir d'indienne, dont il mit un angle entre ses dents, les cultivateurs sont bien Ă plaindre ! - Il y en a d'autres, rĂ©pondit-elle. - AssurĂ©ment ! les ouvriers des villes, par exemple. - Ce ne sont pas eux... - Pardonnez-moi ! j'ai connu lĂ de pauvres mĂšres de famille, des femmes vertueuses, je vous assure, de vĂ©ritables saintes, qui manquaient mĂÂȘme de pain. - Mais celles, reprit Emma et les coins de sa bouche se tordaient en parlant , celles, monsieur le curĂ©, qui ont du pain, et qui n'ont pas... - De feu l'hiver, dit le prĂÂȘtre. - Eh ! qu'importe ? - Comment ! qu'importe ? Il me semble, Ă moi, que lorsqu'on est bien chauffĂ©, bien nourri..., car enfin... - Mon Dieu ! mon Dieu ! soupirait-elle. - Vous vous trouvez gĂÂȘnĂ©e ? fit-il, en s'avançant d'un air inquiet ; c'est la digestion, sans doute ? Il faut rentrer chez vous, madame Bovary, boire un peu de thĂ© ; ça vous fortifiera, ou bien un verre d'eau fraĂche avec de la cassonade. - Pourquoi ? Et elle avait l'air de quelqu'un qui se rĂ©veille d'un songe. - C'est que vous passiez la main sur votre front. J'ai cru qu'un Ă©tourdissement vous prenait. Puis, se ravisant - Mais vous me demandiez quelque chose ? Qu'est-ce donc ? Je ne sais plus. - Moi ? Rien..., rien,. ., rĂ©pĂ©tait Emma. Et son regard, qu'elle promenait autour d'elle, s'abaissa lentement sur le vieillard Ă soutane. Ils se considĂ©raient tous les deux, face Ă face, sans parler. - Alors, madame Bovary, dit-il enfin, faites excuse, mais le devoir avant tout, vous savez ; il faut que j'expĂ©die mes garnements. VoilĂ les premiĂšres communions qui vont venir. Nous serons encore surpris, j'en ai peur ! Aussi, Ă partir de l'Ascension, je les tiens recta tous les mercredis une heure de plus. Ces pauvres enfants ! on ne saurait les diriger trop tĂÂŽt dans la voie du Seigneur, comme, du reste, il nous l'a recommandĂ© lui-mĂÂȘme par la bouche de son divin Fils... Bonne santĂ©, madame ; mes respects Ă monsieur votre mari ! Et il entra dans l'Ă©glise, en faisant dĂšs la porte une gĂ©nuflexion. Emma le vit qui disparaissait entre la double ligne des bancs, marchant Ă pas lourds, la tĂÂȘte un peu penchĂ©e sur l'Ă©paule, et avec ses deux mains entrouvertes, qu'il portait en dehors. Puis elle tourna sur ses talons, tout d'un bloc comme une statue sur un pivot, et prit le chemin de sa maison. Mais la grosse voix du curĂ©, la voix claire des gamins arrivaient encore Ă son oreille et continuaient derriĂšre elle - Etes-vous chrĂ©tien ? - Oui, je suis chrĂ©tien. - Qu'est-ce qu'un chrĂ©tien ? - C'est celui qui, Ă©tant baptisĂ©..., baptisĂ©..., baptisĂ©. Elle monta les marches de son escalier en se tenant Ă la rampe, et, quand elle fut dans sa chambre, se laissa tomber dans un fauteuil. Le jour blanchĂÂątre des carreaux s'abaissait doucement avec des ondulations. Les meubles Ă leur place semblaient devenus plus immobiles et se perdre dans l'ombre comme dans un ocĂ©an tĂ©nĂ©breux. La cheminĂ©e Ă©tait Ă©teinte, la pendule battait toujours, et Emma vaguement s'Ă©bahissait Ă ce calme des choses, tandis qu'il y avait en elle-mĂÂȘme tant de bouleversements. Mais, entre la fenĂÂȘtre et la table Ă ouvrage, la petite Berthe Ă©tait lĂ , qui chancelait sur ses bottines de tricot, et essayait de se rapprocher de sa mĂšre, pour lui saisir, par le bout, les rubans de son tablier. - Laisse-moi ! dit celle-ci en l'Ă©cartant avec la main. La petite fille bientĂÂŽt revint plus prĂšs encore contre ses genoux ; et, s'y appuyant des bras, elle levait vers elle son gros oeil bleu, pendant qu'un filet de salive pure dĂ©coulait de sa lĂšvre sur la soie du tablier. - Laisse-moi ! rĂ©pĂ©ta la jeune femme tout irritĂ©e. Sa figure Ă©pouvanta l'enfant, qui se mit Ă crier. - Eh ! laisse-moi donc ! fit-elle en la repoussant du coude. Berthe alla tomber au pied de la commode, contre la patĂšre de cuivre ; elle s'y coupa la joue, le sang sortit. Madame Bovary se prĂ©cipita pour la relever, cassa le cordon de la sonnette, appela la servante de toutes ses forces, et elle allait commencer Ă se maudire, lorsque Charles parut. C'Ă©tait l'heure du dĂner, il rentrait. - Regarde donc, cher ami, lui dit Emma d'une voix tranquille voilĂ la petite qui, en jouant, vient de se blesser par terre. Charles la rassura, le cas n'Ă©tait point grave, et il alla chercher du diachylum. Madame Bovary ne descendit pas dans la salle ; elle voulut demeurer seule Ă garder son enfant. Alors, en la contemplant dormir, ce qu'elle conservait d'inquiĂ©tude se dissipa par degrĂ©s, et elle se parut Ă elle-mĂÂȘme bien sotte et bien bonne de s'ĂÂȘtre troublĂ©e tout Ă l'heure pour si peu de chose. Berthe, en effet, ne sanglotait plus. Sa respiration, maintenant, soulevait insensiblement la couverture de coton. De grosses larmes s'arrĂÂȘtaient au coin de ses paupiĂšres Ă demi closes, qui laissaient voir entre les cils deux prunelles pĂÂąles, enfoncĂ©es ; le sparadrap, collĂ© sur sa joue, en tirait obliquement la peau tendue. - C'est une chose Ă©trange, pensait Emma, comme cette enfant est laide ! Quand Charles, Ă onze heures du soir, revint de la pharmacie oĂÂč il avait Ă©tĂ© remettre, aprĂšs le dĂner, ce qui lui restait du diachylum , il trouva sa femme debout auprĂšs du berceau. - Puisque je t'assure que ce ne sera rien, dit-il en la baisant au front ; ne te tourmente pas, pauvre chĂ©rie, tu te rendras malade ! Il Ă©tait restĂ© longtemps chez l'apothicaire. Bien qu'il ne s'y fĂ»t pas montrĂ© fort Ă©mu, M. Homais, nĂ©anmoins, s'Ă©tait efforcĂ© de le raffermir, de lui remonter le moral . Alors on avait causĂ© des dangers divers qui menaçaient l'enfance et de l'Ă©tourderie des domestiques. Madame Homais en savait quelque chose, ayant encore sur la poitrine les marques d'une Ă©cuellĂ©e de braise qu'une cuisiniĂšre, autrefois, avait laissĂ© tomber dans son sarrau. Aussi ces bons parents prenaient-ils quantitĂ© de prĂ©cautions. Les couteaux jamais n'Ă©taient affilĂ©s, ni les appartements cirĂ©s. Il y avait aux fenĂÂȘtres des grilles en fer et aux chambranles de fortes barres. Les petits Homais, malgrĂ© leur indĂ©pendance, ne pouvaient remuer sans un surveillant derriĂšre eux ; au moindre rhume, leur pĂšre les bourrait de pectoraux, et jusqu'Ă plus de quatre ans ils portaient tous, impitoyablement, des bourrelets matelassĂ©s. C'Ă©tait, il est vrai, une manie de madame Homais ; son Ă©poux en Ă©tait intĂ©rieurement affligĂ©, redoutant pour les organes de l'intellect les rĂ©sultats possibles d'une pareille compression, et il s'Ă©chappait jusqu'Ă lui dire - Tu prĂ©tends donc en faire des CaraĂÂŻbes ou des Botocudos ? Charles, cependant, avait essayĂ© plusieurs fois d'interrompre la conversation. - J'aurais Ă vous entretenir, avait-il soufflĂ© bas Ă l'oreille du clerc, qui se mit Ă marcher devant lui dans l'escalier. - Se douterait-il de quelque chose ? se demandait LĂ©on. Il avait des battements de coeur et se perdait en conjectures. Enfin Charles, ayant fermĂ© la porte, le pria de voir lui-mĂÂȘme Ă Rouen quels pouvaient ĂÂȘtre les prix d'un beau daguerrĂ©otype ; c'Ă©tait une surprise sentimentale qu'il rĂ©servait Ă sa femme, une attention fine, son portrait en habit noir. Mais il voulait auparavant savoir Ă quoi s'en tenir ; ces dĂ©marches ne devaient pas embarrasser M. LĂ©on, puisqu'il allait Ă la ville toutes les semaines, Ă peu prĂ©s. Dans quel but ? Homais soupçonnait lĂ -dessous quelque histoire de jeune homme , une intrigue. Mais il se trompait ; LĂ©on ne poursuivait aucune amourette. Plus que jamais il Ă©tait triste, et madame Lefrançois s'en apercevait bien Ă la quantitĂ© de nourriture qu'il laissait maintenant sur son assiette. Pour en savoir plus long, elle interrogea le percepteur ; Binet rĂ©pliqua, d'un ton rogue, qu'il n'Ă©tait point payĂ© par la police . Son camarade, toutefois, lui paraissait fort singulier ; car souvent LĂ©on se renversait sur sa chaise en Ă©cartant les bras, et se plaignait vaguement de l'existence. - C'est que vous ne prenez point assez de distraction, disait le percepteur. - Lesquelles ? - Moi, Ă votre place, j'aurais un tour ! - Mais je ne sais pas tourner, rĂ©pondait le clerc. - Oh ! c'est vrai ! faisait l'autre en caressant sa mĂÂąchoire, avec un air de dĂ©dain mĂÂȘlĂ© de satisfaction. LĂ©on Ă©tait las d'aimer sans rĂ©sultat ; puis il commençait Ă sentir cet accablement que vous cause la rĂ©pĂ©tition de la mĂÂȘme vie, lorsque aucun intĂ©rĂÂȘt ne la dirige et qu'aucune espĂ©rance ne la soutient. Il Ă©tait si ennuyĂ© d'Yonville et des Yonvillais, que la vue de certaines gens, de certaines maisons l'irritait Ă n'y pouvoir tenir ; et le pharmacien, tout bonhomme qu'il Ă©tait, lui devenait complĂštement insupportable. Cependant, la perspective d'une situation nouvelle l'effrayait autant qu'elle le sĂ©duisait. Cette apprĂ©hension se tourna vite en impatience, et Paris alors agita pour lui, dans le lointain, la fanfare de ses bals masquĂ©s avec le rire de ses grisettes. Puisqu'il devait y terminer son droit, pourquoi ne partait-il pas ? qui l'empĂÂȘchait ? Et il se mit Ă faire des prĂ©paratifs intĂ©rieurs il arrangea d'avance ses occupations. Il se meubla, dans sa tĂÂȘte, un appartement. Il y mĂšnerait une vie d'artiste ! Il y prendrait des leçons de guitare ! Il aurait une robe de chambre, un bĂ©ret basque, des pantoufles de velours bleu ! Et mĂÂȘme il admirait dĂ©jĂ sur sa cheminĂ©e deux fleurets en sautoir, avec une tĂÂȘte de mort et la guitare au-dessus. La chose difficile Ă©tait le consentement de sa mĂšre ; rien pourtant ne paraissait plus raisonnable. Son patron mĂÂȘme l'engageait Ă visiter une autre Ă©tude, oĂÂč il pĂ»t se dĂ©velopper davantage. Prenant donc un parti moyen, LĂ©on chercha quelque place de second clerc Ă Rouen, n'en trouva pas, et Ă©crivit enfin Ă sa mĂšre une longue lettre dĂ©taillĂ©e, oĂÂč il exposait les raisons d'aller habiter Paris immĂ©diatement. Elle y consentit. Il ne se hĂÂąta point. Chaque jour, durant tout un mois Hivert transporta pour lui d'Yonville Ă Rouen, de Rouen Ă Yonville, des coffres, des valises, des paquets ; et, quand LĂ©on eut remontĂ© sa garde-robe, fait rembourrer ses trois fauteuils, achetĂ© une provision de foulards, pris en un mot plus de dispositions que pour un voyage autour du monde, il s'ajourna de semaine en semaine, jusqu'Ă ce qu'il reçût une seconde lettre maternelle oĂÂč on le pressait de partir, puisqu'il dĂ©sirait, avant les vacances passer son examen. Lorsque le moment fut venu des embrassades, madame Homais pleura ; Justin sanglotait ; Homais, en homme fort, dissimula son Ă©motion ; il voulut lui-mĂÂȘme porter le paletot de son ami jusqu'Ă la grille du notaire, qui emmenait LĂ©on Ă Rouen dans sa voiture. Ce dernier avait juste le temps de faire ses adieux Ă M. Bovary. Quand il fut au haut de l'escalier, il s'arrĂÂȘta, tant il se sentait hors d'haleine. A son entrĂ©e, madame Bovary se leva vivement. - C'est encore moi ! dit LĂ©on. - J'en Ă©tais sĂ»re ! Elle se mordit les lĂšvres, et un flot de sang lui courut sous la peau, qui se colora tout en rose, depuis la racine des cheveux jusqu'au bord de sa collerette. Elle restait debout, s'appuyant de l'Ă©paule contre la boiserie. - Monsieur n'est donc pas lĂ ? reprit-il. - Il est absent. Elle rĂ©pĂ©ta - Il est absent. Alors il y eut un silence. Ils se regardĂšrent ; et leurs pensĂ©es, confondues dans la mĂÂȘme angoisse, s'Ă©treignaient Ă©troitement, comme deux poitrines palpitantes. - Je voudrais bien embrasser Berthe, dit LĂ©on. Emma descendit quelques marches, et elle appela FĂ©licitĂ©. Il jeta vite autour de lui un large coup d'oeil qui s'Ă©tala sur les murs, les Ă©tagĂšres, la cheminĂ©e, comme pour pĂ©nĂ©trer tout, emporter tout. Mais elle rentra, et la servante amena Berthe, qui secouait au bout d'une ficelle un moulin Ă vent la tĂÂȘte en bas. LĂ©on la baisa sur le cou Ă plusieurs reprises. - Adieu, pauvre enfant ! adieu, chĂšre petite, adieu ! Et il la remit Ă sa mĂšre. - Emmenez-la, dit celle-ci. Ils restĂšrent seuls. Madame Bovary, le dos tournĂ©, avait la figure posĂ©e contre un carreau ; LĂ©on tenait sa casquette Ă la main et la battait doucement le long de sa cuisse. - Il va pleuvoir, dit Emma. - J'ai un manteau, rĂ©pondit-il. - Ah ! Elle se dĂ©tourna, le menton baissĂ© et le front en avant. La lumiĂšre y glissait comme sur un marbre, jusqu'Ă la courbe des sourcils, sans que l'on pĂ»t savoir ce qu'Emma regardait Ă l'horizon ni ce qu'elle pensait au fond d'elle-mĂÂȘme. - Allons, adieu ! soupira-t-il. Elle releva sa tĂÂȘte d'un mouvement brusque - Oui, adieu..., partez ! Ils s'avancĂšrent l'un vers l'autre ; il tendit la main, elle hĂ©sita. - A l'anglaise donc, fit-elle abandonnant la sienne tout en s'efforçant de rire. LĂ©on la sentit entre ses doigts, et la substance mĂÂȘme de tout son ĂÂȘtre lui semblait descendre dans cette paume humide. Puis il ouvrit la main ; leurs yeux se rencontrĂšrent encore, et il disparut. Quand il fut sous les halles, il s'arrĂÂȘta, et il se cacha derriĂšre un pilier, afin de contempler une derniĂšre fois cette maison blanche avec ses quatre jalousies vertes. Il crut voir une ombre derriĂšre la fenĂÂȘtre, dans la chambre ; mais le rideau, se dĂ©crochant de la patĂšre comme si personne n'y touchait, remua lentement ses longs plis obliques, qui d'un seul bond s'Ă©talĂšrent tous, et il resta droit, plus immobile qu'un mur de plĂÂątre. LĂ©on se mit Ă courir. Il aperçut de loin, sur la route, le cabriolet de son patron, et Ă cĂÂŽtĂ© un homme en serpilliĂšre qui tenait le cheval. Homais et M. Guillaumin causaient ensemble. On l'attendait. - Embrassez-moi, dit l'apothicaire les larmes aux yeux. VoilĂ votre paletot, mon bon ami ; prenez garde au froid ! Soignez-vous ! mĂ©nagez-vous ! - Allons, LĂ©on, en voiture ! dit le notaire. Homais se pencha sur le garde-crotte, et d'une voix entrecoupĂ©e par les sanglots, laissa tomber ces deux mots tristes - Bon voyage ! - Bonsoir, rĂ©pondit M. Guillaumin. LĂÂąchez tout ! Ils partirent, et Homais s'en retourna. Madame Bovary avait ouvert sa fenĂÂȘtre sur le jardin, et elle regardait les nuages. Ils s'amoncelaient au couchant du cĂÂŽtĂ© de Rouen, et roulaient vite leurs volutes noires, d'oĂÂč dĂ©passaient par derriĂšre les grandes lignes du soleil, comme les flĂšches d'or d'un trophĂ©e suspendu, tandis que le reste du ciel vide avait la blancheur d'une porcelaine. Mais une rafale de vent fit se courber les peupliers, et tout Ă coup la pluie tomba ; elle crĂ©pitait sur les feuilles vertes. Puis le soleil reparut, les poules chantĂšrent, des moineaux battaient des ailes dans les buissons humides, et les flaques d'eau sur le sable emportaient en s'Ă©coulant les fleurs roses d'un acacia. - Ah ! qu'il doit ĂÂȘtre loin dĂ©jĂ ! pensa-t-elle. M. Homais, comme de coutume, vint Ă six heures et demie, pendant le dĂner. - Eh bien, dit-il en s'asseyant, nous avons donc tantĂÂŽt embarquĂ© notre jeune homme ? Il paraĂt ! rĂ©pondit le mĂ©decin. Puis, se tournant sur sa chaise - Et quoi de neuf chez vous ? Pas grand-chose. Ma femme, seulement, a Ă©tĂ©, cette aprĂšs-midi, un peu Ă©mue. Vous savez, les femmes, un rien les trouble ! la mienne surtout ! Et l'on aurait tort de se rĂ©volter lĂ contre, puisque leur organisation nerveuse est beaucoup plus mallĂ©able que la nĂÂŽtre. - Ce pauvre LĂ©on ! disait Charles, comment va-t-il vivre Ă Paris ?... S'y accoutumera-t-il ? Madame Bovary soupira. - Allons donc ! dit le pharmacien en claquant de la langue, les parties fines chez le traiteur ! les bals masquĂ©s ! le champagne ! tout cela va rouler, je vous assure. - Je ne crois pas qu'il se dĂ©range, objecta Bovary. - Ni moi ! reprit vivement M. Homais, quoiqu'il lui faudra pourtant suivre les autres, au risque de passer pour un jĂ©suite. Eh, vous ne savez pas la vie que mĂšnent ces farceurs-lĂ , dans le quartier Latin, avec les actrices ! Du reste, les Ă©tudiants sont fort bien vus Ă Paris. Pour peu qu'ils aient quelque talent d'agrĂ©ment, on les reçoit dans les meilleures sociĂ©tĂ©s, et il y a mĂÂȘme des dames du faubourg Saint-Germain qui en deviennent amoureuses, ce qui leur fournit, par la suite, les occasions de faire de trĂšs beaux mariages. - Mais, dit le mĂ©decin, j'ai peur pour lui que... lĂ -bas... - Vous avez raison, interrompit l'apothicaire, c'est le revers de la mĂ©daille ! et l'on y est obligĂ© continuellement d'avoir la main posĂ©e sur son gousset. Ainsi, vous ĂÂȘtes dans un jardin public, je suppose ; un quidam se prĂ©sente, bien mis, dĂ©corĂ© mĂÂȘme, et qu'on prendrait pour un diplomate ; il vous aborde ; vous causez ; il s'insinue, vous offre une prise ou vous ramasse votre chapeau. Puis on se lie davantage ; il vous mĂšne au cafĂ©, vous invite Ă venir dans sa maison de campagne, vous fait faire, entre deux vins, toutes sortes de connaissances, et, les trois quarts du temps ce n'est que pour flibuster votre bourse ou vous entraĂner en des dĂ©marches pernicieuses. - C'est vrai, rĂ©pondit Charles ; mais je pensais surtout aux maladies, Ă la fiĂšvre typhoĂÂŻde, par exemple, qui attaque les Ă©tudiants de la province. Emma tressaillit. - A cause du changement de rĂ©gime, continua le pharmacien, et de la perturbation qui en rĂ©sulte dans l'Ă©conomie gĂ©nĂ©rale. Et puis, l'eau de Paris, voyez-vous ! les mets des restaurateurs, toutes ces nourritures Ă©picĂ©es finissent par vous Ă©chauffer le sang et ne valent pas, quoi qu'on en dise, un bon pot-au-feu. J'ai toujours, quant Ă moi, prĂ©fĂ©rĂ© la cuisine bourgeoise c'est plus sain ! Aussi, lorsque j'Ă©tudiais Ă Rouen la pharmacie, je m'Ă©tais mis en pension dans une pension ; je mangeais avec les professeurs. Et il continua donc Ă exposer ses opinions gĂ©nĂ©rales et ses sympathies personnelles, jusqu'au moment oĂÂč Justin vint le chercher pour un lait de poule qu'il fallait faire. - Pas un instant de rĂ©pit ! s'Ă©cria-t-il, toujours Ă la chaĂne ! Je ne peux sortir une minute ! Il faut, comme un cheval de labour, ĂÂȘtre Ă suer sang et eau ! Quel collier de misĂšre ! Puis, quand il fut sur la porte - A propos, dit-il, savez-vous la nouvelle ? - Quoi donc ? - C'est qu'il est fort probable, reprit Homais en dressant ses sourcils et en prenant une figure des plus sĂ©rieuses, que les Comices agricoles de la Seine-InfĂ©rieure se tiendront cette annĂ©e Ă Yonville-l'Abbaye. Le bruit, du moins, en circule. Ce matin, le journal en touchait quelque chose. Ce serait pour notre arrondissement de la derniĂšre importance ! Mais nous en causerons plus tard. J'y vois, je vous remercie ; Justin a la lanterne. VII. Le lendemain fut, pour Emma, une journĂ©e funĂšbre. Tout lui parut enveloppĂ© par une atmosphĂšre noire qui flottait confusĂ©ment sur l'extĂ©rieur des choses, et le chagrin s'engouffrait dans son ĂÂąme avec des hurlements doux, comme fait le vent d'hiver dans les chĂÂąteaux abandonnĂ©s. C'Ă©tait cette rĂÂȘverie que l'on a sur ce qui ne reviendra plus, la lassitude qui vous prend aprĂšs chaque fait accompli, cette douleur enfin que vous apportent l'interruption de tout mouvement accoutumĂ©, la cessation brusque d'une vibration prolongĂ©e. Comme au retour de la Vaubyessard, quand les quadrilles tourbillonnaient dans sa tĂÂȘte, elle avait une mĂ©lancolie morne, un dĂ©sespoir engourdi. LĂ©on rĂ©apparaissait plus grand, plus beau, plus suave, plus vague ; quoiqu'il fĂ»t sĂ©parĂ© d'elle, il ne l'avait pas quittĂ©e, il Ă©tait lĂ , et les murailles de la maison semblaient garder son ombre. Elle ne pouvait dĂ©tacher sa vue de ce tapis oĂÂč il avait marchĂ©, de ces meubles vides oĂÂč il s'Ă©tait assis. La riviĂšre coulait toujours, et poussait lentement ses petits flots le long de la berge glissante. Ils s'y Ă©taient promenĂ©s bien des fois, Ă ce mĂÂȘme murmure des ondes, sur les cailloux couverts de mousse. Quels bons soleils ils avaient eus ! quelles bonnes aprĂšs-midi, seuls, Ă l'ombre, dans le fond du jardin ! Il lisait tout haut, tĂÂȘte nue, posĂ© sur un tabouret de bĂÂątons secs ; le vent frais de la prairie faisait trembler les pages du livre et les capucines de la tonnelle... Ah ! il Ă©tait parti, le seul charme de sa vie, le seul espoir possible d'une fĂ©licitĂ© ! Comment n'avait-elle pas saisi ce bonheur-lĂ , quand il se prĂ©sentait ! Pourquoi ne l'avoir pas retenu Ă deux mains, Ă deux genoux, quand il voulait s'enfuir ? Et elle se maudit de n'avoir pas aimĂ© LĂ©on ; elle eut soif de ses lĂšvres. L'envie la prit de courir le rejoindre, de se jeter dans ses bras, de lui dire " C'est moi, je suis Ă toi ! " Mais Emma s'embarrassait d'avance aux difficultĂ©s de l'entreprise, et ses dĂ©sirs, s'augmentant d'un regret, n'en devenaient que plus actifs. DĂšs lors, ce souvenir de LĂ©on fut comme le centre de son ennui ; il y pĂ©tillait plus fort que, dans un steppe de Russie, un feu de voyageurs abandonnĂ© sur la neige. Elle se prĂ©cipitait vers lui, elle se blottissait contre, elle remuait dĂ©licatement ce foyer prĂšs de s'Ă©teindre, elle allait cherchant tout autour d'elle ce qui pouvait l'aviver davantage ; et les rĂ©miniscences les plus lointaines comme les plus immĂ©diates occasions, ce qu'elle Ă©prouvait avec ce qu'elle imaginait, ses envies de voluptĂ© qui se dispersaient, ses projets de bonheur qui craquaient au vent comme des branchages morts, sa vertu stĂ©rile, ses espĂ©rances tombĂ©es, la litiĂšre domestique, elle ramassait tout, prenait tout, et faisait servir tout Ă rĂ©chauffer sa tristesse. Cependant les flammes s'apaisĂšrent, soit que la provision d'elle-mĂÂȘme s'Ă©puisĂÂąt, ou que l'entassement fĂ»t trop considĂ©rable. L'amour, peu Ă peu, s'Ă©teignit par l'absence, le regret s'Ă©touffa sous l'habitude ; et cette lueur d'incendie qui empourprait son ciel pĂÂąle se couvrit de plus d'ombre et s'effaça par degrĂ©s. Dans l'assoupissement de sa conscience, elle prit mĂÂȘme les rĂ©pugnances du mari pour des aspirations vers l'amant, les brĂ»lures de la haine pour des rĂ©chauffements de la tendresse ; mais, comme l'ouragan soufflait toujours, et que la passion se consuma jusqu'aux cendres, et qu'aucun secours ne vint, qu'aucun soleil ne parut, il fut de tous cĂÂŽtĂ©s nuit complĂšte, et elle demeura perdue dans un froid horrible qui la traversait. Alors les mauvais jours de Tostes recommencĂšrent. Elle s'estimait Ă prĂ©sent beaucoup plus malheureuse car elle avait l'expĂ©rience du chagrin, avec la certitude qu'il ne finirait pas. Une femme qui s'Ă©tait imposĂ© de si grands sacrifices pouvait bien se passer des fantaisies. Elle s'acheta un prie-Dieu gothique, et elle dĂ©pensa en un mois pour quatorze francs de citrons Ă se nettoyer les ongles ; elle Ă©crivit Ă Rouen, afin d'avoir une robe en cachemire bleu ; elle choisit chez Lheureux la plus belle de ses Ă©charpes ; elle se la nouait Ă la taille par-dessus sa robe de chambre ; et, les volets fermĂ©s, avec un livre Ă la main, elle restait Ă©tendue sur un canapĂ© dans cet accoutrement. Souvent, elle variait sa coiffure elle se mettait Ă la chinoise, en boucles molles, en nattes tressĂ©es ; elle se fit une raie sur le cĂÂŽtĂ© de la tĂÂȘte et roula ses cheveux en dessous, comme un homme. Elle voulut apprendre l'italien elle acheta des dictionnaires, une grammaire, une provision de papier blanc. Elle essaya des lectures sĂ©rieuses, de l'histoire et de la philosophie. La nuit, quelquefois, Charles se rĂ©veillait en sursaut, croyant qu'on venait le chercher pour un malade - J'y vais, balbutiait-il. Et c'Ă©tait le bruit d'une allumette qu'Emma frottait afin de rallumer sa lampe. Mais il en Ă©tait de ses lectures comme de ses tapisseries, qui, toutes commencĂ©es encombraient son armoire ; elle les prenait, les quittait, passait Ă d'autres. Elle avait des accĂšs, oĂÂč on l'eĂ»t poussĂ©e facilement Ă des extravagances. Elle soutint un jour, contre son mari, qu'elle boirait bien un grand demi-verre d'eau-de-vie, et, comme Charles eut la bĂÂȘtise de l'en dĂ©fier, elle avala l'eau-de-vie jusqu'au bout. MalgrĂ© ses airs Ă©vaporĂ©s c'Ă©tait le mot des bourgeoises d'Yonville , Emma pourtant ne paraissait pas joyeuse, et, d'habitude, elle gardait aux coins de la bouche cette immobile contraction qui plisse la figure des vieilles filles et celle des ambitieux dĂ©chus. Elle Ă©tait pĂÂąle partout, blanche comme du linge ; la peau du nez se tirait vers les narines, ses yeux vous regardaient d'une maniĂšre vague Pour s'ĂÂȘtre dĂ©couvert trois cheveux gris sur les tempes, elle parla beaucoup de sa vieillesse. Souvent des dĂ©faillances la prenaient. Un jour mĂÂȘme, elle eut un crachement de sang, et, comme Charles s'empressait, laissant apercevoir son inquiĂ©tude - Ah bah ! rĂ©pondit-elle, qu'est-ce que cela fait ? Charles s'alla rĂ©fugier dans son cabinet ; et il pleura, les deux coudes sur la table, assis dans son fauteuil de bureau, sous la tĂÂȘte phrĂ©nologique. Alors il Ă©crivit Ă sa mĂšre pour la prier de venir, et ils eurent ensemble de longues confĂ©rences au sujet d'Emma. A quoi se rĂ©soudre ? que faire, puisqu'elle se refusait Ă tout traitement ? - Sais-tu ce qu'il faudrait Ă ta femme ? reprenait la mĂšre Bovary. Ce seraient des occupations forcĂ©es, des ouvrages manuels ! Si elle Ă©tait comme tant d'autres, contrainte Ă gagner son pain, elle n'aurait pas ces vapeurs-lĂ , qui lui viennent d'un tas d'idĂ©es qu'elle se fourre dans la tĂÂȘte, et du dĂ©soeuvrement oĂÂč elle vit. - Pourtant elle s'occupe, disait Charles. - Ah ! elle s'occupe ! A quoi donc ? A lire des romans, de mauvais livres, des ouvrages qui sont contre la religion et dans lesquels on se moque des prĂÂȘtres par des discours tirĂ©s de Voltaire. Mais tout cela va loin, mon pauvre enfant, et quelqu'un qui n'a pas de religion finit toujours par tourner mal. Donc, il fut rĂ©solu que l'on empĂÂȘcherait Emma de lire des romans. L'entreprise ne semblait point facile. La bonne dame s'en chargea elle devait quand elle passerait par Rouen, aller en personne chez le loueur de livres et lui reprĂ©senter qu'Emma cessait ses abonnements. N'aurait-on pas le droit d'avertir la police, si le libraire persistait quand mĂÂȘme dans son mĂ©tier d'empoisonneur ? Les adieux de la belle-mĂšre et de la bru furent secs. Pendant les trois semaines qu'elles Ă©taient restĂ©es ensemble, elles n'avaient pas Ă©changĂ© quatre paroles, Ă part les informations et compliments quand elles se rencontraient Ă table, et le soir avant de se mettre au lit. Madame Bovary mĂšre partit un mercredi, qui Ă©tait jour de marchĂ© Ă Yonville. La place, dĂšs le matin, Ă©tait encombrĂ©e par une file de charrettes qui, toutes Ă cul et les brancards en l'air, s'Ă©tendaient le long des maisons depuis l'Ă©glise jusqu'Ă l'auberge. De l'autre cĂÂŽtĂ©, il y avait des baraques de toile oĂÂč l'on vendait des cotonnades, des couvertures et des bas de laine, avec des licous pour les chevaux et des paquets de rubans bleus, qui par le bout s'envolaient au vent. De la grosse quincaillerie s'Ă©talait par terre, entre les pyramides d'oeufs et les bannettes de fromages, d'oĂÂč sortaient des pailles gluantes ; prĂšs des machines Ă blĂ©, des poules qui gloussaient dans des cages plates passaient leurs cous par les barreaux. La foule, s'encombrant au mĂÂȘme endroit sans en vouloir bouger, menaçait quelquefois de rompre la devanture de la pharmacie. Les mercredis, elle ne dĂ©semplissait pas et l'on s'y poussait, moins pour acheter des mĂ©dicaments que pour prendre des consultations, tant Ă©tait fameuse la rĂ©putation du sieur Homais dans les villages circonvoisins. Son robuste aplomb avait fascinĂ© les campagnards. Ils le regardaient comme un plus grand mĂ©decin que tous les mĂ©decins. Emma Ă©tait accoudĂ©e Ă sa fenĂÂȘtre elle s'y mettait souvent la fenĂÂȘtre, en province, remplace les thĂ©ĂÂątres et la promenade , et elle s'amusait Ă considĂ©rer la cohue des rustres, lorsqu'elle aperçut un monsieur vĂÂȘtu d'une redingote de velours vert. Il Ă©tait gantĂ© de gants jaunes, quoiqu'il fĂ»t chaussĂ© de fortes guĂÂȘtres ; et il se dirigeait vers la maison du mĂ©decin, suivi d'un paysan marchant la tĂÂȘte basse d'un air tout rĂ©flĂ©chi. - Puis-je voir Monsieur ? demanda-t-il Ă Justin, qui causait sur le seuil avec FĂ©licitĂ©. Et, le prenant pour le domestique de la maison - Dites-lui que M. Rodolphe Boulanger de la Huchette est lĂ . Ce n'Ă©tait point par vanitĂ© territoriale que le nouvel arrivant avait ajoutĂ© Ă son nom la particule, mais afin de se faire mieux connaĂtre. La Huchette, en effet, Ă©tait un domaine prĂšs d'Yonville, dont il venait d'acquĂ©rir le chĂÂąteau, avec deux fermes qu'il cultivait lui-mĂÂȘme, sans trop se gĂÂȘner cependant. Il vivait en garçon, et passait pour avoir au moins quinze mille livres de rentes ! Charles entra dans la salle. M. Boulanger lui prĂ©senta son homme, qui voulait ĂÂȘtre saignĂ© parce qu'il Ă©prouvait des fourmis le long du corps . - ĂâĄa me purgera, objectait-il Ă tous les raisonnements. Bovary commanda donc d'apporter une bande et une cuvette, et pria Justin de la soutenir. Puis, s'adressant au villageois dĂ©jĂ blĂÂȘme - N'ayez point peur, mon brave. - Non, non, rĂ©pondit l'autre, marchez toujours ! Et, d'un air fanfaron, il tendit son gros bras. Sous la piqĂ»re de la lancette, le sang jaillit et alla s'Ă©clabousser contre la glace. - Approche le vase ! exclama Charles. - GuĂÂȘte ! disait le paysan, on jurerait une petite fontaine qui coule ! Comme j'ai le sang rouge ! ce doit ĂÂȘtre bon signe, n'est-ce pas ? - Quelquefois, reprit l'officier de santĂ©, l'on n'Ă©prouve rien au commencement, puis la syncope se dĂ©clare, et plus particuliĂšrement chez les gens bien constituĂ©s, comme celui-ci. Le campagnard, Ă ces mots, lĂÂącha l'Ă©tui qu'il tournait entre ses doigts. Une saccade de ses Ă©paules fit craquer le dossier de la chaise. Son chapeau tomba. - Je m'en doutais, dit Bovary en appliquant son doigt sur la veine. La cuvette commençait Ă trembler aux mains de Justin ; ses genoux chancelĂšrent, il devint pĂÂąle. - Ma femme ! ma femme ! appela Charles. D'un bond, elle descendit l'escalier. - Du vinaigre ! cria-t-il. Ah ! mon Dieu, deux Ă la fois ! Et, dans son Ă©motion, il avait peine Ă poser la compresse. - Ce n'est rien, disait tout tranquillement M. Boulanger, tandis qu'il prenait Justin entre ses bras. Et il l'assit sur la table, lui appuyant le dos contre la muraille. Madame Bovary se mit Ă lui retirer sa cravate. Il y avait un noeud aux cordons de la chemise ; elle resta quelques minutes Ă remuer ses doigts lĂ©gers dans le cou du jeune garçon ; ensuite elle versa du vinaigre sur son mouchoir de batiste ; elle lui en mouillait les tempes Ă petits coups et elle soufflait dessus, dĂ©licatement. Le charretier se rĂ©veilla ; mais la syncope de Justin durait encore, et ses prunelles disparaissaient dans leur sclĂ©rotique pĂÂąle, comme des fleurs bleues dans du lait. - Il faudrait, dit Charles, lui cacher cela. Madame Bovary prit la cuvette. Pour la mettre sous la table, dans le mouvement qu'elle fit en s'inclinant, sa robe c'Ă©tait une robe d'Ă©tĂ© Ă quatre volants, de couleur jaune, longue de taille, large de jupe , sa robe s'Ă©vasa autour d'elle sur les carreaux de la salle ; - et, comme Emma, baissĂ©e, chancelait un peu en Ă©cartant les bras, le gonflement de l'Ă©toffe se crevait de place en place, selon les inflexions de son corsage. Ensuite elle alla prendre une carafe d'eau, et elle faisait fondre des morceaux de sucre lorsque le pharmacien arriva. La servante l'avait Ă©tĂ© chercher dans l'algarade ; en apercevant son Ă©lĂšve les yeux ouverts, il reprit haleine. Puis, tournant autour de lui, il le regardait de haut en bas. - Sot ! disait-il ; petit sot, vraiment ! sot en trois lettres ! Grand-chose, aprĂšs tout, qu'une phlĂ©botomie ! et un gaillard qui n'a peur de rien ! une espĂšce d'Ă©cureuil, tel que vous le voyez, qui monte locher des noix Ă des hauteurs vertigineuses. Ah ! oui, parle, vante-toi ! voilĂ de belles dispositions Ă exercer plus tard la pharmacie ; car tu peux te trouver appelĂ© en des circonstances graves, par-devant les tribunaux, afin d'y Ă©clairer la conscience des magistrats ; et il faudra pourtant garder son sang-froid, raisonner, se montrer homme, ou bien passer pour un imbĂ©cile ! Justin ne rĂ©pondait pas. L'apothicaire continuait - Qui t'a priĂ© de venir ? Tu importunes toujours monsieur et madame ! Les mercredis, d'ailleurs, ta prĂ©sence m'est plus indispensable. Il y a maintenant vingt personnes Ă la maison. J'ai tout quittĂ© Ă cause de l'intĂ©rĂÂȘt que je te porte. Allons, va-t'en ! cours ! attends-moi, et surveille les bocaux ! Quand Justin, qui se rhabillait, fut parti, l'on causa quelque peu des Ă©vanouissements. Madame Bovary n'en avait jamais eu. - C'est extraordinaire pour une dame ! dit M. Boulanger. Du reste, il y a des gens bien dĂ©licats. Ainsi j'ai vu, dans une rencontre, un tĂ©moin perdre connaissance rien qu'au bruit des pistolets que l'on chargeait. - Moi, dit l'apothicaire, la vue du sang des autres ne me fait rien du tout ; mais l'idĂ©e seulement du mien qui coule suffirait Ă me causer des dĂ©faillances, si j'y rĂ©flĂ©chissais trop. Cependant M. Boulanger congĂ©dia son domestique, en l'engageant Ă se tranquilliser l'esprit, puisque sa fantaisie Ă©tait passĂ©e. - Elle m'a procurĂ© l'avantage de votre connaissance, ajouta-t-il. Et il regardait Emma durant cette phrase. Puis il dĂ©posa trois francs sur le coin de la table, salua nĂ©gligemment et s'en alla. Il fut bientĂÂŽt de l'autre cĂÂŽtĂ© de la riviĂšre c'Ă©tait son chemin pour s'en retourner Ă la Huchette ; et Emma l'aperçut dans la prairie, qui marchait sous les peupliers, se ralentissant de temps Ă autre, comme quelqu'un qui rĂ©flĂ©chit. - Elle est fort gentille ! se disait-il ; elle est fort gentille, cette femme du mĂ©decin ! De belles dents, les yeux noirs, le pied coquet, et de la tournure comme une Parisienne. D'oĂÂč diable sort-elle ? OĂÂč donc l'a-t-il trouvĂ©e, ce gros garçon-lĂ ? M. Rodolphe Boulanger avait trente-quatre ans ; il Ă©tait de tempĂ©rament brutal et d'intelligence perspicace, ayant d'ailleurs beaucoup frĂ©quentĂ© les femmes, et s'y connaissant bien. Celle-lĂ lui avait paru jolie ; il y rĂÂȘvait donc, et Ă son mari. - Je le crois trĂšs bĂÂȘte. Elle en est fatiguĂ©e sans doute. Il porte des ongles sales et une barbe de trois jours. Tandis qu'il trottine Ă ses malades, elle reste Ă ravauder des chaussettes. Et on s'ennuie ! on voudrait habiter la ville, danser la polka tous les soirs ! Pauvre petite femme ! ĂâĄa bĂÂąille aprĂšs l'amour, comme une carpe aprĂšs l'eau sur une table de cuisine. Avec trois mots de galanterie, cela vous adorerait, j'en suis sĂ»r ! ce serait tendre ! charmant !... Oui, mais comment s'en dĂ©barrasser ensuite ? Alors les encombrements du plaisir, entrevus en perspective, le firent, par contraste, songer Ă sa maĂtresse. C'Ă©tait une comĂ©dienne de Rouen, qu'il entretenait ; et, quand il se fut arrĂÂȘtĂ© sur cette image, dont il avait, en souvenir mĂÂȘme, des rassasiements - Ah ! madame Bovary, pensa-t-il, est bien plus jolie qu'elle, plus fraĂche surtout. Virginie, dĂ©cidĂ©ment, commence Ă devenir trop grosse. Elle est si fastidieuse avec ses joies. Et, d'ailleurs, quelle manie de salicoques ! La campagne Ă©tait dĂ©serte, et Rodolphe n'entendait autour de lui que le battement rĂ©gulier des herbes qui fouettaient sa chaussure, avec le cri des grillons tapis au loin sous les avoines ; il revoyait Emma dans la salle, habillĂ©e comme il l'avait vue, et il la dĂ©shabillait. - Oh ! je l'aurai ! s'Ă©cria-t-il en Ă©crasant, d'un coup de bĂÂąton, une motte de terre devant lui. Et aussitĂÂŽt il examina la partie politique de l'entreprise. Il se demandait - OĂÂč se rencontrer ? par quel moyen ? On aura continuellement le marmot sur les Ă©paules, et la bonne, les voisins, le mari, toute sorte de tracasseries considĂ©rables. Ah bah ! dit-il, on y perd trop de temps ! Puis il recommença - C'est qu'elle a des yeux qui vous entrent au coeur comme des vrilles. Et ce teint pĂÂąle !... Moi, qui adore les femmes pĂÂąles ! Au haut de la cĂÂŽte d'Argueil, sa rĂ©solution Ă©tait prise. - Il n'y a plus qu'Ă chercher les occasions. Eh bien, j'y passerai quelquefois, je leur enverrai du gibier, de la volaille ; je me ferai saigner, s'il le faut ; nous deviendrons amis, je les inviterai chez moi... Ah ! parbleu ! ajouta-t-il, voilĂ les Comices bientĂÂŽt ; elle y sera, je la verrai. Nous commencerons, et hardiment, car c'est le plus sĂ»r. VIII. Ils arrivĂšrent, en effet, ces fameux Comices ! DĂšs le matin de la solennitĂ©, tous les habitants, sur leurs portes, s'entretenaient des prĂ©paratifs ; on avait enguirlandĂ© de lierres le fronton de la mairie ; une tente dans un prĂ© Ă©tait dressĂ©e pour le festin, et, au milieu de la place, devant l'Ă©glise, une espĂšce de bombarde devait signaler l'arrivĂ©e de M. le prĂ©fet et le nom des cultivateurs laurĂ©ats. La garde nationale de Buchy il n'y en avait point Ă Yonville Ă©tait venue s'adjoindre au corps des pompiers, dont Binet Ă©tait le capitaine. Il portait ce jour-lĂ un col encore plus haut que de coutume ; et, sanglĂ© dans sa tunique, il avait le buste si roide et immobile, que toute la partie vitale de sa personne semblait ĂÂȘtre descendue dans ses deux jambes, qui se levaient en cadence, Ă pas marquĂ©s, d'un seul mouvement. Comme une rivalitĂ© subsistait entre le percepteur et le colonel, l'un et l'autre, pour montrer leurs talents, faisaient Ă part manoeuvrer leurs hommes. On voyait alternativement passer et repasser les Ă©paulettes rouges et les plastrons noirs. Cela ne finissait pas et toujours recommençait ! Jamais il n'y avait eu pareil dĂ©ploiement de pompe ! Plusieurs bourgeois, dĂšs la veille, avaient lavĂ© leurs maisons ; des drapeaux tricolores pendaient aux fenĂÂȘtres entrouvertes ; tous les cabarets Ă©taient pleins ; et, par le beau temps qu'il faisait, les bonnets empesĂ©s, les croix d'or et les fichus de couleur paraissaient plus blancs que neige, miroitaient au soleil clair et relevaient de leur bigarrure Ă©parpillĂ©e la sombre monotonie des redingotes et des bourgerons bleus. Les fermiĂšres des environs retiraient, en descendant de cheval, la grosse Ă©pingle qui leur serrait autour du corps leur robe retroussĂ©e de peur des taches ; et les maris, au contraire, afin de mĂ©nager leurs chapeaux, gardaient par-dessus des mouchoirs de poche, dont ils tenaient un angle entre les dents. La foule arrivait dans la grande rue par les deux bouts du village. Il s'en dĂ©gorgeait des ruelles, des allĂ©es, des maisons, et l'on entendait de temps Ă autre retomber le marteau des portes, derriĂšre les bourgeoises en gants de fil, qui sortaient pour aller voir la fĂÂȘte. Ce que l'on admirait surtout, c'Ă©taient deux longs ifs couverts de lampions qui flanquaient une estrade oĂÂč s'allaient tenir les autoritĂ©s ; et il y avait de plus, contre les quatre colonnes de la mairie, quatre maniĂšres de gaules, portant chacune un petit Ă©tendard de toile verdĂÂątre, enrichi d'inscriptions en lettres d'or. On lisait sur l'un " Au Commerce " ; sur l'autre " A l'Agriculture " ; sur le troisiĂšme " A l'industrie " ; et sur le quatriĂšme " Aux Beaux-Arts " . Mais la jubilation qui Ă©panouissait tous les visages paraissait assombrir madame Lefrançois, l'aubergiste. Debout sur les marches de sa cuisine, elle murmurait dans son menton - Quelle bĂÂȘtise ! quelle bĂÂȘtise avec leur baraque de toile ! Croient-ils que le prĂ©fet sera bien aise de dĂner lĂ -bas, sous une tente, comme un saltimbanque ? Ils appellent ces embarras-lĂ , faire le bien du pays ! Ce n'Ă©tait pas la peine, alors, d'aller chercher un gargotier Ă NeufchĂÂątel ! Et pour qui ? pour des vachers ! des va-nu-pieds !... L'apothicaire passa. Il portait un habit noir, un pantalon de nankin, des souliers de castor, et par extraordinaire un chapeau, - un chapeau bas de forme. - Serviteur ! dit-il ; excusez-moi, je suis pressĂ©. Et comme la grosse veuve lui demanda oĂÂč il allait - Cela vous semble drĂÂŽle, n'est-ce pas ? moi qui reste toujours plus confinĂ© dans mon laboratoire que le rat du bonhomme dans son fromage. - Quel fromage ? fit l'aubergiste. - Non, rien ! ce n'est rien ! reprit Homais. Je voulais vous exprimer seulement, madame Lefrançois, que je demeure d'habitude tout reclus chez moi. Aujourd'hui cependant, vu la circonstance, il faut bien que... - Ah ! vous allez lĂ -bas ? dit-elle avec un air de dĂ©dain. - Oui, j'y vais, rĂ©pliqua l'apothicaire Ă©tonnĂ© ; ne fais-je point partie de la commission consultative ? La mĂšre Lefrançois le considĂ©ra quelques minutes, et finit par rĂ©pondre en souriant - C'est autre chose ! Mais qu'est-ce que la culture vous regarde ? vous vous y entendez donc ? - Certainement, je m'y entends, puisque je suis pharmacien, c'est-Ă -dire chimiste ! et la chimie, madame Lefrançois, ayant pour objet la connaissance de l'action rĂ©ciproque et molĂ©culaire de tous les corps de la nature, il s'ensuit que l'agriculture se trouve comprise dans son domaine ! Et, en effet, composition des engrais, fermentation des liquides, analyse des gaz et influence des miasmes, qu'est-ce que tout cela, je vous le demande, si ce n'est de la chimie pure et simple ? L'aubergiste ne rĂ©pondit rien. Homais continua - Croyez-vous qu'il faille, pour ĂÂȘtre agronome, avoir soi-mĂÂȘme labourĂ© la terre ou engraissĂ© des volailles ? Mais il faut connaĂtre plutĂÂŽt la constitution des substances dont il s'agit, les gisements gĂ©ologiques, les actions atmosphĂ©riques, la qualitĂ© des terrains, des minĂ©raux, des eaux, la densitĂ© des diffĂ©rents corps et leur capillaritĂ© ! que sais-je ? Et il faut possĂ©der Ă fond tous ses principes d'hygiĂšne, pour diriger, critiquer la construction des bĂÂątiments, le rĂ©gime des animaux, l'alimentation des domestiques ! Il faut encore, madame Lefrançois, possĂ©der la botanique ; pouvoir discerner les plantes, entendez-vous, quelles sont les salutaires d'avec les dĂ©lĂ©tĂšres, quelles les improductives et quelles les nutritives, s'il est bon de les arracher par-ci et de les ressemer par-lĂ , de propager les unes, de dĂ©truire les autres ; bref, il faut se tenir au courant de la science par les brochures et papiers publics, ĂÂȘtre toujours en haleine, afin d'indiquer les amĂ©liorations... L'aubergiste ne quittait point des yeux la porte du CafĂ© Français , et le pharmacien poursuivit - PlĂ»t Ă Dieu que nos agriculteurs fussent des chimistes, ou que du moins ils Ă©coutassent davantage les conseils de la science ! Ainsi, moi, j'ai derniĂšrement Ă©crit un fort opuscule, un mĂ©moire de plus de soixante et douze pages, intitulĂ© Du cidre, de sa fabrication et de ses effets ; suivi de quelques rĂ©flexions nouvelles Ă ce sujet , que j'ai envoyĂ© Ă la SociĂ©tĂ© agronomique de Rouen ; ce qui m'a mĂÂȘme valu l'honneur d'ĂÂȘtre reçu parmi ses membres, section d'agriculture, classe de pomologie, eh bien, si mon ouvrage avait Ă©tĂ© livrĂ© Ă la publicitĂ©... Mais l'apothicaire s'arrĂÂȘta, tant madame Lefrançois paraissait prĂ©occupĂ©e. - Voyez-les donc ! disait-elle, on n'y comprend rien ! une gargote semblable ! Et, avec des haussements d'Ă©paules qui tiraient sur sa poitrine les mailles de son tricot, elle montrait des deux mains le cabaret de son rival, d'oĂÂč sortaient alors des chansons. - Du reste, il n'en a pas pour longtemps, ajouta-t-elle ; avant huit jours, tout est fini. Homais se recula de stupĂ©faction. Elle descendit ses trois marches, et, lui parlant Ă l'oreille - Comment ! vous ne savez pas cela ? On va le saisir cette semaine. C'est Lheureux qui le fait vendre. Il l'a assassinĂ© de billets. - Quelle Ă©pouvantable catastrophe ! s'Ă©cria l'apothicaire, qui avait toujours des expressions congruantes Ă toutes les circonstances imaginables. L'hĂÂŽtesse donc se mit Ă lui raconter cette histoire, qu'elle savait par ThĂ©odore, le domestique de M. Guillaumin, et, bien qu'elle exĂ©crĂÂąt Tellier, elle blĂÂąmait Lheureux. C'Ă©tait un enjĂÂŽleur, un rampant. - Ah ! tenez, dit-elle, le voilĂ sous les halles ; il salue madame Bovary, qui a un chapeau vert. Elle est mĂÂȘme au bras de M. Boulanger. - Madame Bovary fit Homais. Je m'empresse d'aller lui offrir mes hommages. Peut-ĂÂȘtre qu'elle sera bien aise d'avoir une place dans l'enceinte, sous le pĂ©ristyle. Et, sans Ă©couter la mĂšre Lefrançois, qui le rappelait pour lui en conter plus long, le pharmacien s'Ă©loigna d'un pas rapide, sourire aux lĂšvres et jarret tendu, distribuant de droite et de gauche quantitĂ© de salutations et emplissant beaucoup d'espace avec les grandes basques de son habit noir, qui flottaient au vent derriĂšre lui. Rodolphe, l'ayant aperçu de loin, avait pris un train rapide ; mais madame Bovary s'essouffla ; il se ralentit donc et lui dit en souriant, d'un ton brutal - C'est pour Ă©viter ce gros bonhomme vous savez, l'apothicaire. Elle lui donna un coup de coude. - Qu'est-ce que cela signifie ? se demanda-t-il. Et il la considĂ©ra du coin de l'oeil, tout en continuant Ă marcher. Son profil Ă©tait si calme, que l'on n'y devinait rien. Il se dĂ©tachait en pleine lumiĂšre, dans l'ovale de sa capote qui avait des rubans pĂÂąles ressemblant Ă des feuilles de roseau. Ses yeux aux longs cils courbes regardaient devant elle, et, quoique bien ouverts, ils semblaient un peu bridĂ©s par les pommettes, Ă cause du sang, qui battait doucement sous sa peau fine. Une couleur rose traversait la cloison de son nez. Elle inclinait la tĂÂȘte sur l'Ă©paule, et l'on voyait entre ses lĂšvres le bout nacrĂ© de ses dents blanches. - Se moque-t-elle de moi ? songeait Rodolphe. Ce geste d'Emma pourtant n'avait Ă©tĂ© qu'un avertissement ; car M. Lheureux les accompagnait, et il leur parlait de temps Ă autre, comme pour entrer en conversation. - Voici une journĂ©e superbe ! tout le monde est dehors ! les vents sont Ă l'est. Et madame Bovary, non plus que Rodolphe, ne lui rĂ©pondait guĂšre, tandis qu'au moindre mouvement qu'ils faisaient, il se rapprochait en disant " PlaĂt-il ? " et portait la main Ă son chapeau. Quand ils furent devant la maison du marĂ©chal, au lieu de suivre la route jusqu'Ă la barriĂšre, Rodolphe, brusquement, prit un sentier, entraĂnant madame Bovary ; il cria - Bonsoir, M. Lheureux ! au plaisir ! - Comme vous l'avez congĂ©diĂ© ! dit-elle en riant. - Pourquoi, reprit-il, se laisser envahir par les autres ? et, puisque, aujourd'hui, j'ai le bonheur d'ĂÂȘtre avec vous... Emma rougit. Il n'acheva point sa phrase. Alors il parla du beau temps et du plaisir de marcher sur l'herbe. Quelques marguerites Ă©taient repoussĂ©es. - Voici de gentilles pĂÂąquerettes, dit-il, et de quoi fournir bien des oracles Ă toutes les amoureuses du pays. Il ajouta - Si j'en cueillais. Qu'en pensez-vous ? - Est-ce que vous ĂÂȘtes amoureux ? fit-elle en toussant un peu. - Eh ! eh ! qui sait ? rĂ©pondit Rodolphe. Le prĂ© commençait Ă se remplir, et les mĂ©nagĂšres vous heurtaient avec leurs grands parapluies, leurs paniers et leurs bambins. Souvent il fallait se dĂ©ranger devant une longue file de campagnardes, servantes en bas bleus, Ă souliers plats, Ă bagues d'argent, et qui sentaient le lait, quand on passait prĂšs d'elles. Elles marchaient en se tenant pars la main, et se rĂ©pandaient ainsi sur toute la longueur de la prairie, depuis la ligne des trembles jusqu'Ă la tente du banquet. Mais c'Ă©tait le moment de l'examen, et les cultivateurs, les uns aprĂšs les autres, entraient dans une maniĂšre d'hippodrome que formait une longue corde portĂ©e sur des bĂÂątons. Les bĂÂȘtes Ă©taient lĂ , le nez tournĂ© vers la ficelle, et alignant confusĂ©ment leurs croupes inĂ©gales. Des porcs assoupis enfonçaient en terre leur groin ; des veaux beuglaient ; des brebis bĂÂȘlaient ; les vaches, un jarret repliĂ©, Ă©talaient leur ventre sur le gazon, et, ruminant lentement, clignaient leurs paupiĂšres lourdes, sous les moucherons qui bourdonnaient autour d'elles. Des charretiers, les bras nus, retenaient par le licou des Ă©talons cabrĂ©s, qui hennissaient Ă pleins naseaux du cĂÂŽtĂ© des juments. Elles restaient paisibles, allongeant la tĂÂȘte et la criniĂšre pendante, tandis que leurs poulains se reposaient Ă leur ombre, ou venaient les tĂ©ter quelquefois ; et, sur la longue ondulation de tous ces corps tassĂ©s, on voyait se lever au vent, comme un flot, quelque criniĂšre blanche, ou bien saillir des cornes aiguĂs, et des tĂÂȘtes d'hommes qui couraient. A l'Ă©cart, en dehors des lices, cent pas plus loin, il y avait un grand taureau noir muselĂ©, portant un cercle de fer Ă la narine, et qui ne bougeait pas plus qu'une bĂÂȘte de bronze. Un enfant en haillons le tenait par une corde. Cependant, entre les deux rangĂ©es, des messieurs s'avançaient d'un pas lourd, examinant chaque animal, puis se consultaient Ă voix basse. L'un d'eux, qui semblait plus considĂ©rable, prenait, tout en marchant, quelques notes sur un album. C'Ă©tait le prĂ©sident du jury M. Derozerays de la Panville. SitĂÂŽt qu'il reconnut Rodolphe, il s'avança vivement, et lui dit en souriant d'un air aimable - Comment, monsieur Boulanger, vous nous abandonnez ? Rodolphe protesta qu'il allait venir. Mais quand le prĂ©sident eut disparu - Ma foi, non, reprit-il, je n'irai pas ; votre compagnie vaut bien la sienne. Et, tout en se moquant des comices, Rodolphe, pour circuler plus Ă l'aise, montrait au gendarme sa pancarte bleue, et mĂÂȘme il s'arrĂÂȘtait parfois devant quelque beau sujet , que madame Bovary n'admirait guĂšre. Il s'en aperçut, et alors se mit Ă faire des plaisanteries sur les dames d'Yonville, Ă propos de leur toilette ; puis il s'excusa lui-mĂÂȘme du nĂ©gligĂ© de la sienne. Elle avait cette incohĂ©rence de choses communes et recherchĂ©es, oĂÂč le vulgaire, d'habitude, croit entrevoir la rĂ©vĂ©lation d'une existence excentrique, les dĂ©sordres du sentiment, les tyrannies de l'art, et toujours un certain mĂ©pris des conventions sociales, ce qui le sĂ©duit ou l'exaspĂšre. Ainsi sa chemise de batiste Ă manchettes plissĂ©es bouffait au hasard du vent, dans l'ouverture de son gilet, qui Ă©tait de coutil gris, et son pantalon Ă larges raies dĂ©couvrait aux chevilles ses bottines de nankin, claquĂ©es de cuir verni. Elles Ă©taient si vernies, que l'herbe s'y reflĂ©tait. Il foulait avec elles les crottins de cheval, une main dans la poche de sa veste et son chapeau de paille mis de cĂÂŽtĂ©. - D'ailleurs, ajouta-t-il, quand on habite la campagne... - Tout est peine perdue, dit Emma. - C'est vrai ! rĂ©pliqua Rodolphe. Songer que pas un seul de ces braves gens n'est capable de comprendre mĂÂȘme la tournure d'un habit ! Alors ils parlĂšrent de la mĂ©diocritĂ© provinciale, des existences qu'elle Ă©touffait, des illusions qui s'y perdaient. - Aussi, disait Rodolphe, je m'enfonce dans une tristesse... - Vous ! fit-elle avec Ă©tonnement. Mais je vous croyais trĂšs gai ? - Ah ! oui d'apparence, parce qu'au milieu du monde je sais mettre sur mon visage un masque railleur ; et cependant que de fois, Ă la vue d'un cimetiĂšre, au clair de lune je me suis demandĂ© si je ne ferais pas mieux d'aller rejoindre ceux qui sont Ă dormir... - Oh ! Et vos amis ? dit-elle. Vous n'y pensez pas. - Mes amis ? lesquels donc ? en ai-je ? Qui s'inquiĂšte de moi ? Et il accompagna ces derniers mots d'une sorte de sifflement entre ses lĂšvres. Mais ils furent obligĂ©s de s'Ă©carter l'un de l'autre, Ă cause d'un grand Ă©chafaudage de chaises qu'un homme portait derriĂšre eux. Il en Ă©tait si surchargĂ©, que l'on apercevait seulement la pointe de ses sabots, avec le bout de ses deux bras, Ă©cartĂ©s droit. C'Ă©tait Lestiboudois, le fossoyeur, qui charriait dans la multitude les chaises de l'Ă©glise. Plein d'imagination pour tout ce qui concernait ses intĂ©rĂÂȘts, il avait dĂ©couvert ce moyen de tirer parti des comices ; et son idĂ©e lui rĂ©ussissait, car il ne savait plus auquel entendre. En effet, les villageois, qui avaient chaud, se disputaient ces siĂšges dont la paille sentait l'encens, et s'appuyaient contre leurs gros dossiers salis par la cire des cierges, avec une certaine vĂ©nĂ©ration. Madame Bovary reprit le bras de Rodolphe ; il continua comme se parlant Ă lui-mĂÂȘme - Oui ! tant de choses m'ont manquĂ© ! toujours seul ! Ah ! Si j'avais eu un but dans la vie, si j'eusse rencontrĂ© une affection, si j'avais trouvĂ© quelqu'un... Oh ! comme j'aurais dĂ©pensĂ© toute l'Ă©nergie dont je suis capable, j'aurais surmontĂ© tout, brisĂ© tout ! - Il me semble pourtant, dit Emma, que vous n'ĂÂȘtes guĂšre Ă plaindre. - Ah ! vous trouvez ? fit Rodolphe. - Car enfin..., reprit-elle, vous ĂÂȘtes libre. Elle hĂ©sita - Riche. - Ne vous moquez pas de moi, rĂ©pondit-il. Et elle jurait qu'elle ne se moquait pas, quand un coup de canon retentit ; aussitĂÂŽt, on se poussa, pĂÂȘle-mĂÂȘle, vers le village. C'Ă©tait une fausse alerte. M. le prĂ©fet n'arrivait pas ; et les membres du jury se trouvaient fort embarrassĂ©s, ne sachant s'il fallait commencer la sĂ©ance ou bien attendre encore. Enfin, au fond de la Place, parut un grand landau de louage, traĂnĂ© par deux chevaux maigres, que fouettait Ă tour de bras un cocher en chapeau blanc. Binet n'eut que le temps de crier " Aux armes ! " et le colonel de l'imiter. On courut vers les faisceaux. On se prĂ©cipita. Quelques-uns mĂÂȘme oubliĂšrent leur col. Mais l'Ă©quipage prĂ©fectoral sembla deviner cet embarras, et les deux rosses accouplĂ©es, se dandinant sur leur chaĂnette, arrivĂšrent au petit trot devant le pĂ©ristyle de la mairie, juste au moment oĂÂč la garde nationale et les pompiers s'y dĂ©ployaient, tambour battant, et marquant le pas. - Balancez ! cria Binet. - Halte ! cria le colonel. Par file Ă gauche ! Et, aprĂšs un port d'armes oĂÂč le cliquetis des capucines, se dĂ©roulant, sonna comme un chaudron de cuivre qui dĂ©gringole les escaliers, tous les fusils retombĂšrent. Alors on vit descendre du carrosse un monsieur vĂÂȘtu d'un habit court Ă broderie d'argent, chauve sur le front, portant toupet Ă l'occiput, ayant le teint blafard et l'apparence des plus bĂ©nignes. Ses deux yeux, fort gros et couverts de paupiĂšres Ă©paisses, se fermaient Ă demi pour considĂ©rer la multitude, en mĂÂȘme temps qu'il levait son nez pointu et faisait sourire sa bouche rentrĂ©e. Il reconnut le maire Ă son Ă©charpe, et lui exposa que M. le prĂ©fet n'avait pu venir. Il Ă©tait, lui, un conseiller de prĂ©fecture ; puis il ajouta quelques excuses. Tuvache y rĂ©pondit par des civilitĂ©s, l'autre s'avoua confus ; et ils restaient ainsi, face Ă face, et leurs fronts se touchant presque, avec les membres du jury tout alentour, le conseil municipal, les notables, la garde nationale et la foule. M. le conseiller, appuyant contre sa poitrine son petit tricorne noir, rĂ©itĂ©rait ses salutations, tandis que Tuvache, courbĂ© comme un arc, souriait aussi, bĂ©gayait, cherchait ses phrases, protestait de son dĂ©vouement Ă la monarchie, et de l'honneur que l'on faisait Ă Yonville. Hippolyte, le garçon de l'auberge, vint prendre par la bride les chevaux du cocher, et tout en boitant de son pied bot, il les conduisit sous le porche du Lion d'Or , oĂÂč beaucoup de paysans s'amassĂšrent Ă regarder la voiture. Le tambour battit, l'obusier tonna, et les messieurs Ă la file montĂšrent s'asseoir sur l'estrade, dans les fauteuils en utrecht rouge qu'avait prĂÂȘtĂ©s madame Tuvache. Tous ces gens-lĂ se ressemblaient. Leurs molles figures blondes, un peu hĂÂąlĂ©es par le soleil, avaient la couleur du cidre doux, et leurs favoris bouffants s'Ă©chappaient de grands cols roides, que maintenaient des cravates blanches Ă rosette bien Ă©talĂ©e. Tous les gilets Ă©taient de velours, Ă chĂÂąle ; toutes les montres portaient au bout d'un long ruban quelque cachet ovale en cornaline ; et l'on appuyait ses deux mains sur ses deux cuisses, en Ă©cartant avec soin la fourche du pantalon, dont le drap non dĂ©cati reluisait plus brillamment que le cuir des fortes bottes. Les dames de la sociĂ©tĂ© se tenaient derriĂšre, sous le vestibule, entre les colonnes, tandis que le commun de la foule Ă©tait en face, debout, ou bien assis sur des chaises. En effet, Lestiboudois avait apportĂ© lĂ toutes celles qu'il avait dĂ©mĂ©nagĂ©es de la prairie, et mĂÂȘme il courait Ă chaque minute en chercher d'autres dans l'Ă©glise, et causait un tel encombrement par son commerce, que l'on avait grand-peine Ă parvenir jusqu'au petit escalier de l'estrade. - Moi, je trouve, dit M. Lheureux s'adressant au pharmacien, qui passait pour gagner sa place , que l'on aurait dĂ» planter lĂ deux mĂÂąts vĂ©nitiens avec quelque chose d'un peu sĂ©vĂšre et de riche comme nouveautĂ©s, c'eĂ»t Ă©tĂ© d'un fort joli coup d'oeil. - Certes, rĂ©pondit Homais. Mais, que voulez-vous ! c'est le maire qui a tout pris sous son bonnet. Il n'a pas grand goĂ»t, ce pauvre Tuvache, et il est mĂÂȘme complĂštement dĂ©nuĂ© de ce qui s'appelle le gĂ©nie des arts. Cependant Rodolphe, avec madame Bovary, Ă©tait montĂ© au premier Ă©tage de la mairie, dans la salle des dĂ©libĂ©rations , et, comme elle Ă©tait vide, il avait dĂ©clarĂ© que l'on y serait bien pour jouir du spectacle plus Ă son aise. Il prit trois tabourets autour de la table ovale, sous le buste du monarque, et, les ayant approchĂ©s de l'une des fenĂÂȘtres, ils s'assirent l'un prĂšs de l'autre. Il y eut une agitation sur l'estrade, de longs chuchotements, des pourparlers. Enfin, M. le Conseiller se leva. On savait maintenant qu'il s'appelait Lieuvain, et l'on se rĂ©pĂ©tait son nom de l'un Ă l'autre, dans la foule. Quand il eut donc collationnĂ© quelques feuilles et appliquĂ© dessus son oeil pour y mieux voir, il commença " Messieurs, " Qu'il me soit permis d'abord avant de vous entretenir de l'objet de cette rĂ©union d'aujourd'hui, et ce sentiment, j'en suis sĂ»r, sera partagĂ© par vous tous , qu'il me soit permis, dis-je, de rendre justice Ă l'administration supĂ©rieure, au gouvernement, au monarque, messieurs, Ă notre souverain, Ă ce roi bien-aimĂ© Ă qui aucune branche de la prospĂ©ritĂ© publique ou particuliĂšre n'est indiffĂ©rente, et qui dirige Ă la fois d'une main si ferme et si sage le char de l'Etat parmi les pĂ©rils incessants d'une mer orageuse, sachant d'ailleurs faire respecter la paix comme la guerre, l'industrie, le commerce, l'agriculture et les beaux-arts. " - Je devrais, dit Rodolphe ; me reculer un peu. - Pourquoi ? dit Emma. Mais, Ă ce moment, la voix du Conseiller s'Ă©leva d'un ton extraordinaire. Il dĂ©clamait " Le temps n'est plus, messieurs, oĂÂč la discorde civile ensanglantait nos places publiques, oĂÂč le propriĂ©taire, le nĂ©gociant, l'ouvrier lui-mĂÂȘme, en s'endormant le soir d'un sommeil paisible, tremblaient de se voir rĂ©veillĂ©s tout Ă coup au bruit des tocsins incendiaires, oĂÂč les maximes les plus subversives sapaient audacieusement les bases. " - C'est qu'on pourrait, reprit Rodolphe, m'apercevoir d'en bas ; puis j'en aurais pour quinze jours Ă donner des excuses, et, avec ma mauvaise rĂ©putation... - Oh ! vous vous calomniez, dit Emma. - Non, non, elle est exĂ©crable, je vous jure. " Mais, messieurs, poursuivait le Conseiller, que si, Ă©cartant de mon souvenir ces sombres tableaux, je reporte mes yeux sur la situation actuelle de notre belle patrie qu'y vois-je ? Partout fleurissent le commerce et les arts ; partout des voies nouvelles de communication, comme autant d'artĂšres nouvelles dans le corps de l'Etat, y Ă©tablissent des rapports nouveaux ; nos grands centres manufacturiers ont repris leur activitĂ© ; la religion, plus affermie, sourit Ă tous les coeurs ; nos ports sont pleins, la confiance renaĂt, et enfin la France respire !... " - Du reste, ajouta Rodolphe, peut-ĂÂȘtre, au point de vue du monde, a-t-on raison ? - Comment cela ? fit-elle. - Eh quoi ! dit-il, ne savez-vous pas qu'il y a des ĂÂąmes sans cesse tourmentĂ©es ? Il leur faut tour Ă tour le rĂÂȘve et l'action, les passions les plus pures, les jouissances les plus furieuses, et l'on se jette ainsi dans toutes sortes de fantaisies, de folies. Alors elle le regarda comme on contemple un voyageur qui a passĂ© par des pays extraordinaires, et elle reprit - Nous n'avons pas mĂÂȘme cette distraction, nous autres pauvres femmes ! - Triste distraction, car on n'y trouve pas le bonheur. - Mais le trouve-t-on jamais ? demanda-t-elle. - Oui, il se rencontre un jour, rĂ©pondit-il. " Et c'est lĂ ce que vous avez compris, disait le Conseiller. Vous, agriculteurs et ouvriers des campagnes ; vous, pionniers pacifiques d'une oeuvre toute de civilisation ! vous, hommes de progrĂšs et de moralitĂ© ! vous avez compris, dis-je, que les orages politiques sont encore plus redoutables vraiment que les dĂ©sordres de l'atmosphĂšre... " - Il se rencontre un jour, rĂ©pĂ©ta Rodolphe, un jour, tout Ă coup, et quand on en dĂ©sespĂ©rait. Alors des horizons s'entrouvrent, c'est comme une voix qui crie " Le voilĂ ! " Vous sentez le besoin de faire Ă cette personne la confidence de votre vie, de lui donner tout, de lui sacrifier tout ! On ne s'explique pas, on se devine. On s'est entrevu dans ses rĂÂȘves. Et il la regardait. Enfin, il est lĂ , ce trĂ©sor que l'on a tant cherchĂ©, lĂ , devant vous ; il brille, il Ă©tincelle. Cependant on en doute encore, on n'ose y croire ; on en reste Ă©bloui ; comme si l'on sortait des tĂ©nĂšbres Ă la lumiĂšre. Et, en achevant ces mots, Rodolphe ajouta la pantomime Ă sa phrase. Il se passa la main sur le visage, tel qu'un homme pris d'Ă©tourdissement ; puis il la laissa retomber sur celle d'Emma. Elle retira la sienne. Mais le Conseiller lisait toujours " Et qui s'en Ă©tonnerait, messieurs ? Celui-lĂ seul qui serait assez aveugle, assez plongĂ© Je ne crains pas de le dire , assez plongĂ© dans les prĂ©jugĂ©s d'un autre ĂÂąge pour mĂ©connaĂtre encore l'esprit des populations agricoles. OĂÂč trouver, en effet, plus de patriotisme que dans les campagnes, plus de dĂ©vouement Ă la cause publique, plus d'intelligence en un mot ? Et je n'entends pas, messieurs, cette intelligence superficielle, vain ornement des esprits oisifs, mais plus de cette intelligence profonde et modĂ©rĂ©e, qui s'applique par-dessus toute chose Ă poursuivre des buts utiles, contribuant ainsi au bien de chacun, Ă l'amĂ©lioration commune et au soutien des Etats, fruit du respect des lois et de la pratique des devoirs... " - Ah ! encore, dit Rodolphe. Toujours les devoirs, je suis assommĂ© de ces mots-lĂ . Ils sont un tas de vieilles gan
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Que crier ne sert jamais Ă rien ? On parle tout autour de moi, je ne comprends rien. Bien des gens me font la cible de leur regard noir. Ah non cette fois je nây suis pour rien ! HĂ© ! HĂ© Logan quâest ce quâil se passe ! »Le prof ne sâarrĂȘte pas mais continue son chemin en sens inverse de la foule. Je tâai dĂ©jĂ dis de ne pas mâappeler par mon prĂ©nom devant tout le monde, chui ton prof merde ! » Scuse ! Bon quâest ce quâil y a ? Pourquoi ça cri comme ça ? » Une fille vient de se faire agresser, un type avec un couteau, enfin Ă ce quâelle dit câĂ©tait plein de fumĂ©e... et le pire dans tout ça je nâarrive pas Ă le localiser ! »Comment pourrait-il localiser de la fumĂ©e !___________________________________________________________________________ * Ne fait pas de bruit ! ** Câest toi quâen fais espĂšce de cachalot ! ** Toi-mĂȘme phacochĂšre ! ** Commence pas Ă mâinsulter ! ** Câest toi quâĂ commencĂ© ! *Bon câest vrai il a raison mais câest lui qui a fait du bruit en premier ! Ce nâest pas la premiĂšre fois quâon sort en pleine nuit alors merde il pourrait faire attention depuis le temps !* Mais putain jte dis que ce nâest pas moi ! donc câest toi !* Je suis certaine que je nâai rien touchĂ©. Je descendais tranquillement lâescalier du dortoir au moment ou jâai entendu comme le raclement dâune arme blanche... soit les griffes dâAshkane ! Ăa ne pouvait ĂȘtre que ça merde !* HĂ© lara croft Ă©coute bien CE NâEST PAS MOI ! *Alors... si ce nâest ni lui ni moi. CâĂ©tait quoi ce putain de bruit ?* Jânâaime pas cette nuit ! ** Tâes pas le seul, ça me donne la chair de poule ** Poule mouillĂ©e ! ** Aha morte de rire ** HĂ© tu mâas tendu la perche ! ** Oh ça va tais-toi ! *Minuit ? Non lâheure du crime Ă©tait passĂ©e depuis une heure dĂ©jĂ . Mais cette nuit serait diffĂ©rente, peut-ĂȘtre, surement. CâĂ©tait le genre de nuit oĂč les pressentiments font genre de nuit oĂč jâentends le vent souffler dans les feuilles des arbres alors quâelles restent parfaitement immobiles... ce genre de nuit oĂč on sait quâil va se passer quelque chose. Cette nuit lĂ . * Je crois que ce soir on va sle faire ! ** Wesh man ! *Depuis quâune jeune fille avait Ă©tĂ© agressĂ©e dans la nuit, on avait passĂ© quelques temps nos nuits entiĂšres dans lâinfirmerie. Jâavais fait assez de connerie dans cette Ă©cole. Pour une fois dans ma vie je nâallais RIEN faire. Je nâĂ©tais pas superwoman ou je ne sais quâelle hĂ©roĂŻne. JâĂ©tais mortelle comme tout le monde mĂȘme si jâavais deux atouts. Le premier Ă©tait mon pouvoir, trĂšs utile et efficace et le second le simple » entrainement que jâavais reçu. Ne plus ressentir ni de peur ni de douleur... câĂ©tait bien. Peut-ĂȘtre, surement. Mais ça revenait Ă ne plus ĂȘtre humaine. Non impossible. Je nâavais pus lâaccepter. Je nâavais pu fuir et grĂące Ă cette Ă©cole, Ă ses habitants, je devenais peu Ă peu celle que jâaurais du ĂȘtre. MĂȘme si bien des choses resteraient, bien des choses Ă©taient encore prĂ©sentes. Si je pouvais maintenant ressentir une foule de sentiments, deux mâĂ©chappaient encore la peur et la douleur. Les deux Ă©taient-elles liĂ©es ? Ne plus avoir peur... CâĂ©tait derriĂšre cette minable excuse, lâexcuse de mon passĂ©e, que je me retranchait pour expliquer ma prĂ©sence en pleine nuit dans les couloirs de lâĂ©cole alors quâun tueur enragĂ© courait librement dehors. Mais câĂ©tait plus fort que moi, je ne pouvais plus le laisser faire. Pas aprĂšs ce quâil avait fait, depuis des jours et des jours Ă ces Ă©lĂšves, Ă Calypso. Jâallais bien sur, tout droit dans la gueule du loup. Qui sait peut-ĂȘtre que ça se terminerait ce soir. Mais le pressentiment que jâavais Ă©tait tout autre. Quelque chose allait se passer et ce ne serait pas forcement en ma faveur. * Tu as entendu ? ** Oui, encore un bruit mais bon on sait pas qui traine dans les couloirs en plus de nous *Oui. VoilĂ pourquoi nous passĂąmes par les cuisines histoire de choper un ou deux couteaux. Câest toujours utiles ces trucs lĂ ^^ mĂȘme si je nâen avais pas besoin. MĂȘme si mon pouvoir pouvait les remplacer. On ne sait jamais sur quoi -ou qui- on peut tomber. La vie Ă lâuniversitĂ© mâavait prouvĂ© quâon pouvait rencontrer bien des gens avec des pouvoirs diffĂ©rents et dâautres semblables. Je ne tenais pas Ă tomber face Ă face avec quelquâun capable de neutraliser les pouvoirs des autres... Comme mon maitre. * Putain tâas entendu lĂ ? ** Ici ! *Par bonheur la porte de la bibliothĂšque sâouvrit sans grincer. Quelque part dans lâobscuritĂ© des rayonnages une fenĂȘtre mal refermĂ©e claquait. Putain faut ĂȘtre vraiment dĂ©bile pour laisser une fenĂȘtre ouverte alors quâun tueur rode et pourrait sâen servir pour rentrer !* Bon viens on va fermer ça !*Le problĂšme câest que les fenĂȘtres de la bibliothĂšque Ă©taient toutes fermĂ©es. Toutes, mĂȘme celles du fond, lĂ oĂč il faisait toujours noir mĂȘme en plein jours.* Jânâaime pas ça * grognais-je en serrant les dents. DerniĂšre Ă©dition par Kalhan XĂ©nia le Jeu 17 Juin - 1241, Ă©ditĂ© 3 fois Aaron Dwayne ...ou comment ĂȘtre un Feu Follet sur pattes \o/ » Messages 4008Date d'inscription 07/08/2009Age 29Localisation Entre les lignes de son Histoire Feuille de personnageAge de l'humain 28 ans =PPouvoir DĂ©clenche des Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Mer 16 Juin - 2141 Une silhouette sombre passa sur la pelouse. Si silencieuse et si discrĂšte qu'Aaron cru qu'il avait rĂȘvĂ©. Ne rĂ©agit pas. MĂȘme si son instinct lui criait d'aller voir. Il avait autre chose Ă faire. Penser, par exemple. Penser Ă ce qui s'Ă©tait passĂ© cette soirĂ©e lĂ , en ville, cette aprĂšs midi lĂ , dans le parc, ce matin lĂ , Ă la plage. Qu'est ce qu'il allait bien pouvoir faire ? Le cri retentit dans la nuit, et tout s'enchaina Ă une vitesse surhumaine. Kalhan ! KALHAN ! Putain passe moi devant, j'te dirais rien... »Elle ne l'avait pas entendu, trop occupĂ©e Ă se diriger vers les dortoirs, comme la plupart des gens Ă©veillĂ©s dans LindwuĂ«n cette nuit lĂ . Tout le monde Ă©tait rĂ©veillĂ©. Assit sur cette fenĂȘtre d'oĂč il avait dĂ©jĂ vu Kalhan chercher Ă entrer chez Wolf avant la guerre, Aaron avait rĂ©agit Ă une vitesse incroyable. Le temps de voir la jeune fille passer au loin et il s'Ă©tait dĂ©cidĂ©. Merde ! C'Ă©tait quoi ce cri ? Il s'Ă©tait accroupit, avait sautĂ© les trois quatre mĂštres qui le sĂ©paraient du sol sans problĂšmes et avait couru jusqu'Ă la chambre. Il avait jouĂ© des coudes pour se frayer un chemin, avait fini par se retrouver face Ă une gamine en sang et pourtant entiĂšre qui Ă©tait dans les bras de Logan. Et merde. Tu l'as... » Non. Je n'ai rien vu. »Aaron avait serrĂ© les dents, grimacĂ© et Ă©tait ressortit de la piĂšce en repoussant des Ă©lĂšves trop curieux. Il s'Ă©tait retrouvĂ© seul dehors, avait sondĂ© la nuit de ses yeux gris. N'avait pas captĂ© le pan de cape sombre qui flottait entre les branches d'un grand arbre. Ni le sourire carnassier qui s'Ă©tait affichĂ© sur les lĂšvres de l'Ombre. Il Ă©tait furieux, furieux de ne pas avoir Ă©tĂ© lĂ . Et dire qu'elle aurait pu mourir ! En tant que pion il aurait du surveiller LindwuĂ«n. Il aurait du... GaĂŻa referma ses petites serres sur son Ă©paule et regarda la nuit d'un Ćil sombre. Dark and difficult times lie ahead. ______________________________________________Une silhouette sombre passa sur la pelouse. Si silencieuse et si discrĂšte qu'Aaron cru qu'il avait rĂȘvĂ©. Pas cette fois... ImmĂ©diatement il s'accroupit et se prĂ©para Ă sauter. Si la lune n'avait pas accrochĂ© un Ă©clair brun et l'ombre immense d'une crĂ©ature dĂ©mesurĂ©ment...poilue. Ashkane. Aaron jura et sauta tout de mĂȘme. Sa cheville craqua et il retint un cri, roulĂ© en boule sur son pied, espĂ©rant qu'elle n'Ă©tait pas cassĂ©e. Merde ! Les dents serrĂ©es, il se releva et se rendit compte qu'il n'avait heureusement rien. C'Ă©tait juste un peu douloureux. Kalhan s'Ă©tait Ă©vanouie dans la nuit et seule la vigilance constante de GaĂŻa permit Ă Aaron de la retrouver. La jeune fille et son daĂ«mon passĂšrent dans la bibliothĂšque silencieusement et le pion se sentit de plus en plus en colĂšre. Il referma la porte sans bruits derriĂšre lui, les entendit chuchoter plus loin. Serrant les poings, il se dirigea d'un pas ferme vers la jeune fille qu'il considĂ©rait comme sa meilleure amie, voire sa petite sĆur. Kalhan ! » gronda-t-il en chuchotant. Putain qu'est ce que vous foutez ici tous les deux ? Vous savez pas que c'est pas le moment de se balader seuls la nuit ? Merde! Mais vous avez quoi dans le crĂąne ?? »Il Ă©tait en colĂšre. Et si jamais elle s'Ă©tait fait attaquĂ©e par l'autre fou ?! Si jamais ils l'avaient trouvĂ©e le lendemain, baignant seule dans son sang, sans son daĂ«mon Ă ses cĂŽtĂ©s ? Putain ! Le chuchotement d'un voile sur le bois l'arrĂȘta alors qu'il allait encore leur gueuler dessus sans Ă©lever la voix. Aaron se redressa et regarda partout autour de lui en fronçant les sourcils, tous ses sens aux aguets. Il serra la mĂąchoire Ă s'en faire pĂ©ter les dents et foudroya Kalhan du regard. Sortez d'ici, maintenant ! » continua-t-il sur le mĂȘme ton bruit d'une serrure qui se ferme retentit, suivit d'un frisson accompagnĂ© d'un souffle froid dans toute la piĂšce. Aaron serra les poings, sentant son coeur se mettre Ă battre plus fort dans sa poitrine, l'adrĂ©naline lui montant Ă la tĂȘte. Pas ce soir, pas ce soir... Si jamais..Et pourtant. L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Mer 16 Juin - 2229 L'Ombre hĂ©sitait entre fulminer et jubiler. Ce qu'il avait devant lui Ă©tait d'une telle incongruitĂ© dans cette universitĂ© ! Il n'avait jamais vu ça. Au milieu de ces gamins et de ces professeurs trouillards, une Ă©tincelle. Il ne savait pas trĂšs bien si il avait envie de l'Ă©craser ou de la cultiver au contraire. Une chose Ă©tait sure il voulait comprendre. Comprendre. Pourquoi. Pourquoi cette fille n'avait elle pas peur ? Le Suiveur siffla rageusement et se faufila Ă l'arriĂšre de la nuque de son maitre, dans la pĂ©nombre de sa capuche. A l'abri. Pour ne pas ressentir ce qu'elle ne supportait pas ressentir. De l'incomprĂ©hension... accompagnĂ©e d'une pointe d'apprĂ©hension. Le Suiveur se ramassa en une boule de rage et elle se mit Ă persifler des horreurs. Tuer. DĂ©pecer. Faire peur. Faire mal. TrĂšs mal ! Encore et encore. Jusqu'Ă ce qu'elle crie ! AprĂšs fini ! Plus d'erreur. L'Ombre passa sa main dans sa capuche et caressa les contours de son daĂ«mon en la calmant. Chut, nous verrons ma belle, nous verrons. Le Suiveur siffla et se mit Ă trembler de rage. Elle n'aimait vraiment pas cette gamine. Pourquoi ? Lui ça l'excitait de dĂ©couvrir de nouvelles choses ! Et de toute Ă©vidence il en avait trouvĂ© une belle cette Kalhan n'avait pas peur. Et ça l'intriguait. Alors il l'avait suivit, jubilĂ© lorsqu'elle Ă©tait sortie, apparemment Ă sa recherche. Ainsi tu cherche le loup ma belle ? Ne te pleins pas de sentir la morsure de ses crocs lorsqu'il t'attrapera... Oh que oui il l'attraperait ! Et qui sait ce qu'il lui ferait ensuite...Autre. Homme. Presque silencieux . Il Ă©tait entrĂ© dans la bibliothĂšque par une fenĂȘtre mal fermĂ©e sous sa forme d'ombre, l'avait refermĂ©e ce qui avait semblĂ© perturber la fille. Et l'autre Ă©tait arrivĂ©. CachĂ© derriĂšre une pile de livres, l'Ombre l'avait regardĂ© s'approcher en se disant que si Le Suiveur ne l'avait pas avertit.. Non. Il Ă©tait bruyant lui aussi. Personne n'Ă©tait aussi silencieux que lui. Le Suiveur ronronna amoureusement et posa une tĂȘte de fumĂ©e sur son Ă©paule. Tuer ? Dommage. Gris. Et silencieux. L'Ombre la foudroya du regard et pour une fois elle soutint ses yeux d'acier avec une pointe d'ironie. Il la trompait en aimant bien le mystĂšre de cette fille, elle le trompait en disant que cet homme Ă©tait silencieux. L'Ombre la dĂ©visagea d'un Ćil nouveau et finit par sourire. D'un sourire froid. Qu'elle aima immĂ©diatement. Tuer ? Tuer. Il le confirma et se redressa en silence. Le Suiveur eut un petit ricanement Ă©touffĂ© et s'envola vers le plafond pour se couler jusqu'Ă la porte. Se glissant dans la serrure, elle ferma la porte Ă clĂ©. Attendit que son humain fasse le travail. Un rire narquois s'Ă©chappa des lĂšvres de l'Ombre et il sortit Ă dĂ©couvert. Pour une fois. Le visage Ă demi cachĂ© par sa capuche c'Ă©tait la premiĂšre fois qu'il le faisait vraiment. Il sentait qu'il allait se battre. Adorait ça . Bonsoir, bonsoir... » lĂącha-t-il d'une voix grave et rocailleuse. DĂ©licieusement ironique. Que font deux agneaux hors de la bergerie Ă cette heure ci ? C'est une imprudence Ă appĂąter le loup.. AllĂ©chant. TrĂšs allĂ©chant.. »Ses yeux glissĂšrent sur le corps de la fille qui Ă©tait magnifiquement bien taillĂ©e pour le combat. Le Suiveur eut un rire mauvais dans sa serrure. L'Ombre pencha la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©, un sourire amusĂ© se dessinant sur ses lĂšvres lorsqu'il repĂ©ra les couteaux. Tututu... Il claqua de la langue et siffla comme un serpent. Mauvais ! Pas rĂ©sister ! Sinon tuer » Exactement, alors tes couteaux, ma jolie, c'est une mauvaise idĂ©e. »Il regarda ensuite l'homme d'un air moqueur et se coula au centre de la piĂšce, entre la porte et le couple de jeunes gens. Il recula lĂ©gĂšrement son pied droit, s'appuyant sur son gauche, son pied d'appui. Tendant lentement la main droite Ă la l'horizontale de son corps il fit jaillir doucement le poignard qui Ă©tait attachĂ© Ă son poignet. La lame siffla doucement et une lueur folle brilla dans ses yeux. Il avait tellement envie de voir si elle Ă©tait capable d'autant de chose que son corps promettait !! C'en Ă©tait fou. L'autre n'avait pas le moindre intĂ©rĂȘt, il n'avait pas l'air armĂ©. Seul son silence lorsqu'il se dĂ©plaçait Ă©tait inquiĂ©tant. Mais Le Suiveur Ă©tait lĂ pour l'aider. Toujours lĂ Tout dans son corps rayonnait d'une puissance sans nom, d'une Ă©nergie sauvage qui ne demandait qu'Ă se libĂ©rer et qu'il contenait prĂ©cieusement pour s'en servir plus tard. Quand il en aurait rĂ©ellement us fight... â Kalhan XĂ©nia Grande gueule traumatiseuse de nouveaux en chef » Messages 4011Date d'inscription 13/08/2009Age 30Feuille de personnageAge de l'humain 19 ansPouvoir PsychokinĂ©sie Peut tout faire par l'espritRelations Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Jeu 17 Juin - 012 Et lâheure du crime Ă©tait passĂ©e depuis longtemps Si câĂ©tait le tueur en question il ne faisait aucun effort pour se dissimuler. Le bruit de ses pas bien que beaucoup plus silencieux que le commun des mortels raisonnait dans les allĂ©es de livres. * Câest bon je reconnais Aaron *Quoi ? Mais quâest ce quâil fou ici lui ? Il ne sait pas quâil y a un tueur qui ... et si jamais il se faisait attaquĂ© et si... et merde. Il pensait surement la mĂȘme Ă mon sujet, la preuve le voilĂ qui dĂ©barque comme un taureau furieux. Oui il le pensait exactement. Croit-il seulement que je vais renoncer ? Pion ou non , ça suffit ! Il ne suffit pas d'ĂȘtre en colĂšre. MĂȘme si voir Aaron dans un tel Ă©tat d'Ă©nervement aurait pu me faire rougir de honte. Fou nous ? Non au contraire. Surement la mĂȘme chose que toi mais... » Ce quâon a dans le crane ? Et toi alors ? ZĂȘtes pas fichu de lâarrĂȘter ce type ! Nous on va en faire de la fricassĂ© de meurtrier ! Tu veux quoi lâaile ou la cuisse ? »Oh ! PAF, il lâavait mĂ©ritĂ© cette baffe. Le ligre me regarda avec des yeux ronds plus Ă©tonnĂ© que jamais. Quand comprendrait-il ? Quand apprendrait-il Ă ce tenir ? Putain ce nâest pas le moment Ash ! Ce nâest pas le moment !!! Je sentis au fond quâil Ă©tait vexĂ©. Il avait cru, il avait vraiment cru que je lâappuierais sur ce coup. Mais comment aurais-je pu dire Ă quelquâun quâil nâĂ©tait pas fichu dâattraper un meurtrier ? A Aaron ! Oui on Ă©tait sorti pour ça ce soir, oui on allait essayer de lâavoir mais ce nâest pas le moment de faire chier son monde ! Merde Ă la fin ! Que lâon soit jeune ou vieux, adulte ou mineur ça revenait au mĂȘme, oui on pouvait lâarrĂȘter mais sâil ne lâavait pas dĂ©jĂ Ă©tĂ© il y avait surement une raison ! On est pas des hĂ©ros, on est pas invincibles. Quand comprendras-tu Ash... Quand cesseras-tu de jouer avec nos vies ?Oui câĂ©tait vraiment le moment de sâengueuler ! Il mâen voulait, il ne comprenait pas... et je mâen voulais aussi tiens comme ça on fait la paire ! CâĂ©tait vraiment le meilleur moment pour perdre notre unitĂ© et nous remettre en question ! Câest trop tard, nous avons de la visite... » Grogna Ashkane Ă lâattention dâ ne sâexcuserait pas, oh que non ! Mais le bruit de la serrure avait tout fait retomber. Le danger Ă©tĂ© Ash... Aaron ! Jâaurais du mâexcuser pour Ashkane, pour ses paroles blessantes quâil ne manquait jamais de lancer Ă tord et Ă travers. Mais il y avait urgence. Quelque chose se rĂ©veillait en moi, quelque chose de nouveau. Oh ce nâĂ©tait pas le frĂ©missement comme pour un coup de foudre non non câĂ©tait diffĂ©rent ! DiffĂ©rent mais pas moins intense. Lâimpression que si... que si Aaron Ă©tait touchĂ©... non ! Aaron, je suppose que si je te dis de tâenfuir tu ne le feras pas ? »Je pouvais toujours essayer non ? Bonsoir, bonsoir... » C'Ă©tait lui. Jâaurais crus que mon ligre ferait un bond de surprise, trouille, trouille... mais non. Instinctivement, Ashkane montra ses crocs dĂ©mesurĂ©s. Pourquoi ? Pourquoi ce type nâavait-il pas peur devant lui ? Devant un tel monstre ? CâĂ©tait une premiĂšre ça aussi. Le ligre se tourna vers lâendroit dâoĂč Ă©tait venue la voix. Un instant jâeus lâimpression de revenir deux ans en arriĂšre, dans les rues de Naples. Ăa ne faisait que deux ans ??? Deux ans... câĂ©tait si peu. Je nâavais pas pu changer. Je devais surement pouvoir le faire encore... mais tuer Ă©tĂ© si horrible. Que font deux agneaux hors de la bergerie Ă cette heure ci ? C'est une imprudence Ă appĂąter le loup... AllĂ©chant. TrĂšs allĂ©chant... »Un agneau ? Mon pauvre si tu savais comme cette comparaison Ă©tait mal choisie pour nous qualifier ^^ Tous. On avait peut-ĂȘtre quelques annĂ©es de diffĂ©rences. Huit prĂ©cisĂ©ment. Mais Aaron en avait vu de belle aussi, jâespĂšrais juste quâil nâallait pas faire de crise cardiaque. Je ne pense pas mais comment savoir tant quâon nâa pas la mort sous les yeux ? Comment ĂȘtre sure tant quâon nâaffronte pas les choses ensemble ?* Ash...** Toi la ferme et fais ton boulot ! *Il mâen veut, il nâa rien dit en se faisant traiter dâagneau. Et pour une fois câest lui qui me dit de me taire ^^ Tes couteaux, ma jolie, c'est une mauvaise idĂ©e. »Tout ça me semble Ă©trange. Il est un peu trop sur de lui. Lui la chose lĂ , lâhomme. Et pourtant je ne vois pas ses yeux. Il faut dire quâon nâa pas de lumiĂšre ici, mais jâai lâimpression que mĂȘme sâil y en avait je ne les verrais pas. Quelque chose de mauvais Ă©mane de lui. Lâhorreur. CâĂ©tait la premiĂšre fois, je mâen rends compte maintenant, la premiĂšre fois que jâallais affronter quelquâun... qui nâavait pas peur. Quelquâun qui voulait tuer. Un meurtrier, un vrai. Alors en fait pendant toutes ses annĂ©es... câĂ©tait moi qui mâĂ©tais trouvĂ©e Ă sa place, Ă regarder mes proies en sachant combien il leur serrait futile de rĂ©sister, quâil Ă©tait impossible de sâĂ©chapper... Quelle horreur. CâĂ©tait moi que je regardais avec ces yeux vides. Quelle horreur. Ashkane ce dĂ©plaça sur le cotĂ© histoire de me cogner lâĂ©paule. Avec lui il ne fallait pas grand-chose.* Si tu permets je prĂ©fĂ©rerais me morfondre plus tard ! *Il a raison. Câest un crĂ©tin mais parfois il a raison. Naples. Ces ruelles sombres et Ă©troites, ces dalles tachĂ©es de sang et son meurtrier, sa tueuse prĂ©cisĂ©ment plantĂ©e au milieu des cadavres. Le calme. CâĂ©tait ça. CâĂ©tait juste lĂ . Je devais redevenir, calme. Sereine. DĂ©cidĂ©e. PrĂȘte. couteaux lâaurait presque fait rire, trĂšs bien pas de couteaux. Ohoooo il veut jouer Ă mains nues ? Excitant... RatĂ©. Ce putain de ... il a une... Quoi ? Comment ça ? Je devrais ne pas utiliser mes petits bijoux lĂ mais toi tâas le droit ? Je ne suis pas d'accords avec tes rĂšgles, tu triches »CâĂ©tait con... complĂštement dĂ©bile, de dire ça mais câĂ©tait la premiĂšre chose qui mâĂ©tait venue Ă lâesprit. DĂ©stabiliser. Quâaurais-je fais moi si jâĂ©tais Ă sa place ? Il ne voulait pas que je me dĂ©fende ? Pourquoi ? Lâimpression dâĂȘtre plus fort que moi ? Jâaurais du dire non, il se surestime. Mais ... câest Ă©trange. Quelque chose me dit quâil a raison de le penser. Merde. Ce nâest pas la meilleure chose Ă penser lĂ ! Je n'avais pas besoin de me forcer pour parler d'une voix calme et dĂ©cidĂ©e. Cette voix sans vie que j'avais eu pendant si longtemps. Cette voix incapable de rire. Allons, allons ! Faisons les choses dans lâordre tu veux ? Soyons Ă©quitable câest plus drĂŽle. »Et je lui tournais le dos. Incroyable ? Oui, jâose. Parce que mon ange gardien et lĂ , un certain Ashkane et quâun coup de patte de lui mâenverrais Ă lâautre bout de la salle avant que lâautre ait plantĂ© sa lame. VoilĂ pourquoi jâose lui tourner le dos et faire face Ă Aaron. Putain mais quâest ce que tu fou lĂ ! Manquerait plus quâil se croit un devoir de me protĂ©ger, tente de le faire... Je lui tends lâun des deux couteaux que jâavais pu subtiliser. Ni trop grand ni trop petit ; bref un couteau affutĂ©. Qui sait ce quâil peut se passer... On peut toujours avoir besoin dâaide mĂȘme si jâaime Ă penser quâil ne lâutilisera que pour se dĂ©fendre lui et pas moi. Si jamais il Ă©tait touchĂ©... Mes yeux quittent ses mains, ses mains que je sers avec le manche du couteau entre elles. Mon regard vide remonte vers son visage. Je ne pourrais supporter de le voir souillĂ© de sang. Ses yeux gris, brillants, rieur. SâĂ©teindre ? Jamais. De toutes mes forces jâessaie de lui faire comprendre, sâil te plait ne me retiens pas, ne pense pas Ă moi. Mais quoi quâon fasse, on ne peut mentir Aaron Dwayne ...ou comment ĂȘtre un Feu Follet sur pattes \o/ » Messages 4008Date d'inscription 07/08/2009Age 29Localisation Entre les lignes de son Histoire Feuille de personnageAge de l'humain 28 ans =PPouvoir DĂ©clenche des Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Sam 19 Juin - 2129 Ce quâon a dans le crane ? Et toi alors ? ZĂȘtes pas fichu de lâarrĂȘter ce type ! Nous on va en faire de la fricassĂ© de meurtrier ! Tu veux quoi lâaile ou la cuisse ? »Aaron serra les poings et se dit que, putain, il avait vraiment envie d'en coller une Ă ce Ligre de malheur. Et qu'il finirait probablement par oublier qu'il Ă©tait un daĂ«mon et qu'il n'avait le droit. Il Ă©tait tellement insupportable quand il s'y mettait ! Va te faire mettre, Ashkane ! » cracha-t-il, furieux. Si on pouvait mettre de la rage dans un nom, c'Ă©tait celui du Ligre en ce moment Kalhan rĂ©agit avant lui et lui colla une baffe qui le fit taire. De toute Ă©vidence le daĂ«mon n'avait pas apprĂ©ciĂ©, mais Aaron si. S'il ne le montra pas il se dit qu'il ne l'avait franchement pas volĂ©e ! Si il s'entendait merveilleusement bien avec Ashkane de temps Ă autre, il arrivait aussi souvent que les paroles en l'air du daĂ«mon l'Ă©nervent prodigieusement. Il n'Ă©tait pas rare que ça arrive. Vraiment pas rare. Aussi bien dans un cas que dans l'autre. Il fusilla du regard le Ligre lorsqu'il indiqua qu'ils n'Ă©taient pas seuls, prenant d'abord en compte le fait qu'il lui parle plus que l'information en elle mĂȘme. Puis, il prit en compte ce qu'il lui avait dit. Et son sang se glaça. Aaron, je suppose que si je te dis de tâenfuir tu ne le feras pas ? » Kalhan... » commença l'homme, mais il fut coupĂ© par une voix bien qu'il en veuille au Ligre, Aaron sentit une pointe de fiertĂ© pour lui lorsqu'il montra ses crocs dĂ©mesurĂ©s au nouvel arrivant. L'Ombre. Ainsi donc il Ă©tait comme le pion l'avait imaginĂ©. Pour ce qui Ă©tait de l'aura de puissance il n'Ă©tait pas déçu, ce mec... Il dĂ©bordait de vitalitĂ© et d'un calme froid et manipulateur. Chacun de ses gestes Ă©taient comptĂ©s, parfaitement maitrisĂ©s tout en restant d'une souplesse incroyable. Une seconde, Aaron l'envia, se mit une claque mentale magistrale. Ce fou avait tentĂ© de tuer des Ă©lĂšves et il avait surement dĂ©jĂ tuĂ© avant. En aucun cas il ne pouvait l'envier, comment envier sa folie Ă quelqu'un ? Surtout quand elle Ă©tait si il s'y attendait vu son caractĂšre, Kalhan lança une pique Ă l'homme. Restant de marbre, Aaron eut envie de sourire narquoisement. Ce mec avait peut ĂȘtre une aura de prĂ©dateur dĂ©mesurĂ©e, il ne l'impressionnait pas. Le pion dĂ©cida de chasser toute peur, apprĂ©hension et tout ce qui pouvait s'y apparenter, compartimentant son esprit avec facilitĂ©. Y laissant seulement une froide dĂ©termination. PosĂ©e sur une Ă©tagĂšre, GaĂŻa regardait d'un Ćil suspicieux la serrure. Elle Ă©tait sure que le daĂ«mon de l'Ombre s'y cachait, et pour y entrer il ne devait pas ĂȘtre grand ! Personne ne l'avait encore vu, allez savoir si ça n'Ă©tait pas une souris ! Dans ce cas lĂ elle lui aurait tordu le cou sans hĂ©siter. Kalhan se tourna vers Aaron qui sentit une boule de tristesse monter dans sa poitrine alors qu'il retrouvait le regard vide qu'elle lui avait donnĂ© lors de leur rencontre dans le parc. C'Ă©tait il y a tellement longtemps... Doucement, elle lui tendit l'un des deux couteaux qu'elle portait sur elle. Aaron tendit la main sans rien dire, attrapa la lame et laissa retomber son bras en inspirant profondĂ©ment. Il avait presque oubliĂ© la prĂ©sence de l'Ombre, se contenta de plonger ses yeux gris sans Ă©motions dans ceux de Kalhan. Un lĂ©ger soupir s'Ă©chappa de ses lĂšvres et il leva la main, chassa une mĂšche de devant les yeux de la jeune fille. Ne retombe pas dans cet Ă©tat lĂ Kalhan, n'oublie pas ce que c'est que la vie. Il laissa doucement glisser sa main sur sa joue, et un petit sourire Ă©tira lĂ©gĂšrement le coin de ses lĂšvres. Plein d'une rĂ©solution sombre. Il allait peut ĂȘtre mourir dans cette piĂšce. Il avait confiance en Kalhan, et si il ne voulait pas la perdre il savait qu'il ne fallait pas se mettre dans son chemin. Mais marcher sur la voie d'Ă cĂŽtĂ©. Elle ne serait pas seule. Il fit un pas en avant, colla ses lĂšvres Ă son oreille. Je serais Ă cĂŽtĂ© de toi Kalhan, tu n'es pas seule. Ne me sous-estime pas Ă ce point.. » murmura-t-il d'une voix recula, sourit d'un air vague et effaça ses Ă©paules pour passer devant. Il s'Ă©carta et se mit Ă s'Ă©loigner d'elle sans se rapprocher de l'Ombre, comme s'il comptait l'encercler. Comme s'il pouvait l'encercler... Il sentait son couteau au bout de sa main, il prolongeait simplement son corps, naturellement. Sans un bruit, il s'arrĂȘta en continuant de fixer l'homme au milieu de la piĂšce. Chuintement d'une L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Jeu 24 Juin - 1947 Haha Cette immense masse de chair Ă poulet et de graisse Ă©tait hilarante. Vraiment hilarante. Sans savoir vraiment pourquoi, l'Ombre sentit sa mĂąchoire se contracter de rage. S'en rendant compte, il oublia ses deux interlocuteurs en arqua un sourcil, ravi d'apprendre quelque chose d'autre. Cet animal l'agaçait, la question Ă©tait pourquoi ? SĂ»rement Ă cause de sa taille et de l'impression de puissance totale qu'il dĂ©gageait. BĂȘte. Gros. Et puant. Toi beau et silencieux La tirade amoureuse du Suiveur lui redonna le sourire et il s'autorisa un bref Ă©clat de rire lĂ©ger Ă la pique de la jeune femme. Elle Ă©tait vraiment fascinante. Mais qu'attendre d'autre de la part d'une Ă©lĂšve italienne ? Oh que oui il avait entendu des rumeurs Ă son sujet. L'apprentie de Naples. Maintenant il s'en rappelait, voilĂ pourquoi elle le fascinait en tout point. Son maĂźtre avait bien fait son travail Ă l'Ă©poque et il avait eu le loisir de l'apercevoir une fois. L'absence de tout sentiment chez cette fille Ă©tait incroyable. Pourtant elle Ă©tait lĂ , faisant semblant de s'inquiĂ©ter pour l'humain qui l'avait suivit dans la bibliothĂšque. C'est entre toi et moi Kalhan Si elle voulait jouer à ça. Elle avait raison aprĂšs tout, pourquoi avait-il sortit sa lame ? S'apprĂȘtant Ă lui rĂ©pondre, il vit avec amusement qu'elle se retournait, lui tendait le dos comme dans une invitation tentante Ă l'attaquer de dos. Beaucoup trop tentante. Un piĂšge, un simple piĂšge. Si jamais il s'Ă©lançait le balourd tenterait de l'arrĂȘter. Il ne douta pas un seul instant qu'il puisse l'esquiver sans peine, mais il voulait se battre uniquement avec Kalhan. Un combat loyal, l'entendre crier et peut ĂȘtre la faire ressentir quelque chose... le pied. Mais si elle s'Ă©tait retournĂ©e ce n'Ă©tait pas seulement pour le provoquer. De son pas aussi fĂ©lin qu'une reine, Kalhan s'arrĂȘta devant l'autre. Partagea sa lame avec lui. L'Ombre grimaça vertement et retint un grondement sourd qui lui venait du fond de la gorge. Quelle Ă©tait cette comĂ©die ? Elle ne ressentait rien, cet humain ne pouvait avoir sur elle quelque emprise. Un ricanement mauvais s'Ă©chappa de ses lĂšvres lorsque l'homme rĂ©pondit une phrase des plus idiotes. Si il y avait quelqu'un qu'il sous-estimait c'Ă©tait lui ! L'Ombre vibra rien que de penser Ă lui planter la lame dans le dans sa serrure, Le Suiveur se rappela en mĂȘme temps ce qu'elle savait sur cette Kalhan. Pourquoi ne l'avait-elle pas reconnue directement ? Sifflant d'une rage contenue, elle regarda la scĂšne se passer sans faire de commentaires. Elle capta un Ă©clat dorĂ© parsemĂ© de rouge, leva sĂšchement ses yeux vides. Qui se posĂšrent sur un petit oiseau qui regardait d'un air butĂ© l'humain qui avait prit la lame. DaĂ«mon. Un sourire machiavĂ©lique au cĆur, Le Suiveur sortit en suintant de la serrure, prenant bien soin de se dissimuler dans l'ombre des moulures de la porte. Sinuant entre les rangĂ©es de livres, elle se rapprocha tel un serpent du petit animal chĂ©tif. Ramper. Se fondre. Prendre par surprise. Ătrangler Prenant instinctivement la forme d'un serpent de fumĂ©e, elle continua son ascension, aussi indĂ©celable qu'une ombre parmi les ombres. Retrouvant son sĂ©rieux, l'Ombre regarda d'un Ćil la progression de l'homme. Si il comptait l'encercler il Ă©tait mal barrĂ©. L'autre s'immobilisa et il se dĂ©sintĂ©ressa immĂ©diatement de lui. Dans son esprit malsain, une idĂ©e germait et prenait de l'ampleur. Il tourna ses yeux gris clairs vers la jeune femme, un sourire carnassier perçant ses lĂšvres. Naples est il si loin que tes sentiments te seraient revenus ? Est-il seulement au courant que tu ne ressens absolument rien pour personne ? J'en doute vu la flamme dans ses yeux... Soyons Ă©quitable Kalhan, tu as raison. Toi aussi bien que moi savons que nous n'avons pas besoin d'armes aussi futiles que ces lames. Alors.. autant s'en dĂ©barrasser. »D'un geste sec, il dĂ©tendit son bras et la lame parcouru la moitiĂ© de la piĂšce en sifflant. Droit sur l'homme qui n'avait pas encore rĂ©agit. Il serait bien trop tard pour cela. Tuer Et espĂ©rer que sa rĂ©action soit Ă l'ampleur de la rĂ©vĂ©lation. Il connaissait son passĂ©. Kalhan XĂ©nia Grande gueule traumatiseuse de nouveaux en chef » Messages 4011Date d'inscription 13/08/2009Age 30Feuille de personnageAge de l'humain 19 ansPouvoir PsychokinĂ©sie Peut tout faire par l'espritRelations Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Mar 29 Juin - 1949 Si tu veux pouvoir supporter la vie, sois prĂȘt Ă accepter la mort ! » JâhĂ©sitais, devant le silence dâAaron. Ătait-il muet de peur ?Son regard me dĂ©mentis et je compris. Ses yeux sans Ă©motions. Il Ă©tait rĂ©signĂ©. Il Ă©tait prĂȘt lui aussi. Jâaurais tant voulu quâil ne soit pas lĂ . Jâaurais voulu ne jamais voir ses yeux habituellement si brillant devenir si ⊠froid. Je me rendis soudain compte quâil y avait bien des choses que jâignorais sur lui. Jâaurais voulu mieux le connaitre. Le temps me manquait alors que jâavais lâimpression de lui faire des adieux. Le sentiment dâurgence liĂ© Ă la prĂ©sence du tueur sâaccentua. AaronâŠDe sa main, il chasse une mĂšche de mes cheveux, tenta mĂȘme de sourire. Ce que jâĂ©tais devenue incapable de faire Ă cet instant. Aaron⊠Ne meurt pas. Promet le moi⊠Je serais Ă cĂŽtĂ© de toi Kalhan, tu n'es pas seule. Ne me sous-estime pas Ă ce point.. » murmura-t-il d'une voix je nâeus pas le cran de le lui demander. Comment pouvait-on demander Ă quelquâun de ne pas mourir ? Ăa ne dĂ©pendait pas de lui. CâĂ©tait une promesse impossible Ă tenir. Impossible Ă demander. Ne meurt pas Aaron. Jâaimerais ne pas te sous-estimer mais mon cĆur se serre en pensant Ă ce quâil pourrait tâarriver. Je ne veux pas que tu souffre. Je ne veux pas que tu meurs. Je ne veux pas que tu sois là ⊠mais tu lâes. Et tu reste Ă mes cotĂ©s. MalgrĂ© tout ce que tu sais. Et tu tâĂ©loigne de moi, non pas assurĂ© mais avec lâaisance de quelquâun qui sait. Qui sait quâil est prĂȘt. Qui sait ce quâil peut se passer. Qui lâa acceptĂ©. Ne meurt pas⊠AaronâŠQuâallions nous faire maintenant. Je ne cessais de penser Ă lui. Si jamais il lui arrivait quelque choseâŠ* Tu sais ce que tu dois faire pour le protĂ©ger *Je le sais. Je le sais et dĂ©teste cette idĂ©e. Je voulais continuer de penser. De penser Ă lui, Aaron. Comme si penser Ă©tait rĂ©confortant. Comme si ça pouvait mâaiderâŠ.Mais câĂ©tait tout le contraire. Je ne devais plus rien penser. Ne plus rĂ©flĂ©chir. Agir. Calme. PrĂȘte. Atteindre ce niveau de conscience ou rien ne mâĂ©chappe. Rien ne peut briser mes rĂ©flexes. Cet Ă©tat oĂč je ne suis quâune machine. Une machine au service dâun ordre. Un seul ordre. chacun des pas dâAaron que je suivais du coin de lâĆil, je mâefforcer de lâoublier. A chaque instant de ma vie, je sentais le pouvoir rugir sous ma peau. PrĂȘt Ă se dĂ©chainer. Il suffisait de le libĂ©rer. Non, doucement. Comme je lâai appris. A Naples. Comme on me lâa enseignĂ©, Ă coup de fouet. Laisse sâĂ©couler le pouvoir, atteindre cette conscience⊠conscience de toute chose. Comme si une main invisible se rependait dans la piĂšce, effleurant chaque Ă©tagĂšre, chaque livre, lâenglobant, lâenserrant avec douceur. Ashkane plus brillant que tout dans cette noirceur Ă©tait le seul que je mâefforçais de ne pas toucher. Câest quelque chose de trĂšs Ă©trange que de toucher son Ăąme avec son pouvoir. Ashkane, Ă mes cotĂ©s, ne quittais pas un instant le tueur des yeux. Il Ă©tait trĂšs Ă©trange de voir Ă quel point il pouvait ĂȘtre trouillard pour de petite chose⊠et comment il Ă©tait prĂȘt Ă tout quand sâen valait la peine. Il Ă©tait prĂȘt lui aussi, surement plus que moi. Il avait la Haine.* GaĂŻa chĂ©rie, tu peux surveiller son daemon ? Si câest quelque chose de trop gros je me ferrais un plaisir de te le tenir pendant que tu en fais ce que tu veux *Lentement, lentement, les sentiments me quittent. Plus rien ne compte. Juste lui. Lui, lâautre, les daemons. Des pions sur mon Ă©chiquier. Un jeu, rien quâun jeu. Rien ne compte je ne suis plus sâimmobilisa. Je ne le vis pas de mes yeux. Ce fut plutĂŽt comme une impression. Comme lorsque lâon a un pressentiment. Le fait sâinstalla dans mon esprit grĂące Ă mon pouvoir et non grĂące Ă mes yeux. En revanche, se fut mes yeux qui virent lâHomme se tourner vers moi. Son sourire. Sadique. Ătait-il fou ? Ătait-ce un psychopathe ? Quelque chose ne tournais pas rond chez lui, mais ce nâĂ©tait pas de la folie. CâĂ©tait un professionnel et cette simple idĂ©e mĂȘme le rendait monstrueusement plus dangereux. Il avait des yeux gris lui aussi⊠Aaron⊠Naples est il si loin que tes sentiments te seraient revenus ? Est-il seulement au courant que tu ne ressens absolument rien pour personne ? J'en doute vu la flamme dans ses yeux... Soyons Ă©quitable Kalhan, tu as raison. Toi aussi bien que moi savons que nous n'avons pas besoin d'armes aussi futiles que ces lames. Alors.. autant s'en dĂ©barrasser. »Le choc. Simple. Terrible. Comment ? Pourquoi ? OĂč ? Qui ? Tant de questions explosĂšrent dans mon esprit. JâĂ©tais plus que dĂ©concentrĂ©e jâĂ©tais⊠à sa vis son bras se dĂ©tendre Ă une vitesse folle et sa lame voler comme une flĂšche. Un jet de mort si bien lancĂ©, si bien dirigĂ©. Tout droit sur ⊠NON .La lame tranchante sâarrĂȘta net Ă quelques centimĂštres dâAaron. In extremis. Oh mon dieuâŠLe choc, la surprise, lâhorreur... la lame vibra prĂȘte Ă reprendre sa course⊠avant de tomber sur le sol avec un bruit Ă glacer le sang. Câavait Ă©tait si juste. Il aurait suffit de si peu. Si peu Aaron⊠pardonne moi, je ne mĂ©rite pas ta confiance. Je ne mĂ©rite pas de te paroles du tueur mâavaient sonnĂ©e. Je nâavais pu mâempĂȘcher de croiser le regard dâAaron. Il savait bien des choses. Il savait ce que jâavais subit, que par cela je ne sentais ni douleur ni peur⊠mais pas tout les crimes que jâavais commis, il ne savait pas de quoi jâĂ©tais responsable. Quâavait-il pu lire Ă cet instant dans mes yeux ? Je lâignorais moi-mĂȘme. Aaron sâil te plait, crois moi. Ne lâĂ©coute pas. Ne lâĂ©coute pas AaronâŠDans un second temps, le geste de cet assassin. Cet homme qui avait voulu tuer Aaron. Mon ami⊠Ce geste avait ravivĂ© ma colĂšre, in extremis, et cela avait suffit. Comme un Ă©lectrochoc jâavais pu me ressaisir et arrĂȘter la lame avant quâil ne soit trop tard. Mais il sâen Ă©tait fallu de si peu. Il recommencerait. Tout ceci mâavait figĂ©. JâĂ©tais tendue Ă craquer. Ses paroles avaient faillit me faire reculer sous le choc mais la colĂšre mâavait maintenue sur place. A prĂ©sent quâAaron est sauf, toutes les questions, les interrogations, les incomprĂ©hensions me revirent. La colĂšre sâempara de moi. Ne jamais attaquer dans la colĂšre. Ne jamais ce prĂ©cipiter⊠mais câĂ©tait si tentant. Jâaurais voulu lui faire payer ce quâil venait de faire ! Mais je ne devais pas oublier ce quâil venait de dire. La rage gonflait ma gorge alors que je serrais les dents pour ne pas crier. Je mâentendis demander de ma voix vide et qui pourtant semblait appeler le sang Qui es-tu ? Comment connais-tu mon nom ? Comment sais-tu pour Naples ? »A chacune des questions, ma voix avait augmentĂ©e de volume. Je due me taire pour ne pas crier. Je mourrais dâenvie de savoir qui il Ă©tait. Comment ? Pourquoi ? Qui ? Ou ? Quand ? Il nâĂ©tait plus question de me calmer. Je devais savoir. Je dois savoir !!! COMMENT SAIS-TU POUR MOI !!! »La question eut des airs dâaccusation. JE TE HAIS ! SIMPLEMENT PARCE QUE TU SAIS !DerniĂšre Ă©dition par Kalhan XĂ©nia le Mar 10 AoĂ» - 1835, Ă©ditĂ© 1 fois Aaron Dwayne ...ou comment ĂȘtre un Feu Follet sur pattes \o/ » Messages 4008Date d'inscription 07/08/2009Age 29Localisation Entre les lignes de son Histoire Feuille de personnageAge de l'humain 28 ans =PPouvoir DĂ©clenche des Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Lun 5 Juil - 122 Une prĂ©sence. Froide et brĂ»lante Ă la fois. CentrĂ©e et partout Ă la fois. Aaron sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque et un frisson lui parcouru la colonne vertĂ©brale. Instinctivement, il se ferma, sentant que quelque chose, ou quelqu'un, caressait du bout des doigts ses pensĂ©es, ou quelque chose approchant. Si jamais l'Ombre... GaĂŻa le contredit, ses yeux noirs braquĂ©s sur Kalhan. Elle n'Ă©tait pas touchĂ©e et le changement d'attitude de la jeune fille lui disait qu'elle Ă©tait la cause de cette impression. Aaron se dĂ©tendit immĂ©diatement et se reconcentra sur l'homme en face. L'assassin le suivait des yeux sans bouger le reste de son corps. Ces yeux gris.. il avait l'impression de voir les siens dans une glace. Mais il n'Ă©tait pas l'Ombre. GaĂŻa lui interdit fermement de le penser. Il acquiesça mentalement et se contenta de lui rendre son regard. Narquoisement, il sentit un sourire cachĂ© rendre leur brillant naturel Ă ses yeux. Si ses lĂšvres ne bougĂšrent pas, l'autre le capta tout de mĂȘme. Il dĂ©tourna alors les yeux, un sourire Ă©nigmatique aux lĂšvres.* GaĂŻa chĂ©rie, tu peux surveiller son daemon ? Si câest quelque chose de trop gros je me ferais un plaisir de te le tenir pendant que tu en fais ce que tu veux * * Compte sur moi Ash.. J'attend que c'te saloperie sorte de sa serrure et ce crĂ©tin arrogant va ravaler sa superbe, crois moi. * rĂ©pondit GaĂŻa avec une rage de vaincre intense. Aaron sentit sa fiertĂ© pour elle remonter d'un cran, si c'Ă©tait encore mots, des paroles, autant de lames tranchantes lancĂ©es dans les airs, fendant l'espace et le temps sans mal. Chacune visant Ă toucher Kalhan. A la toucher. Au cĆur. Ressens absolument rien. De quoi parlait-il ? De toute Ă©vidence il ne connaissait pas Kalhan, Aaron en Ă©tait persuadĂ©. Elle Ă©tait si souriante, si vive, si chiante parfois mĂȘme ! Comment pouvait-elle ne rien ressentir et jouer si bien la comĂ©die ? Il y avait dans les mots de l'Ombre une calme certitude et ses mots planaient avec la simplicitĂ© de la vĂ©ritĂ©. Mais il mentait. Aaron en Ă©tait persuadĂ©. Ses yeux. VoilĂ qu'il parlait de lui. Ce simple ses» dans sa bouche glaça l'Ăąme du pion. Il parle de moi. Ce barge parlait de lui. Ăa faisait froid dans le dos. Il serra plus la garde de son couteau et ses yeux dĂ©rivĂšrent vers Kalhan, histoire de voir quand elle Ă©claterait de rire pour dĂ©nier ce prĂ©tentieux. Il lui tardait de voir l'Ombre devenir blĂȘme, de voir ses poings se serrer de rage et sa mĂąchoire se contracter pour qu'il n'explose pas directement. Il tourna la tĂȘte. Trouva une Kalhan blĂȘme. TouchĂ©e. Ses Ă©paules descendirent alors qu'il sentait son incomprĂ©hension monter. Quoi ? Qu'est ce qui se passe Kalhan ? C'est pas vrai ? Hein que c'est pas vrai ? Ne l'Ă©coute pas, il ne raconte que des conneries. Je sais comment tu es, tu n'es pas ce qu'il raconte. C'est qu'un fou, un connard de timbrĂ© qu'il faut simplement interner. Ou Ă©radiquer. Un sifflement lui fit tourner les yeux. L'acier rencontra l'acier. Le temps d'ouvrir grand les siens de surprise, la lame filait toujours vers sa gorge. On raconte que dans ces moments lĂ , sa vie passe devant ses yeux. Mais tout ce qu'il Ă©tait capable de voir c'Ă©tait cette putain de lame qui viendrait se planter dans sa pomme d'Adam, le clouerait comme un insecte sur le bois de la bibliothĂšque. Pas le temps d'esquiver, pas le temps de tendre la main pour qu'elle vienne s'empaler dans sa paume. Il allait mourir. C'Ă©tait aussi con que ça. Dans le milliĂšme de seconde qui le sĂ©parait de l'impact, il se dit que c'Ă©tait impossible. Qu'il ne pouvait pas mourir aussi bĂȘtement. Il ne pouvait pas laisser Kalhan comme ça, seule face Ă cette abomination de la nature. Un battement cil, un battement de cĆur, un souffle qui s'Ă©chappe de ses lĂšvres, le cri de GaĂŻa. Et la yeux fermĂ©s et la main serrant aussi fort qu'il le pouvait sa lame, Aaron attendit l'impact qui ne vint jamais. Ses iris se posĂšrent sur la lame qui s'Ă©tait arrĂȘtĂ©e Ă quelques centimĂštres de sa gorge et qui volait paisiblement dans les airs. Il eu l'impression qu'on avait appuyĂ© sur un bouton pause, jeta un Ćil Ă Kalhan qui avait l'air terrifiĂ©e. Aaron souffla aussi doucement qu'il le put, dĂ©glutit difficilement. La vache, c'est pas passĂ© loin. La jeune fille, elle, avait l'air prĂȘte Ă exploser de rage. LittĂ©ralement. Elle venait de lui sauver la vie et, le choc passĂ©, s'emplissait d'une colĂšre sans fin envers l'Ombre qui avait l'air de s'amuser. Dans un bruit mĂ©tallique, la lame retomba Ă terre. Qui es-tu ? Comment connais-tu mon nom ? Comment sais-tu pour Naples ? »Sa voix Ă©tait terrifiante de vide. Si elle criait, ayant du mal Ă contrĂŽler sa rage, Aaron sentait bien Ă quel point une noirceur s'emparait d'elle. Il ne l'avait jamais vu comme ça. BĂȘtement, il se demanda si il connaissait rĂ©ellement Kalhan XĂ©nia. ArrĂȘte ça Aaron ! C'est exactement ce qu'il veut ! Te faire douter ! Tu sais qui est Kalhan, c'est ton amie, pas un monstre ! » Il secoua la tĂȘte, refusa de se laisser manipuler de la sorte. Mais la jeune fille balaya les maigres certitudes qui l'avaient habitĂ©. Ainsi donc l'Ombre avait raison ? Impossible. ComplĂštement impossible. Aaron ne put s'empĂȘcher de crier Ă son tour. Non ! » il secoua la tĂȘte en fixant Kalhan. Tu n'es pas ce qu'il dit Kalhan ! Si c'est ce qu'il pense alors il ne te connait pas ! Tu aime Ashkane, tu aime cette universitĂ©, tu aime ses Ă©lĂšves ! Tu ressens Kalhan, il est complĂštement fou ! Ne te laisse pas avoir par ce qu'il dit ! C'est faux, complĂštement faux. Pense Ă LindwuĂ«n. Pense Ă Alec.. »Il se baissa pour ramasser la lame de l'Ombre, lança sa propre lame, l'attrapa de sa main gauche alors que la droite prenait le poignard. Se redressant vivement, une moue rageuse au visage, Aaron brandit l'arme dans la direction de l'homme pour appuyer ses paroles. Peu importe ce qu'il s'est passĂ© Ă Naples, ça ne compte plus, c'est le passĂ© Kalhan ! » il ne savait pas de quoi il parlait mais y croyait vraiment. Je ne sais pas ce qu'on a pu t'y raconter, si des hommes comme lui t'ont dit que tu n'avais aucune Ă©motion, jusqu'Ă ce que tu y crois, c'est faux, ne les crois plus. LibĂšre toi de ça Kalhan ! C'est un poids mort que tu traine depuis trop longtemps. »Qui lui collait Ă la peau, lui faisait faire des cauchemars, manquait de la tuer Ă chaque fois que son pouvoir lui Ă©chappait. Il l'avait entendue plusieurs fois crier pendant son sommeil, s'il n'Ă©tait pas entrĂ© c'Ă©tait parce que il savait que Ashkane veillait sur elle, mieux qu'il n'aurait pu le faire. Et qu'il aurait surement Ă©tĂ© tuĂ© par son pouvoir immense rien qu'en mettant un pied dans la piĂšce. Elle s'en voulait suffisamment naturellement pour qu'il ajoute sur sa conscience sa propre mort. L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Sam 10 Juil - 1534 ContrĂŽle toi. Garde le contrĂŽle. Impassible, mystĂ©rieux, impossible Ă saisir, terrifiant. L'Ombre ne put cependant retenir le sourire qui lui montait irrĂ©sistiblement aux lĂšvres. Ni le frisson dĂ©licieux qui remonta le long de sa colonne vertĂ©brale. Kalhan rĂ©agissait. Kalhan. Retenait sa rage. Sa propre euphorie lui sauta au visage et il s'efforça de la contenir. Le Suiveur lui lança un regard inquisiteur, intĂ©ressĂ©e par la lumiĂšre de satisfaction qui Ă©clairait les yeux gris de son maĂźtre. Il n'avait pas bronchĂ© lorsqu'elle avait stoppĂ© sa lame, sauvant l'homme par la mĂȘme occasion. Une simple moue de dĂ©ception avait fait bouger ses lĂšvres. Peut ĂȘtre avait-il une quelconque utilitĂ© dont elle ne voulait se passer ? C'Ă©tait, Ă son avis, plus une question d'honneur. Si elle s'Ă©tait mit en tĂȘte de garder l'autre en vie il Ă©tait lĂ©gitime qu'elle s'y tienne. Dommage, dommage.. Maintenant elle fulminait de rage. C'Ă©tait jouissif. ComplĂštement jouissif de la voir sortir de ses gonds si facilement. Il ne doutait pas que jamais elle eut craquĂ© de la sorte, pas aprĂšs sa formation plus que rigide. Qui sait, c'Ă©tait peut ĂȘtre la premiĂšre fois qu'elle ressentait la colĂšre Ă ce point, et avec elle une pointe d'effroi. L'Ombre ricana intĂ©rieurement. C'Ă©tait tellement facile, il Ă©tait un peu déçu. Mais le combat qui avait lieu dans la tĂȘte de Kalhan Ă©tait au moins aussi intĂ©ressant que celui qui aurait lieu sous peu. L'homme se mit alors Ă protester. L'Ombre soupira en sentant un sourire narquois lui monter aux lĂšvres. Quel crĂ©tin. Plus miĂšvre tu meurs. Il ne doutait pas que Kalhan allait l'ignorer, toute Ă sa colĂšre. Se dĂ©plaçant lĂ©gĂšrement Ă droite dans un geste fluide, l'homme esquissa un mouvement de la main qui chassa tous les arguments futiles de l'autre. Paisible assurance de celui qui sait. Qui croit en lui. L'assassin s'autorisa un rire bref et ses yeux Ă©tincelĂšrent d'amusement. Alors tu n'as vraiment rien dit ? Ces gens qui tu cĂŽtoie depuis quelques temps te connaissent encore moins que moi, c'est... dĂ©risoire. » il lança un regard mĂ©prisant Ă l'humain. Ou alors sont ils assez stupide pour ĂȘtre aussi aveugles que celui ci ? »Le Suiveur regarda son maĂźtre s'approprier toute l'attention de la piĂšce, en profita pour se faufiler entre les rangĂ©es de livres Ă©pais, chuchotement sombre entre les autres. Si on l'entendait on l'associait aux vieux craquements qui habitaient les bibliothĂšques aussi vieilles. Elle apprĂ©ciait l'odeur entĂȘtante du papier mĂąchĂ©, de celui trop vieux pour ĂȘtre tournĂ© sans risquer de le briser d'une infime torsion, l'odeur puissante de la reliure en cuir de certains ouvrages et la simple odeur de poussiĂšre qui appelait Ă un silence Ă©ternel. Vrombissant de joie, elle se coula derriĂšre un fin rideau qui empĂȘchait les livres de se couvrir de poussiĂšre, s'approcha plus encore de l'oiseau. Celui ci toisait d'un Ćil suspect la serrure de laquelle elle s'Ă©tait Ă©chappĂ©e plus tĂŽt. Un sourire narquois se dessina dans la noirceur de sa fumĂ©e, Le Suiveur se dit qu'elle Ă©tait complĂštement aveugle et dĂ©sarmĂ©e face Ă sa puissance. Certitude sans fin du prĂ©dateur implacable et jamais vaincu. Elle eut presque envie de se faire remarquer, juste histoire de venger son humain pour ce que le pachyderme poilu lui avait fait ressentir auparavant. Captant cette pensĂ©e, l'Ombre eut un sourire carnassier pour le Ligre, continua tranquillement. Kalhan, Kalhan.. Tu es meilleure comĂ©dienne que j'ai jamais pu l'ĂȘtre surement. S'intĂ©grer si aisĂ©ment Ă la population et les rendre aussi dĂ©pendants de ta volontĂ©.. C'est du joli travail. » le compliment venait, non pas du coeur car il n'en avait pas Ă proprement parler, mais de sa raison. Il le pensait vraiment, Ă©tait vaguement intĂ©ressĂ©. Regarde le, il me ferait presque pitiĂ© si j'avais une idĂ©e de ce que ce mot signifie pour les autres. Tout ce que m'inspire cette abomination qui regorge d'Ă©motions toutes plus sales les unes que les autres c'est du dĂ©gout. Et passablement l'envie de l'Ă©radiquer Ă©galement.. » remarqua-t-il d'une voix pensive. Des Ă©tincelles s'allumĂšrent dans ses yeux. Que dirais-tu de t'en charger avec moi ? Allons Kalhan, ne fais pas cette tĂȘte, nous savons tous les deux Ă quel point ça te manque.. Toi ! Humain.. baisse ta lame, tu pourrais te blesser.. »Tout en finissant sa phrase il se rapprocha, mi fumĂ©e mi homme, plus rapide que l'oeil humain. Il s'arrĂȘta un quart de seconde plus tard prĂšs de l'homme, caressa du bout du doigt la lame de son poignard, presque amoureusement, et vrilla ses yeux gris dans ceux, identiques, de l'homme. MĂ©pris. L'autre rĂ©agissant immĂ©diatement d'un revers de lame, il devint fumĂ©e lĂ ou il frappait, Ă©clata d'un grand rire sincĂšre et recula d'un pas sans se presser. Il ne l'aurait jamais de toute maniĂšre, n'aurait mĂȘme pas besoin de tirer sa lame. Haha, il m'amuse vraiment celui la , c'est pour ça que tu l'as empĂȘchĂ© de rejoindre plus vite ses ancĂȘtres ? Dans tous les cas tu ne lui as fait gagner que quelques minutes, ma chĂšre. » tirant sa lame, les yeux brillants, il passa sa langue sur ses lĂšvres sĂšches. Car en entrant dans cette piĂšce il Ă©tait certain qu'il n'en ressortirait pas. Du moins, pas avec son Ăąme. Aahh la chaleur qui s'Ă©chappe d'un corps fraichement nettoyĂ© de la salissure de son Ăąme, c'est un moment.. exquis. J'ai hĂąte de voir la tienne s'en aller Ă jamais. » il fit un pas brusque en avant pour effrayer l'autre, s'arrĂȘta en levant un doigt, narquois. Ne rĂ©siste pas, ça risquerait d'ĂȘtre plus long et douloureux. » Kalhan XĂ©nia Grande gueule traumatiseuse de nouveaux en chef » Messages 4011Date d'inscription 13/08/2009Age 30Feuille de personnageAge de l'humain 19 ansPouvoir PsychokinĂ©sie Peut tout faire par l'espritRelations Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Mer 21 Juil - 1233 Ashkane eut un lĂ©ger sursaut quand GaĂŻa lui rĂ©pondit. La petite daemon Ă©tait en fureur et malgrĂ© sa taille son courage et sa rage Ă©tait au moins aussi immense quâAshkane en chair et en poil. Le ligre sâen trouva ravi. Il adorait tellement GaĂŻa. Si jamais il lui arrivait quoi que ce soit, il serait capable de se jeter toutes griffes dehors sur lâhomme, lâassassin. Quâil ait ou non un daemon. Quâil nous fasse mal ou non. Il serait prĂ©s Ă tout. Comme je serais prĂȘte Ă tout pour Aaron. Ăa va de paires nâest ce pas ? Les sentiments des humains et ceux de leurs daemons. Pour nous câĂ©tait bien rĂ©ussit. MĂȘme si pour le moment. Ashkane mâen voulait toujoursâŠLe calme, la concentration, lâomniscience. Tout avait disparu. Disparu en une phrase, un mot. Naples. Comment⊠Comment. Lâombre avait parlĂ© si simplement que ses mots Ă©taient plus terrible encore. Si terriblement vrai. Ma fureur Ă cotĂ© semblait bien dĂ©risoire. Bien inutile car lâombre avait parlĂ©. Il avait dit une vĂ©ritĂ© que mĂȘme la meilleur comĂ©dienne ne pourrait cacher car on savait au fond de soi, au son de sa voix, que ça ne servait Ă rien de ce le nier. Il avait raison. Jâaimerais te dire Aaron que câest faux⊠Sans le vouloir, mon regard ce tourna vers lui. Avait-il comprit ? Allait-il me prendre pour un monstre ? Non, pas encore, il Ă©tait concentrĂ© sur autre chose. Une certaine lame qui avait manquĂ© de peu de lui ĂŽter la vie. Ce que je nâavais pas permit. Mais de justesse, et cela me une part de doute câĂ©tait emparĂ©e de lui Ă ce moment, je venais trĂšs probablement de la renforcĂ© en laissant ma rage se dĂ©verser dans mes paroles. Je nâavais pas totalement perdu le calme, le vide de sentiment dans lequel je mâĂ©tais rĂ©fugiĂ©. Et cela donnais un aspect plus terrible encore. Jâen revenais Ă lui, lâOmbre ainsi quâon le surnomme, lâassassin. Lui qui a fait tant de dĂ©gĂąt. Lui que je hais, parce quâil sait. Jâaimerais te faire souffrir comme je ne lâai encore jamais fait, tu vas voir ça va ĂȘtre dâenfer !Un cri, une voix, dĂ©tourne mon attention Non ! AaronâŠMon ami semblait en proie Ă quelques tourments, comme une dĂ©cision difficile Ă prendre ou plus rĂ©aliste, quelque chose quâil ne voulait pas admettre. Tu n'es pas ce qu'il dit Kalhan ! Si c'est ce qu'il pense alors il ne te connait pas ! Tu aime Ashkane, tu aime cette universitĂ©, tu aime ses Ă©lĂšves ! Tu ressens Kalhan, il est complĂštement fou ! Ne te laisse pas avoir par ce qu'il dit ! C'est faux, complĂštement faux. Pense Ă LindwuĂ«n. Pense Ă Alec..[/color] »Jâaime⊠Oui jâaime. Mais depuis quand ? 1 an Ă peine que je suis ici ? Ce ne serait pas suffisant pour rĂ©parer le mal que jâavais causĂ©. JâĂ©tais arrivĂ©e, sans rien ressentir, câest vrai. Alec⊠câĂ©tait lui. Lui le premier qui mâavait redonnĂ© un cĆur, qui lâavait fait battre Ă nouveau. Aimer, dĂ©tester⊠la compassion, la joie⊠Il mâavait redonnĂ© tant et peu Ă peu jâĂ©tais redevenu humaine, capable de ressentir. Mais deux sentiments encore mâĂ©chappaient. Peut-ĂȘtre les principaux ? La peur et la douleur bon on dira que Wolf a faillit crever plus tard lol. Tu ne savais que ça Aaron, que je nâavais ni peur ni mal. Mais tu ne mâavais jamais demandĂ© pourquoi jâĂ©tais ainsi. A lâĂ©poque je nâĂ©tais pas prĂȘte Ă en parler. Comment dĂ©voiler un si noir passĂ© Ă quelquâun que je connaissais Ă peine ? Mais Ă prĂ©sent ? A prĂ©sent tu as le droit de me connait. Il me connait et il sait ce quâil dit. Ce nâest pas faux. Câen est mĂȘme trĂšs loin. Mais lequel dâentre eux ce trompe le plus ?Le regard toujours fixĂ© sur Aaron je le vis manier les deux lames avec une dextĂ©ritĂ© que je ne lui connaissais pas. Ainsi, je lâaurais bel et bien sous estimĂ©. Je nâĂ©tais finalement pas la seule Ă ne pas tout connaĂźtre de mes amis⊠si maigre et si dĂ©risoire consolation. La rage dâAaron sembla amplifier la mienne. Il faut que je me calme, il faut que je sache. Peu importe ce qu'il s'est passĂ© Ă Naples, ça ne compte plus, c'est le passĂ© Kalhan ! Je ne sais pas ce qu'on a pu t'y raconter, si des hommes comme lui t'ont dit que tu n'avais aucune Ă©motion, jusqu'Ă ce que tu y crois, c'est faux, ne les crois plus. LibĂšre toi de ça Kalhan ! C'est un poids mort que tu traine depuis trop longtemps. »- Ce nâest pas aussi simple que ça. Ma voix, si vide, si morte me surpris moi-mĂȘme. Je ne la reconnaissais pas. Les mots cassĂšrent Ă la fin de la phrase. Non ce nâĂ©tait pas le moment de lui Dis-lui - Ash tais-toi ! Ne fais pas ça Ash, je sais que tu mâen veux mais ne me trahis pas. Laisse-moi dĂ©ciderâŠNotre mĂ©sentente en resta lĂ pour lâinstant, car lâOmbre avait bougĂ©, son rire bien que trĂšs bref avait Ă©clatĂ© dans la grande salle sombre et poussiĂ©reuse. RĂ©pondant aux paroles dâAaron. Ne craque pas, ne lui fais pas ce plaisir ! Je te dirais tout mais pas maintenant, ait foi en moi sâil te plait. CâĂ©tait la premiĂšre fois que je demandais ainsi Ă quelquâun de me faire aveuglĂ©ment confiance. Mais seul mon cĆur priait car les mots ne franchissaient pas mes lĂšvres. Les yeux de lâOmbre pĂ©tillaient. Putain ce connard sâamuse bien ! Chacun de ses gestes Ă©taient calculĂ©, prĂ©cis, parfaitement pensĂ©. Il nâĂ©tait pas nâimporte qui. Il avait confiance en lui. Et son assurance nâĂ©tait pas finte. Il savait parfaitement Ă quoi il sâexposait car il savait tant de choses sur moi ! Il connaissait ma formation Ă Naples. Ce quâon mâavait fait et ce que jâavais fait. Ce que jâĂ©tais devenue, machine de mort insensible. Il savait aussi quâil nâaurait pas besoin de lame avec moi, il connaissait mon pouvoir. Merde mais qui est-ce ?En tant normal je me serais attendu Ă entendre la voix de mon ligre lancer il nâas pas de chapeau » ou il ne porte pas de lunette » jouant vĂ©ritablement au qui est-ce ». Peut-ĂȘtre mĂȘme lâaurait-il vĂ©ritablement fait si nous ne nous Ă©tions pas disputĂ©s un instant plus tĂŽt. Sa colĂšre gonflait avec la mienne. * Tu vas lui dire ** Non pas maintenant ! *Le grand ligre, qui Ă©tait en avant de moi, tourna son immense gueule dans ma direction. Ne me fais pas ça. Ne me trahis pas Ashkane⊠Alors tu n'as vraiment rien dit ? Ces gens qui tu cĂŽtoie depuis quelques temps te connaissent encore moins que moi, c'est... dĂ©risoire. Ou alors sont-ils assez stupide pour ĂȘtre aussi aveugles que celui ci ? »Le simple fait quâil regarde Aaron, lui accorde de lâattention, le mĂ©prise surtout, me mettais hors de moi. Si tu touche Ă un seul de ses cheveux⊠Kalhan, Kalhan.. Tu es meilleure comĂ©dienne que j'ai jamais pu l'ĂȘtre surement. S'intĂ©grer si aisĂ©ment Ă la population et les rendre aussi dĂ©pendants de ta volontĂ©.. C'est du joli travail. » Je serrais les dents, prĂȘtes Ă exploser vĂ©ritablement. Sâils lâavaient pu, mes yeux auraient lancĂ© des Ă©clairs. Mais je veux savoir ! je veux savoir ! Ne prononce pas mon nom ! Regarde le, il me ferait presque pitiĂ© si j'avais une idĂ©e de ce que ce mot signifie pour les autres. Tout ce que m'inspire cette abomination qui regorge d'Ă©motions toutes plus sales les unes que les autres c'est du dĂ©gout. Et passablement l'envie de l'Ă©radiquer Ă©galement.. » Je nâavais que trop souvent entendu ce discourt. Non, je ne veux pas y retourner. Pas Ă Naples ! Je ne veux plus y penser ! Ne me parle plus de ça ! Que dirais-tu de t'en charger avec moi ? Allons Kalhan, ne fais pas cette tĂȘte, nous savons tous les deux Ă quel point ça te manque.. Toi ! Humain.. baisse ta lame, tu pourrais te blesser.. »Me manquer ? Non ! Jamais plus je ne le referais, jâai changĂ©. JâAI CHANGE ! Ne me parle pas ! Tais-toi ! Je ne veux plus entendre parler de ça ! Tu fais parti du passĂ© ! Jâai changĂ©, jâai changĂ©âŠJe rĂ©pĂ©tais inlassablement cette phrase dans ma tĂȘte comme pour mâen convaincre. AprĂšs tout⊠était-ce bien le cas ? Avais-je vraiment changĂ© ? Oui, non ! Ătais-je si diffĂ©rente ? Non, Oui !Je ne sais pas⊠peut-ĂȘtre au fond suis-je lĂ mĂȘme⊠peut-ĂȘtre quâau fond câĂ©tait ça mon destin. Je me disais que je devenais celle que je jâaurais du ĂȘtre mais je lâĂ©tais dĂ©jĂ non ? Peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre⊠je suis comme ça non ? Au fond ? Est-ce que je joue la comĂ©die ? Mes sentiments pour Aaron et tout les autres, sont-ils vrai ou est-ce un simple reflet de mes dĂ©sirs. Vouloir ĂȘtre acceptĂ©. Oui peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre⊠les embobiner, leur faire croire⊠que je ne suis pas. * Kalhan ! *Je m'aperçus que jâavais soudain baissĂ© la tĂȘte. Les Ă©paules les bras, mon arme. Comme-ci jâavais abandonnĂ©. AbandonnĂ© avant dâavoir commencĂ©. Quelle honte, aussi bien au prĂ©sent quâau passĂ©. Les ordres de mon maitres battent Ă mes oreilles, ne jamais reculer, ne jamais hĂ©siter. HĂ©siter⊠ne jamais se laisser le choix, ne jamais parler avec des si »⊠hĂ©siter !LâOmbre nâĂ©tait plus dans mon champ de vision. Il nâĂ©tait plus Ă lâendroit oĂč il se trouvait une fraction de seconde plus tĂŽt. HĂ© bien hĂ© bien⊠Non il nâĂ©tait pas bien loin. Il Ă©tait juste là ⊠à cotĂ© dâAaron. Ce nom ne me fit ni chaud ni froid. Jâaurais aussi bien pu dire Ă cotĂ© de lâĂ©tagĂšre ». On sâen fou. LâOmbre est lĂ . Une telle assurance Ă©mane de lui. Comme au bon vieux temps, ah oui oui ouiâŠet son arme quâil caresse tendrement. Tiens câest dommage je nâavais jamais eu dâarme Ă dorloter. JâĂ©tais lâarme⊠Les deux hommes se fixĂšrent, leurs yeux Ă©trangement semblables. Tiens⊠Si semblables et si diffĂ©rents Ă la fois. Ah câest beau⊠Une lame se leva et lâOmbre disparu en fumĂ©e lĂ oĂč elle aurait du entamer la chair⊠TrĂšs intĂ©ressant. Le rire de lâombre me fit sourire. Je me rendis compte que jâĂ©tais restĂ©e betement plantĂ©e Ă quelques distances dâeux, la tĂȘte penchĂ©e sur le cotĂ© observant la scĂšne si lointaine. Les yeux plus vides que jamais. Tiens je nâavais mĂȘme pas eu Ă me forcer, câest gĂ©nial. Jâavais lâimpression de flotter. Comme si rien ne me rattachais Ă cette terre, pas mĂȘme Ashkane bouillant de rage Ă mes cotĂ©s. Haha, il m'amuse vraiment celui la , c'est pour ça que tu l'as empĂȘchĂ© de rejoindre plus vite ses ancĂȘtres ? Dans tous les cas tu ne lui as fait gagner que quelques minutes, ma chĂšre. »Pas de rĂ©ponse. Pas besoin. Lâheure viendra. Car en entrant dans cette piĂšce il Ă©tait certain qu'il n'en ressortirait pas. Du moins, pas avec son Ăąme. Aahh la chaleur qui s'Ă©chappe d'un corps fraichement nettoyĂ© de la salissure de son Ăąme, c'est un moment... exquis. J'ai hĂąte de voir la tienne s'en aller Ă jamais. » Hum⊠* Kalhan ! * Ne rĂ©siste pas, ça risquerait d'ĂȘtre plus long et douloureux. »- Attends ! Enfin, je mâanime. Telle une automate, machine, machine Ă tuer. Je mâapproche Ă pas lent. Attendez, attendez-moi. - Je veux participer voyons ! Ce nâest plus la mĂȘme voix quâau dĂ©but lorsque je faisais exprĂšs de le provoquer. Non celle lĂ a disparu. Celle-ci est vide, sans aucun ton discernable sauf peut-ĂȘtre du sadisme Ă lâĂ©tat brut. La perfection sanguinaire. * Tu joue un jeu bien trop dangereux ! ArrĂȘte ça ! ** Mais je ne joue pas Ashkane ^^ ** ArrĂȘte ça ! Ne tâaventure pas dans cette voie ! ** Silence, jâaimerais travailler. *Cette derniĂšre phrase si longtemps employĂ© quand nous partions en mission et quâAshkane me cassait les pieds⊠le bon vieux temps⊠Je suis prĂȘt dâeux maintenant, mais ce nâest pas lâOmbre que je regarde en premier. Non je mâadresse Ă Aaron - Tu sais bien des choses sur moi, mais tu nâas aucune idĂ©e de ce quâon mâa fait, ni de ce que JâAI fais.* Ne fais pas ça ! **Cette fois je me tourne vers lâOmbre si proche. Si dĂ©licieusement proche. Une merveille. Et ses yeux gris si semblables à ⊠ses yeux lĂ âŠ- Jâaimerais que tu me dises toi, qui tu es et dâoĂč tu me connais. Car tu connais mon passĂ© mais rien de mon prĂ©sent. Tu nâimagine pas, toi, ce que je suis devenue ici. Cette derniĂšre phrase, ponctuĂ©e dâun sourire dĂ©licieusement sadique et mes yeux brulant dâun vide inquiĂ©tant. Je veux savoir. * GaĂŻa ? Tout va bien ? Câest le pied Ash ! le pied ! Aaron Dwayne ...ou comment ĂȘtre un Feu Follet sur pattes \o/ » Messages 4008Date d'inscription 07/08/2009Age 29Localisation Entre les lignes de son Histoire Feuille de personnageAge de l'humain 28 ans =PPouvoir DĂ©clenche des Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Jeu 22 Juil - 2231 Ce nâest pas aussi simple que ça. »Aaron perdit son Ă©quilibre, comme si la simple phrase de Kalhan l'avait bousculĂ©. Ses yeux gris ne lĂąchant pas l'Ombre des yeux, sa concentration Ă©tait toute entiĂšre Ă Kalhan. MĂȘme s'il refusait de la regarder, comme si il pensait avoir mal entendu. Ses yeux se troublĂšrent lĂ©gĂšrement et ses doigts se raffermirent autour de la garde de chaque lame. Non. Nan, c'est pas ce que tu crois, tu as mal entendu, c'est l'autre qui brouille tout autour d'elle.. Dis-lui » assena Ashkane comme un marteau sur une enclume Ash tais-toi ! »Un frisson remonta le long de la colonne vertĂ©brale du jeune homme et ses yeux divaguĂšrent lentement vers l'Ă©tudiante qui le fixait. Il fronça lĂ©gĂšrement les sourcils, lui demandant du regard qu'est ce qu'elle voulait taire. Qu'est ce que tu me cache Kalhan ? GaĂŻa s'agita sur son Ă©tagĂšre, sentant que quelque chose n'allait pas. En plus du fait qu'un assassin Ă©tait en passe de les tuer, certes, mais cette fois ça venait de Kalhan. Ash n'Ă©tait de toute Ă©vidence pas d'accord avec elle sur un point et vu le ton sur lequel elle l'avait rabrouĂ©.. Ăa ne sentait vraiment pas bon. Elle percevait de son perchoir la colĂšre vibrante du daĂ«mon. Sentant sa propre rage monter en elle, GaĂŻa la retint dans un juron et se rembrunit. Si il y avait quelque chose Ă dĂ©tester en cet instant c'Ă©tait l'Ombre, et pas sa moitiĂ© ! Puis, l'Ombre se remit Ă parler, balayant les grandes phrases d'Aaron avec une assurance mĂ©prisante. Le pion eut l'impression qu'il grandissait en l'Ă©crasant par la seule force de ses mots, sentit son cĆur pulser Ă l'intĂ©rieur de sa poitrine comme si il se recroquevillait sur lui mĂȘme. Aaron serra les dents et assura de nouveau sa prise, sentant un filet de sueur froide glisser le long de sa nuque. Qu'il baisse sa lame ? Autant parcourir le Tartare avec une meute de titans dĂ©chainĂ©s Ă ses trousses ! L'homme lui dĂ©dia un regard brĂ»lant de haine mais ne rĂ©pondit pas. Sans pouvoir s'en empĂȘcher, Aaron sentit ses yeux dĂ©river du cĂŽtĂ© de Kalhan pour voir sa rĂ©action quand il avait parlĂ© de le tuer Ă deux. Bon sang ! Entendre parler de sa propre mort avec un tel dĂ©tachement, comme si de toute maniĂšre il ne pourrait rien faire pour l'en empĂȘcher. Il s'attendait Ă trouver une Kalhan rĂ©voltĂ©e, les yeux brillant d'une rage meurtriĂšre, ou encore cette absence de sentiment dĂ©rangeante mais rien. Rien de tout cela. Le regard rivĂ© au sol, la jeune fille avait baissĂ© sa lame, baissĂ© ses Ă©paules. Abandon. Les pupilles d'Aaron s'agrandirent alors qu'il sentait sa propre peur prendre son envol. Merde. Merde ! Si Kalhan laissait tomber ils Ă©taient foutus. Ressentant d'un coup une prĂ©sence prĂšs de lui, l'homme tourna la tĂȘte et eut un mouvement de recul brusque, trouvant l'Ombre Ă un pas de lui. D'un revers de lame, il tenta de le blesser mais l'acier ne rencontra que du vide. Il avait rĂ©agit rapidement mais Ă©tait sur d'avoir vu l'assassin caresser la lame bien avant qu'il ne bouge. Bon sang ! Comment pouvait-il bouger aussi vite ? Les deux regards gris s'entrecroisaient, se dĂ©fiant silencieusement. Aaron sentit son sang se mettre Ă bourdonner Ă ses oreilles et Ă©valua ses chances. D'aprĂšs ce qu'il se rappelait de la position des meubles il lui restait trois ou quatre pas jusqu'Ă la prochaine Ă©tagĂšre. L'Ombre sortit sa lame, recommença Ă cracher son venin avec amusement. Sa langue perfide passa sur ses lĂšvres et ses yeux brillĂšrent d'une joie sombre. Ne rĂ©siste pas, ça risquerait d'ĂȘtre plus long et douloureux. »D'un pas rapide en avant, comme s'il attaquait, l'Ombre fit reculer Aaron d'un pas instinctivement. Se maudissant pour sa bĂȘtise, l'homme campa sur ses positions, jeta un Ćil Ă Kalhan qui observait la scĂšne, un sourire dĂ©ment aux lĂšvres. Aaron sentit son cĆur se serrer mais il ne pouvait rien faire. Voir Kalhan comme ça, c'Ă©tait ... terrifiant. Attends ! » bougeant enfin, elle se rapprocha des deux hommes, souple et fĂ©line. PrĂ©datrice. Je veux participer voyons ! »* ASHKANE ! Ashkane, dis moi qu'elle fais semblant, dis le moi ou je te jure que je vous tue tous les deux ! * glapit GaĂŻa en sentant ses plumes se hĂ©risser sur son ses yeux Ă©bahis, elle vit son humain se dĂ©composer. Lentement. Surement. Doucement, sa lame s'abaissa sans qu'il s'en rende compte. Kalhan... Il n'en revenait pas. Kalhan.. AARON ! AARON TA LAME ! » Mais il ne l'entendait pas. Ce n'Ă©tait pas possible, pas Kalhan ! Pas sa Kalhan ! Non, c'Ă©tait impossible, elle faisait semblant. Oui. C'Ă©tait un piĂšge dans lequel l'Ombre se prĂ©cipiterait sans attendre, un piĂšge si bien tendu qu'il manquait d'y tomber Ă©galement. Les yeux bleus de la jeune femme vrillĂšrent les siens et il sentit ses espoirs se cacher derriĂšre son cĆur. Tu sais bien des choses sur moi, mais tu nâas aucune idĂ©e de ce quâon mâa fait, ni de ce que JâAI fais. » elle se dĂ©sintĂ©ressa immĂ©diatement de lui pour en revenir Ă l'Ombre. Aaron entendit Ă peine ce qu'elle lui disait. Tout ce qu'il avait entendu c'Ă©taient les mots qui lui Ă©taient adressĂ©s. Ses bras s'affaissĂšrent lentement. Il ne pouvait pas menacer Kalhan d'une lame, pas maintenant qu'elle Ă©tait Ă cĂŽtĂ© de l'Ombre. Du cĂŽtĂ© de l'Ombre. Brusquement, le monde s' avec lui la lumiĂšre qui avait toujours portĂ© Aaron, plus haut, plus loin. Il rĂ©agit Ă peine lorsque GaĂŻa poussa un cri, sentant quelque chose l'attraper par derriĂšre, rĂ©agit Ă peine quand ses lames glissĂšrent lentement d'entre ses doigts. L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Ven 23 Juil - 2235 Faisant pivoter son poignet il entendit son os craquer, eut un sourire dĂ©ment. L'autre n'en menait pas large, parfait. Il pouvait presque sentir sa peur, rien qu'en aspirant l'air lourd de la bibliothĂšque. Une autre flamme sombre attisa la folie de ses yeux gris et il eut un mouvement sec de la nuque, Ă©voquant un rapace ayant vu une proie. Il regarda l'homme Ă©valuer la distance qui lui restait comme retraite entre ses pieds et les Ă©tagĂšres, une lueur d'amusement au coin des lĂšvres. Celui la il se ferait un plaisir de l'Ă©corcher vif. Il avait tout l'air d'un de ces malheureux humains qui campaient sur leurs acquis, certains de leur supĂ©rioritĂ© face aux individus normaux. Dommage pour toi qu'il ait fallut que tu tombe sur un maĂźtre en la matiĂšre. Subitement, la douce voix aux accents tranchants de Kalhan retentit dans la piĂšce. Attends ! Je veux participer voyons ! »Sentant son sang faire un tour, l'Ombre tourna la tĂȘte vers elle, son esprit ayant totalement oubliĂ© l'homme qui lui faisait face. Son esprit seulement, car sa garde n'avait pas faiblit une seconde. Se rendant compte qu'il gardait sa lame tendue, l'Ombre ricana intĂ©rieurement et l'abaissa. Comme s'il avait besoin d'ĂȘtre vigilant avec un ĂȘtre aussi lent que celui la. Il regarda alors cette vĂ©ritable merveille dressĂ©e qui s'avançait vers lui d'un pas comme accompagnĂ© de la mort mĂȘme. Un frisson remonta le long de ses cĂŽtes et l'Ombre sentit un sourire carnassier lui monter dĂ©licieusement aux lĂšvres. Mais elle ne le regardait pas, fixait l'autre sans s'arrĂȘter d'avancer. Tuer ? Ooh mais regarde la ma belle, elle a l'air tout Ă fait prĂȘte pour le faire seule, regarde moi cette merveille... elle est sublime. Un rire monta dans sa gorge quand elle rabaissa l'autre plus bas que terre mais il se tut, contenta de laisser ses yeux briller d'une aviditĂ© croissante. Ses yeux gris glissĂšrent sur son corps, de haut en bas alors qu'elle le dĂ©visageait Ă©galement. FĂ©line, d'apparence si fragile pour un sale humain, mais plus forte que tous. Sauf lui, Ă©videmment. Jâaimerais que tu me dises toi, qui tu es et dâoĂč tu me connais. Car tu connais mon passĂ© mais rien de mon prĂ©sent. Tu nâimagine pas, toi, ce que je suis devenue ici. »L'Ombre rangea sa lame d'un geste souple et l'acier frotta doucement le cuir de son fourreau. Il avait complĂštement oubliĂ© la prĂ©sence dĂ©rangeante de l'autre. Un sifflement rauque s'Ă©chappa de ses lĂšvres et il passa son pouce sur celles ci, comme s'il rĂ©flĂ©chissait. Les yeux brillants, il disparu une seconde dans un nuage de fumĂ©e et se rapprocha fĂ©brilement de la jeune femme, se reformant Ă deux pas d'elle. Qui je suis ? Je suis l'Ombre et la LumiĂšre, celui qui fait et qui dĂ©fait, celui qui donne et qui enlĂšve, qui nettoie ce qui a besoin d'ĂȘtre purgĂ©. Qui je suis ? Tu le sais au fond de toi Kalhan.. » susurra-t-il, fier de son petit effet. Il haussa ses sourcils pourtant cachĂ©s par sa capuche. Raconte le moi Kalhan, qu'est tu devenue ? As tu beaucoup de ces petits hommes Ă tes trousses, qui croient avoir rĂ©ussit Ă emprisonner une part de toi grĂące Ă leur .. amour.. » le dĂ©gout avec lequel il prononça ce dernier mot montrait Ă quel point il en faisait fit. Ils croient avoir rĂ©ussit Ă s'approprier le semblant de libertĂ© qui t'anime.. mais Ă la vĂ©ritĂ© tu le sais autant que moi, tu n'es pas libre Kalhan. Tu as toujours Ă©tĂ© enchainĂ©e. EnchainĂ©e.. Ă Naples et Ă .. Lui. »Un grand sourire sadique Ă©tira ses lĂšvres alors qu'il faisait allusion Ă celui qui avait forgĂ© ce que Kalhan Ă©tait, au rythme de ses coups et du sang qu'il avait fait couler. Bougeant d'un coup sec ses doigts, le Suiveur passa immĂ©diatement Ă l'attaque. Tel un serpent, elle ondula vivement entre les livres et se jeta sur l'oiseau, prenant au passage la forme vĂ©ritable d'un reptile, crocs sortis. Ils entourĂšrent le pauvre petit animal colorĂ©, le serrĂšrent et le Suiveur commença Ă tourner rapidement autour du daĂ«mon pour lui faire perdre pied. L'oiseau cria. Le Suiveur rit joyeusement. Trop colorĂ©. Noir maintenant. TrĂšs noir. TrĂšs peur. Oh oui, perdu ! Se parant d'un grand sourire tranchant, l'Ombre se dĂ©cala de Kalhan au cas ou elle essaye de l'en empĂȘcher. Nous avons beaucoup Ă nous dire ma belle.. » soupira-t-il en se mettant immĂ©diatement en ses prunelles grises dans celles, identiques, de l'autre comme s'ils Ă©taient deux poignards, l'Ombre imagina toute la scĂšne dans sa tĂȘte, comme Ă chaque fois qu'il passait Ă l'action. Deux pas, Ă©lan, vitesse, surprise. Tranchant de la main sur poignet gauche, lame qui s'Ă©chappe, os brisĂ©s. Bloquer attaque bras droit bloquĂ©e de l'avant bras, repousser. Poing droit sur joue gauche, dĂ©sorientation. Poing gauche sous menton, recul d'un pas. Appui sur pied gauche, monter dans airs, coup de talon au plexus solaire. Respiration bloquĂ©e, recul puissant, nuque s'Ă©crase dans Ă©tagĂšre, inconscience quasi instantanĂ©e. IncapacitĂ© Ă se relever avant plusieurs heures. Un sourire dĂ©mentiel Ă©claira une seconde son visage et il se mit en mouvement. L'autre ne pouvait rien faire. Absolument rien faire. Aussi souple et fĂ©lin qu'on puisse l'ĂȘtre, tout en retenant la puissance qui l'animait, l'Ombre passa Ă l'attaque, fulgurant et impitoyable. Les os du poignet de l'autre craquĂšrent et, comme il l'avait prĂ©vu, il tenta de lui planter la lame dans le cou. MĂ©pris. L'Ombre para son coup, repoussa son bras et Ă©crasa son poing sur la joue de l'homme. Tout n'Ă©tait qu'un geste ample et maĂźtrisĂ©. Continuant naturellement le mouvement, il lui dĂ©cocha une gauche dans le menton, l'envoyant valser un pas plus loin. Comme il l'avait prĂ©vu. Dans la mĂȘme oblique, il bondit dans les airs en tendant sa cheville gauche, dĂ©tendit son pied droit qui alla s'enfoncer dans le plexus solaire de l'autre. Qui, le souffle coupĂ©, alla s'Ă©craser dans l'Ă©tagĂšre derriĂšre lui. L'homme s'effondra sur le sol avant d'avoir pu esquisser un geste et l'Ombre atterrit accroupit, son sourire disparu. Un bras tendu sur le cĂŽtĂ©, il se redressa souplement et se tourna pour ĂȘtre face Ă Kalhan. Proie.. » coula-t-il dans un sifflement. Nous avions Ă parler je crois. » dĂ©clara-t-il nonchalemment en effaçant d'un revers de main un pli sur sa dessus de l'armoire, le ricanement du Suiveur qui emprisonnait GaĂŻa raisonna dans les airs. Promesse. Kalhan XĂ©nia Grande gueule traumatiseuse de nouveaux en chef » Messages 4011Date d'inscription 13/08/2009Age 30Feuille de personnageAge de l'humain 19 ansPouvoir PsychokinĂ©sie Peut tout faire par l'espritRelations Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Sam 24 Juil - 2215 Cette impression de sombrer inĂ©vitable. Cette impression de flotter au dessus de la vie. Ne me regarde pas comme ça Aaron, tu ne comprends pas je sais mais crois moi câest mieux comme ça. Je ne mĂ©rite pas ton amitiĂ©, ni ta confiance, ni mĂȘme que tu mâaccorde un seul regard aussi inquiet, aussi surpris, dĂ©stabilisĂ©. Je ne mĂ©rite rien de toi Aaron, parce que je ne suis rien. Câest peur dans ses yeux, au fond, tout au fond parce quâil affiche un courage exemplaire. Cette peur lĂ ne mâaffecte pas. Plus rien ne mâaffecte de lui, plus rien ne compte. Jâen ai assez, jâen ai assez de mentir, de me cacher derriĂšre de faux sentiments, derriĂšre le masque de lâamitiĂ©. Ce nâest pas moi. Je ne suis rien, je suis Ă Lui. Il nây a que lui qui puisse dĂ©cider de mes actes, de mes pensĂ©es, de mon ? Mâen fiche, câest fini tout ça. Tout est noir, mon regard, mon sourire. Le sadisme, la violence, le meurtre, la haine. Tout ce mĂ©lange, tout ce confond. Mais je veux savoir, je veux comprendre. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais voilĂ , il faut que jâarrĂȘte lâOmbre, quâil ne tu pas Aaron, pas encore. Pourquoi ? Mais jâen sais rien merde ! Câest comme ça câest tout ! Je le fais et lui, semblait ravi. IntensĂ©ment ravi de me voir rĂ©agir. Surtout pour renier Aaron, avec autant de facilitĂ©. Comme si câĂ©tait la chose la plus naturelle au monde. Peut-ĂȘtre allait-il enfin rĂ©pondre Ă mes questions. Allez, dit moi ! LâOmbre et la LumiĂšre ? Jâaurais plutĂŽt simplement dit Ombre car il nâapportait pas la lumiĂšre, seulement la mort. Au fond, jâaurais du savoir qui il Ă©tait. Quelque chose me disais⊠que jâaurais du mâen rappeler mais je nây arrivais pas. Tant pis. Je nâen tirerais sans doute pas plus de lui. Il ne me dirait pas sâil Ă©tait devenu le nouveau joujou du maitre depuis mon dĂ©part. Ni rien. Raconte le moi Kalhan, qu'est tu devenue ? As tu beaucoup de ces petits hommes Ă tes trousses, qui croient avoir rĂ©ussit Ă emprisonner une part de toi grĂące Ă leur .. amour.. »- Un certain nombre oui⊠Pas un regard pour Aaron, pas la peine. Il nâest quâun meuble dans le dĂ©cor. EnchainĂ©e, enchainĂ©e Ă Lui, depuis toujours oui⊠mon maitre⊠Maitre vous me manquez tantâŠ* ASHKANE ! Ashkane, dis moi qu'elle fais semblant, dis le moi ou je te jure que je vous tue tous les deux ! * * Je nâen sais rien ! Je te jure jâen sais rien ! *Ashkane lui-mĂȘme aurait voulu que tout sâarrĂȘte, lui non plus ne comprends pas. Il ne comprend pas ce quâil se passe en moi. Tâes quâun con Ashkane, tâa toujours Ă©tait un con. Tâas jamais rien compris. Tu as toujours fais semblant de croire, de comprendre ce que jâavais subit. Mais toi tu nâas rien eu. Tu te morfondais en pensant que câĂ©tait ta faute. E quand on mâa sorti de lâenfer pour mâentrainer, me forger, faire de moi une meurtriĂšre, tu te disais que câĂ©tait bien aprĂšs tout car nous nâavions rien en dehors et au fond tu as toujours aimĂ© la puissance, la fiertĂ©, la force. Tu as toujours aimĂ© impressionner les autres, quel hypocrite. Tâes quâun monstre, toujours Ă grandir pour ĂȘtre le plus grand, le plus fĂ©roce. Mais tâes quâun con Ash. Tâes quâun con ! Tâas toujours Ă©tĂ© comme ça ! Avoue-le au moins ! Tu Ă©tais heureux de savoir mon pouvoir immense, capable de tout, tâĂ©tais heureux que je ne sois quâune machine ! Tu mâen veux Ă prĂ©sent ? Je tâemmerde Ashkane ! Je te haĂŻ !Quelque part dans la bibliothĂšque sombre, lâoiseau cria. AussitĂŽt, Ashkane poussa un rugissement en se prĂ©cipitant vers lâĂ©tagĂšre ou GaĂŻa Ă©tait perchĂ©e. Tu veux jouer au chevalier ? Essai toujours. Mais tu vois mon gars, tu vas apprendre quâĂȘtre un grand et fĂ©roce monstre ne sert Ă ligre stoppa devant lâĂ©tagĂšre, indĂ©cis. Que devait-il faire ? A son habitude il aurait dĂ©molie le meuble et croquĂ© la bĂȘte qui retenait GaĂŻa en priant pour que lâoiseau tombe dans sa criniĂšre et ne sâĂ©crase pas sur le sol. Mais croquer le serpent revenait Ă gober GaĂŻa dans le mĂȘme temps. Et Ashkane, le grand Ashkane se retrouvait comme un con devant lâĂ©tagĂšre sans savoir quoi faire. Câest bĂȘte hein ? Nous avons beaucoup Ă nous dire ma belle.. »Oui, beaucoup. Et il faudrait que jâattendre car pour lâinstant lâOmbre sâoccupait dâ spectacle extraordinaire ! Voir lâOmbre passer Ă lâattaque Ă©tait grisant ! Une telle maitrise de soi, une concentration, une assurance⊠des gestes calculĂ©s aux millimĂštres, des rĂ©actions explosives, une ombre mouvante, dansant une valse infernale. Une merveille en vĂ©ritĂ©. Tout semblait innĂ© chez lui. Comme si cela avait toujours fait parti de lui comme sâil avait su manier les armes avant mĂȘme de savoir marcher, comme sâil avait su se battre avant mĂȘme de savoir parler. Un ange des tĂ©nĂšbres. Le plus fantastique qui soit. Prince de la nuit. Aaron nâavait aucune chance, il aurait du le savoir, le comprendre ou mĂȘme sâil est trop bĂȘte pour ça, son instinct aurait du lui hurler de fuir. MĂȘme si câĂ©tait inutile. Mais je ne voulais pas que lâOmbre tu Aaron. Pourquoi ? Je nâen sais toujours rien ! Mais ainsi, il aurait pu avoir une chance de rester en vie. Maintenant⊠il sâeffondrait comme une comme le cri de GaĂŻa, le craquement des os dâAaron ne me dĂ©rangea pas plus que le chant des oiseaux au matin. Comme si tout Ă©tait naturel⊠Tel un ange en adoration, LâOmbre se releva. En fait⊠il est trop sex quand il attaque. Proie.. Nous avions Ă parler je crois. »Nonchalamment, je croisais les bras sur ma poitrine tout en dĂ©plaçant mon poids sur une seule jambe, lâautre se pliant aux genoux. Totalement dĂ©tendu. Je nâai pas peur de lui, loin de lĂ . En fait, ça aurait Ă©tĂ© gĂ©nial de ce battre contre lui, mais pas encore, pas tout de suite. Il ne faut pas sauter de chapitre, ne brulons pas les Ă©tapes et commençons par le dĂ©but - Ainsi, câest toi quâil a envoyĂ© ? Il me rĂ©clame ?Quelque chose au fond de moi me hurlais que ce nâĂ©tait pas vrai. CâĂ©tait Ă©vident dâailleurs. Il mâavait appelĂ© proie. Il nâavait donc quâune seule idĂ©e de lâissue de notre histoire et ce nâĂ©tait pas le retour Ă Naples. Le retour vers mon maitre !- Je croyais qu'il aurait compris les raisons de mon dĂ©part. ''Puisqu'il m'a trahis" ajoutais-je dans ma tĂȘte. Et parce que Ashkane Ă©tait trop voyant mais ça c'Ă©tait la version parler Ă nouveau mais Ashkane sâinterposa dans mon esprit * Quâest ce que tu fais ? Mais quâest ce que tu fais ! Kalhan es-tu folle ? Dis-moi que tu le fais exprĂšs ! Tu plaisante ? Tu ne vas pas laisser GaĂŻa⊠AaronâŠ** Tâas la trouille Ash ? HĂ© bien regarde et Ă©clate toi, je te laisserais ptet en bouffer un bout, tu lâas tant dĂ©sirĂ©. ** Ne dis pas ça, non tu ne⊠*Et soudain, sans mĂȘme en avoir Ă©tĂ© avertis, je sentis la colĂšre monter en moi comme un vent de tempĂȘte. Elle explosa comme lâĂ©ruption dâun volcan et le regard noir que je posais sur Ashkane le fit reculer de deux pas. Il avait Câest de ta faute Ashkane ! De ta faute ! Tout ce quâon mâa fais, tout ce que jâai fais ! Tout ce que je suis ! Câest Ă cause de toi ! TOUT EST DE TA FAUTE ! Alors soit heureux Ashkane car je suis comme tu lâas voulu. Tu voulais vivre et jâai vĂ©cu pour toi. Je suis devenue une machine vivante, juste pour que toi lâĂąme tu puisses exister. Soit heureux Ashkane. Toi, approche un peu. Allez lâOmbre vient ! Jâai terriblement envie de jouer⊠Un sourire sadique, une merveille digne dâun film dâhorreur. Viens mon gars, on va sâamuserâŠAshkane ne sait plus quoi faire. Câest la premiĂšre fois quâil se retrouve dans cette situation. Sa taille, sa fĂ©rocitĂ© ne sert plus Ă rien face Ă celle qui lâa trahi. Oui son humaine lâa trahis câest ainsi quâil le voit. Que doit-il faire ? GaĂŻa, Aaron⊠non, il ne les abandonnera pas lui. MĂȘme si câest un trouillard, il lâavoue enfin, il nâabandonne pas ! Pas ceux quâil AIME !Le grand ligre avance et passe devant moi, si bien que je ne vois plus lâOmbre. Une montagne de poil nous sĂ©pare. Putain Ash casse toi ! Tâes en plein dans un duel lĂ ! Spectateur inutile ! DĂ©gage ! Mais le ligre nâa nullement lâintention de sâen aller. Il se plante devant lâOmbre et se dresse de toute sa hauteur, tout gonflĂ© de fureur, ce qui nâest pas peu dire devant une bĂȘte pareille. La haine anime son regard. Il brule de colĂšre, de vengeance. Il ferait tout. Tout pour ceux quâil gueule monstrueuse descend lentement vers le visage encapuchonnĂ© de lâOmbre, ses crocs dĂ©mesurĂ©s bien en Dis Ă ta bĂȘte de lĂącher GaĂŻa ou je te jure que je te dĂ©vore. Sa voix nâĂ©voque pas de colĂšre, ni dâamour ni de quoi que ce soit, elle ne porte aucun sentiments. Elle est vide. Vide parce quâil est prĂȘt. PrĂȘt Ă tout. Câest la voix de celui qui sait. Celui qui sait ce quâil doit faire. Il a comprit. Tu as compris Ashkane, tu sais que ce nâest pas un jeu. Tu le sais enfin⊠Il en Ă©tait capable, de toucher lâOmbre de le dĂ©vorer mĂȘme ! Quitte Ă me faire mal Ă moi car je lâavais trahis. Il avait comprit et plus rien dâautre ne comptait. Il allait enfin cesse de jouer avec nos vie. Car ce nâest pas un jeu. Câest rĂ©el. Et plus rien ne la premiĂšre fois que je demandais ainsi Ă quelquâun de me faire aveuglĂ©ment confiance... Aaron Dwayne ...ou comment ĂȘtre un Feu Follet sur pattes \o/ » Messages 4008Date d'inscription 07/08/2009Age 29Localisation Entre les lignes de son Histoire Feuille de personnageAge de l'humain 28 ans =PPouvoir DĂ©clenche des Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Jeu 29 Juil - 1736 Et si, tout, depuis le dĂ©but, n'avait Ă©tĂ© que mensonge et comĂ©die. Et si, par delĂ les sentiments qui obstruaient notre vue, on s'Ă©tait fait abuser. Et si, par simple Ă©lan d'Ă©goĂŻsme et par total dĂ©ni de notre possible erreur, on s'Ă©tait justement inspiration. Un recul de poids vers l'arriĂšre. Le sentiment que tout est dĂ©jĂ jouĂ© qui monte en lui. C'est tout ce que Aaron eut le temps de ressentir et faire avant que l'Ombre se tourne vers lui et, dans un geste prĂ©cis, parfaitement calculĂ©, prolongement de ses dĂ©sirs et de son talent pour la violence, se jette Ă sa rencontre. S'en rendant parfaitement compte, le pion fit exactement ce que l'Ombre avait dĂ©cidĂ© auparavant. Ne trouva pas d'autres moyens d'essayer vainement de contrer cette attaque foudroyante. Comme dans un rĂȘve, il vit l'homme bouger plus vite qu'il ne le pourrait jamais, repousser ses bras, sentit son poing percuter sa joue puis son menton, se sentir partir en arriĂšre. A moitiĂ© sonnĂ©, il eut le temps de retrouver un Ă©quilibre prĂ©caire, inspira une courte bouffĂ©e d'air et leva les yeux. Ceux ci rencontrĂšrent celui de l'assassin qui brillaient d'une joie fĂ©roce. Dans un sursaut d'incomprĂ©hension, Aaron se demanda, tout comme Kalhan, qui pouvait bien ĂȘtre ce mec. C'Ă©tait la question, qui Ă©tait donc capable d'autant de violence et d'horreur face Ă des enfants et en redemander ? Bizarrement, il se surprit Ă espĂ©rer que Kalhan obtienne sa rĂ©ponse. Peu importait ce qu'elle choisirait de faire plus tard, si elle savait qui il Ă©tait elle aurait toujours une chance de l'arrĂȘter. L'arrĂȘter. Quelqu'un en avait-il jamais Ă©tĂ© capable. Dans un cri sourd, Aaron s'Ă©crasa sur l'Ă©tagĂšre, sentit sa tĂȘte partir en arriĂšre et rencontrer le bois. Sentit son corps s'affaler entre les livres qui lui tombaient dessus. Sentit ses yeux se fermer dĂšs qu'il toucha violemment le sol, le souffle coupĂ©. Peu importait qui Ă©tait l'Ombre, il l'avait simplement Ă©crasĂ©. dans une tempĂȘte plus sombre que tout ce qu'elle avait jamais vu, GaĂŻa sentit son humain lĂącher prise, cria encore. Comme elle avait criĂ© dĂšs que l'Ombre s'Ă©tait mis en mouvement, comme elle avait criĂ© quand cette chose s'Ă©tait mise Ă lui tourner autour, impitoyable. Bien qu'elle Ă©tait entiĂšrement faite de fumĂ©e, la crĂ©ature repoussait toutes ses tentatives de sorties en intensifiant son mouvement, de sorte qu'elle perde tout repĂšre et peine dĂ©jĂ Ă tenir convenablement sur ses pattes. Elle n'arrivait pas Ă y croire, tout s'effondrait autour d'elle. Kalhan avait basculĂ©, Ashkane Ă©tait impuissant et Aaron.. Oh, Aaron. D'un coup, Le Suiveur cessa de tourner atour d'elle en ricanant et elle manqua de tomber du haut de l'armoire. Ses serres plantĂ©es dans le bois dur, l'oiseau essaya de respirer, se rendit compte qu'elle n'y parvenait pas car son humain non plus. Elle cria encore son prĂ©nom, ne trouva pas la force de voler jusqu'Ă lui, certaine qu'Ă son premier mouvement Le Suiveur recommencerait son manĂšge. GaĂŻa ferma le bec, tangua, ferma les yeux, tangua, ferma la porte aux espoirs. Tomba lentement sur le cĂŽtĂ©, restant malgrĂ© tout sur l'Ă©tagĂšre en allant rejoindre sa moitiĂ©. L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Jeu 29 Juil - 2139 Arquant un sourcil moqueur, l'Ombre se passa la langue sur les dents, coula un regard doucereux Ă Kalhan. Elle Ă©tait lĂ , se bougeant d'une maniĂšre terrible, captant l'ombre et la lumiĂšre, attirant l'attention sur elle dĂšs qu'elle pĂ©nĂ©trait dans une piĂšce. Les humains sont des idiots si ils ne la voient pas comme ça.. Sans cesser de tourner autour du daĂ«mon de l'autre, Le Suiveur eut un rire hystĂ©rique et accĂ©lĂ©ra, couvrant les cris de l'oiseau. Silence. BientĂŽt . Rejoindra son maĂźtre. Rejoindra, dans Limbes . AmusĂ©, l'Ombre la caressa de l'esprit tout en restant concentrĂ© sur une Kalhan qui croisait les bras. Une pointe de surprise traversa les yeux gris de l'homme et il s'esclaffa. Lui ? Ne sois pas stupide, enfant. Crois tu qu'il te rĂ©clamerait comme un gamin rĂ©clame un jouet ? » son rire devint grinçant. S'il est sur que tes talents d'actrice t'ont servit ici, ta cervelle est toujours aussi jeune et folle que celle d'une gamine. Mais bon.. » il esquissa un geste de la main pour chasser ses paroles. Compris ? Il a surtout compris que son Ă©lĂšve l'avait trahie.. Mais si tu veux mon avis tu le surpasse surement. Il a fait l'erreur d'essayer de mettre en cage une si farouche assassine.»Il passa sa langue sur ses lĂšvres avec un air gourmand, avança d'un pas, s'immobilisa car elle semblait en pleine conversation avec sa moitiĂ©. Ce pachyderme poilu, cette machine Ă tuer. L'Ombre grinça des dents et planta ses yeux sur le museau de l'animal, comme s'il pouvait par sa simple pensĂ©e le crocheter et le jeter Ă terre, l'enchainer comme la bĂȘte qu'il Ă©tait. Mais de toute Ă©vidence Kalhan n'avait pas besoin de chaines ou de fouet pour faire reculer son monstre. Comme si elle avait elle mĂȘme montrĂ© les crocs, l'immense Ligre recula prudemment. Le regard vissĂ© sur le visage rageur de Kalhan, l'Ombre n'en perdait pas une miette, fascinĂ©. Haha, regarde moi ça. Elle est parfaite . Le Suiveur siffla rageusement et, pour se venger, mordit une nouvelle fois le petit oiseau qui battait faiblement les ailes. Si elle n'Ă©tait que fumĂ©e elle arrivait Ă lui faire assez peur pour qu'elle croie qu'elle la mordait vĂ©ritablement. Chuintement feutrĂ©, l'Ombre fit un pas sur le cĂŽtĂ©, les bras croisĂ©s et le visage impassible. Cessant de fusiller son daĂ«mon de ses yeux bleus profonds, la belle laissa glisser ses yeux jusqu'Ă lui, lui dĂ©dia un sourire tellement plein de sadisme qu'il sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertĂ©brale. Ne rĂȘvez pas, ce n'Ă©tait pas de la peur, loin de lĂ . Un sourire mauvais montant sur ses lĂšvres, l'Ombre abaissa ses Ă©paules, laissa retomber ses bras et abaissa lĂ©gĂšrement son centre de gravitĂ© sans la lĂącher des yeux. Position de dĂ©fense. Une lueur veule traversa ses yeux gris. Provocation. AmĂšne toi ma belle, je n'attends que toi.. Quelque chose lui coupa la vue brusquement et l'Ombre leva lentement ses yeux, son sourire descendant et son visage impassible aussi froid que la mort n'annonçait rien qui vaille. Dis Ă ta bĂȘte de lĂącher GaĂŻa ou je te jure que je te dĂ©vore. »Se redressant lentement, l'homme se passa la langue sur les lĂšvres sans lĂącher le regard fauve du Ligre. Intentionnellement il s'approchait plus encore des crocs de la bĂȘte. Il pencha doucement la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©, se fendit d'un coup d'un immense sourire carnassier. D'un geste souple de la main il fit mine de saisir son poignard, ne fit que l'effleurer et la ramena devant lui, la leva vers les crocs du Ligre. Rapide. Trop rapide. Il s'arrĂȘta comme s'il rĂ©flĂ©chissait, quitta le Ligre des yeux un instant, cessa de sourire. Puis, narquoisement, il leva les yeux, sourit avec provocation et remua ses Ă©paules d'une maniĂšre plus fĂ©line qu'humaine. Aahh mais tu oublies quelque chose dans tes plans mon chaton. » il s'essuya la joue de son Ă©paule, eut un rire cynique. Se calmant, il se mit Ă susurrer ses paroles. As-tu dĂ©jĂ essayĂ© de dĂ©vorer de la fumĂ©e ? »Le Suiveur Ă©clata d'un rire narquois et l'Ombre bondit dans les airs, directement dans la gueule du Ligre. Quand il sentit la chaleur de cette gueule bĂ©ante le caresser il se transforma, fumĂ©e impalpable.. Le Suiveur s'immobilisa, laissant l'oiseau tomber, inanimĂ©e, sur l'armoire. Se lovant comme un chat sombre contre le mur elle vrilla le Ligre de ses pupilles vides. Sortir ? Ou dĂ©truire de l'intĂ©rieur ? DĂ©couper ? BrĂ»ler, dĂ©former, agiter, crocheter, dĂ©chirer... Stupide gros vilain chat »Se glissant entre les babines de l'animal ainsi que jusque dans ses sinus, se divisant en deux pour l'occasion, l'Ombre sortit du Ligre et vola jusqu'Ă son daĂ«mon. Dans un ronronnement profond, Le Suiveur lui sauta dessus, se fondit en lui. Un rire Ă©clata sur les murs de la bibliothĂšque et une colonne de fumĂ©e descendit jusqu'au sol. Apparaissant accroupit Ă quelques mĂštres derriĂšre le daĂ«mon, l'Ombre garda les yeux rivĂ©s au sol, le visage dissimulĂ© par sa capuche. Dans un vrombissement d'air, un autre chat noir de fumĂ©e se frotta contre lui, cracha vers Kalhan. Il redressa la tĂȘte, un sourire retenu aux lĂšvres. Non, voyons, rĂ©flĂ©chit petit animal stupide. Je n'hĂ©siterais pas un instant Ă t'attaquer, je sais que Kalhan ne ressent pas la douleur. Mieux, elle l'aime, n'est ce pas Kalhan ? » en trottinant, Le Suiveur s'approcha de l'autre Ă©vanouit et le renifla avec intĂ©rĂȘt. Lentement, l'Ombre se redressa. Imagine Kalhan, la beautĂ© de Naples de nouveau sous tes yeux. La splendeur de ses palais sous le clair de lune ; la magnificence de ses pavĂ©s lustrĂ©s par les ans ; l'odeur de tes rues sombres qui n'attendent que de revoir l'Ă©clat meurtrier de ta lame en action.. Non.. c'est vrai. J'oubliais. Tu n'a pas de lame. Peu importe ! Naples se languit du sang qui ne coule plus grĂące Ă toi Kalhan. »Se transformant en une hyĂšne complĂštement noire, Le Suiveur approcha ses crocs de l'homme en glapissant de joie. Rire veule. Rire hyĂšne. Kalhan XĂ©nia Grande gueule traumatiseuse de nouveaux en chef » Messages 4011Date d'inscription 13/08/2009Age 30Feuille de personnageAge de l'humain 19 ansPouvoir PsychokinĂ©sie Peut tout faire par l'espritRelations Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Sam 31 Juil - 1124 Sur lâĂ©tagĂšre, GaĂŻa Ă©tait prise au piĂšge. La chose le daemon de lâOmbre ne lui laissait pas de rĂ©pits. Pauvre GaĂŻa⊠Dommage, vraiment dommage. Tu, tu, tu⊠Aaron ne bougeait pas, il nâĂ©tait pas mort pour autant. Mais bon, tant pis. Il se rĂ©veillerait tĂŽt ou tard, peut-ĂȘtre alors priera-t-il pour que tout cela nâais jamais existĂ©. Son Ă©tat ne me prĂ©occupait pas pour lâinstant, Ă vrai dire il aurait tout aussi bien pu ĂȘtre une table, tout comme GaĂŻa bien que celle âci piaillait. Inutile, tellement inutile petite. Il ne sert jamais Ă rien de crier⊠combien de fois devrais-je le rĂ©pĂ©ter ?LâOmbre, sous son air machiavĂ©lique, se mit Ă ricaner Ă mes paroles. Aurais-je due mâen vexer ? Bah, on sâen fou et puis, câĂ©tait prĂ©vu. On nâappelle pas proie quelquâun quâon vient chercher. JâĂ©tais limite idiote de penser quâun individu comme lui, lâOmbre, aurait pu ĂȘtre un simple envoyĂ© et mĂȘme seulement travailler pour mon MaĂźtre. Trahir mon maitre⊠il lâavait fait le premier ! Mais câest vrai, je mâĂ©tais enfuie. Oui je lâavais trahi. Surpasser mon maĂźtre et en quel honneur ? Non, je ne le surpasserais jamais. Sans lui je nâaurais jamais Ă©tĂ© ce que je suis Ă prĂ©sent. Il nâa commis quâune seule erreur, et ce nâĂ©tait pas de mâenfermer. Je ne rĂ©pondis rien Ă ses paroles. Pourquoi faire ? Il avait tout dit. Si bien quâil mâaurait presque ennuyĂ© et jâen haussais les sourcils en levant les yeux au ciel lâair de dire sans blague tu mâen diras tant » je ne mâĂ©tais fait aucune illusion sur sa rĂ©ponse mĂȘme si elle dĂ©passait un peu ce Ă quoi je mâattendais. Au moins, maintenant jâĂ©tais fixĂ©, il nâĂ©tait pas lĂ pour me ramener et selon toute Ă©vidence il comptait me ramener. Mais pourquoi Ă©tait-il venu ici⊠quel hasard que nous nous retrouvions ! Je ne me souvenais pas de lui, mais il semblait quâil mâavait connu Ă Naples et mĂȘme pendant mon Son esprit est vide Ă lui aussi. Rien ne compte plus pour lui. Il sait⊠mais a-t-il vraiment compris ? Menacer lâOmbre, comme câest pathĂ©tique, tâaurais pu trouver mieux quand mĂȘme. Enfin, câest un dĂ©but. Toi qui avait toujours comptĂ© sur ton physique il va falloir compter avec ta tĂȘte maintenant et sans la mienne. Sans mon pouvoir. GaĂŻa, Aaron⊠câest ton combat, pas le fixait lâOmbre avait autant de haine quâil le pouvait. Mais sa colĂšre ne viendrait pas entraver ses rĂ©flexions. Oh non⊠mĂȘme si jusquâalors son jugement Ă©tait faussĂ©. Il vit lâhomme approcher, aucune crainte chez lui. Câen Ă©tait presque frustrant. Et ce sourire. Il nâaimait pas ça. Il nâavait jamais aimĂ© le sadisme qui Ă©manait de Kalhan, le mĂȘme que lâOmbre. Des fous, ils sont tous fou ! Quelle vie ! Un geste de lui, un seul⊠pour saisir son arme, et le ligre Ă©mit un grondement sourd venu du plus profond de son ĂȘtre. Touche-moi⊠allĂ© ! » Mais lâOmbre nâavait pas lâair de le vouloir. Il fit passer sa lame meurtriĂšre devant lui tout en lâeffleurant. Merde quâil Ă©tait rapide ! Mais il ne tuerait pas Ashkane, le ligre le pensait sincĂšrement, ce quâil voulait câĂ©tait Kalhan, alors il ne tuerait pas son daemon avant de sâĂȘtre amusĂ© avec elle. Un instant, trĂšs Ă©trangement, Ashkane cru quâil allait renoncer. Le ligre croyait encore sa victoire possible. Mais lâOmbre releva bien vite les yeux et Ashkane avait horreur quâon lâappelle ainsi. Plus encore venant de cet ĂȘtre la fumĂ©e ? Oui il lâavait vu se transformer en fumĂ©e mais⊠Et lâOmbre disparu dans un bond, droit sur le ligre, se dissipa soudain. Son corps disparu, a la place ne restait que de la fumĂ©e⊠Ashkane le sentit sâinsinuer en lui, sâinfiltrer dans son ĂȘtre. Lui, cette chose immonde. Mais le ligre ne bougea pas. Il avait peur lui, peur comme jamais. LâOmbre pouvait le tuer. Si facilement, sans mĂȘme quâil puisse se dĂ©fendre. Ashkane qui aimait tant se battre Ă©tait au supplice. Il avait lâair si dĂ©semparé⊠pauvre petit ressentais moi aussi ces sensations, comme si lâOmbre avait Ă©tĂ© en moi et pas en lui. CâĂ©tait quelque chose dâĂ©trange. De presque risible.* Ne bouge pas ** Tiens donc tâaurais finalement pas envie que je disparaisse ? ** Tâes vraiment con tu sais *LâOmbre fini par ressortir et sâĂ©lever vers son daemon. Les deux rĂ©unis redescendirent lentement, fumĂ©e flottante. Comment faisait-il pour rire sous cette forme ? Tant de chose Ă©tait possible de toute façonâŠLâHomme reparu enfin, accroupit juste la derriĂšre. Depuis le dĂ©but, jâavais refusĂ© de le regarder directement dans les yeux, mais ça viendrait. Je ne voulais y lire tout le sadisme et la maitrise de cet Ombre. Il portait vraiment bien son nom. Pas seulement parce quâil pouvait se transformer en fumĂ©e. Mais parce quâil Ă©tait vĂ©ritablement une ombre. Il savait se dissimuler et ne faire aucun bruit. CâĂ©tait terrible. Terriblement merveilleux. Son daemon sembla prendre la forme dâun chat mais il restait de la fumĂ©e. Il cracha vers moi et jâen levais un sourcil. Un problĂšme minou ?Ashkane câĂ©tait retournĂ© pour leur faire face. Il nâaimait pas ça. Non, voyons, rĂ©flĂ©chit petit animal stupide. Je n'hĂ©siterais pas un instant Ă t'attaquer, je sais que Kalhan ne ressent pas la douleur. Mieux, elle l'aime, n'est ce pas Kalhan ? »» Quâaurais-je du rĂ©pondre ? La douleur Ă©tait la seule sensation que je pouvais encore ressentir oui. Mais ce nâĂ©tait mĂȘme pas de la douleur, je sentais simplement un lĂ©ger picotement voir de la chaleur. Un simple message dans mes nerfs. Mais cela suffisait Ă me combler. Car la douleur Ă©tait si belleâŠ* Ăa oui, je mâen fou de te faire mal ! LĂąche ! TraĂźtre ! ** Et câest uniquement de ta faute * Et le ligre sâen trouva le souffle coupĂ©. Son cĆur Ă lui, que je ressentais si peu en temps normal, se serra. Oho des remords mon gros ? Parfait, parfait⊠nous approchions. Imagine Kalhan, la beautĂ© de Naples de nouveau sous tes yeux. La splendeur de ses palais sous le clair de lune ; la magnificence de ses pavĂ©s lustrĂ©s par les ans ; l'odeur de tes rues sombres qui n'attendent que de revoir l'Ă©clat meurtrier de ta lame en action.. Non.. c'est vrai. J'oubliais. Tu n'a pas de lame. Peu importe ! Naples se languit du sang qui ne coule plus grĂące Ă toi Kalhan. »La splendeur de Naples oui. Je fermais les yeux, rejetant la tĂȘte en arriĂšre. Un profond soupir mâĂ©chappa. Sous mes paupiĂšres closes dansaient les rues de Naples. Le jour et la nuit. Ses pavĂ©es rougit, ses odeur de mort sur les placesâŠpendant un temps je soignais mes entrĂ©e. Une vĂ©ritable mise en scĂšne⊠CâĂ©tait splendide. On parlait de moi. Le flĂ©au des rues. Princesse de la mort et autres surnoms. Mais câĂ©tait loin. Et cela ne mâattirais plus. Je ne voulais plus tuer. Pourquoi le faire ? Rien ne servait Ă rien. - Je ne retournerais pas Ă Naples. Je ne reviendrais pas. CâĂ©tait plus des paroles pour moi que pour lâOmbre. Jâavais dâailleurs gardĂ© ma Tu es sans doute lâĂȘtre le plus exceptionnel quâil mâait Ă©tĂ© donnĂ© de rencontrer. * Kal⊠Oh Kal⊠*Je rabaissais un peu la tĂȘte et cette fois, mes yeux se plantĂšrent dans ceux de lâOmbre. Gris. Non. Vous nâavez pas les mĂȘmes yeux. Parce que les siens, ceux dâAaron, sont plein de jamais lâOmbre nâaurait ce regard lĂ . Lentement, jâĂ©cartais les bras de mon corps, les Ă©levant doucement, les doigts Ă©cartais. Mâoffrant Ă lui. Vas y viens. Prends ! * Cânâest pas⊠** Nâessaie pas cette fois de me demander de vivre pour toi *Ashkane longea les Ă©tagĂšres. Cela ne le regardait plus. Il sâapprocha alors rapidement du corps dâAaron toujours Ă©tendu et lâenjamba, se postant entre lui et le daemon de fumĂ©e. Il avait bien vu que sous cette forme, lâOmbre avait pu le toucher, lui daemon. Il devait en ĂȘtre de mĂȘme en sens inverse. Il Ă©tait hors de question que cette chose de fumĂ©e mĂ©tamorphe fasse la moindre mal Ă lâhomme. Il ne savait pas encore ce quâil ferait, sans doute un acte dĂ©sespĂ©rĂ© qui faisait tant de bazar⊠lâexplosion de ses siens, bien quâil soit pĂ©tĂ© de trouille. * Aaron putain ! GaĂŻa ! RĂ©veillez vous !!! * Sur mon visage aucun sentiments, pas mĂȘme du sadisme. Un lĂ©ger sourire aux lĂšvres. Comme si une dĂ©cision avait Ă©tĂ© prise. SoulagementâŠNon, je ne suis plus Ă lui tu sais⊠tu as raison, il nâaurait pas du mâenchainer. La liberté⊠libre de faire ce quâil me plait. De me donner Ă qui je veux car je suis le maitre de mon destin et le capitaine de mon Ăąme. Je suis Ă moi seule. Alors ? Tu viens ? Prends-moi. Viens et prends. Laisse les Ashkane, la fĂȘte n'a pas encore commencĂ© L'OmbreMessages 36Date d'inscription 09/06/2010Feuille de personnageAge de l'humain Une trentaines d'annĂ©esPouvoir Se dĂ©sintĂšgre en Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Sam 31 Juil - 2208 Il la voyait dĂ©jĂ se parer de ce magnifique sourire plus tranchant que la gueule d'une louve, remuer ses Ă©paules comme si elle rĂ©flĂ©chissait, se jeter Ă sa tĂȘte pour tenter de le tuer. Quelle stupide erreur elle allait faire ! Mais peut importait, une fois qu'il l'aurait vaincue il irait aussi loin qu'il le pourrait, jusqu'Ă presque l'achever. La laisserait en vie. Prendrait soin d'elle, et il deviendrait le MaĂźtre de cette magnifique crĂ©ature. Le Suiveur eut un soupir dĂ©daigneux et il sourit en coin. Jusqu'Ă ce que je m'en lasse et que je la tue. C'Ă©tait aussi simple que ça, il suffisait simplement qu'elle lance le processus d'attaque et elle serait Ă lui. Cela serait si facile ! Si facile ! Il doutait qu'elle se serve de son pouvoir, sachant parfaitement de quelles capacitĂ©s son corps Ă©tait dotĂ©. Mais mĂȘme si elle le faisait il Ă©tait presque sur qu'en se transformant en fumĂ©e il Ă©chapperait Ă son contrĂŽle. Comment attraper de la fumĂ©e ? Elle leva le menton, dĂ©gageant son cou fin et dĂ©licat. L'Ombre frĂ©mit en voyant la jugulaire qui battait au rythme de son cĆur. Retint un rire carnassier. Passa sa langue sur ses dents. DĂ©cala son Ă©paule gauche en avant, Ă©tira la droite vers l'arriĂšre en sentant son articulation craquer dĂ©licieusement. Se stabilisa, parfaite garde verrouillĂ©e, sans issue pour une Kalhan qui allait se prĂ©cipiter dans ses bras sans rĂ©flĂ©chir. Ou alors en croyant le faire alors qu'il avait dĂ©jĂ tout prĂ©vu. Tu ne sais pas ce qui t'attend ma belle.. Je ne retournerais pas Ă Naples. Je ne reviendrais pas. »Bien, bien, parfait. Attaque Ă prĂ©sent. Place une derniĂšre accroche, fais mine d'ĂȘtre dĂ©solĂ©e ou rĂ©solue, et d'un coup attaque ! Aussi vive que l'onde, que le serpent, que la foudre ou que la lumiĂšre. DĂ©vastatrice, intemporelle et insaisissable. Jusqu'Ă ce que je te stoppe. Aussi facilement que l'on ferme une porte. Viens Kalhan ! Viens, je t'attends ! Tu es sans doute lâĂȘtre le plus exceptionnel quâil mâait Ă©tĂ© donnĂ© de rencontrer. »Un compliment ? L'Ombre arqua un sourcil, se dit qu'aprĂšs tout c'Ă©tait une assez bonne diversion. Pourquoi pas aprĂšs tout ! La preuve Ă©tait que lui mĂȘme laissait son esprit vagabonder lĂ©gĂšrement. Mais il Ă©tait capable de se battre en pensant Ă autre chose, et ça ne lui posait aucun problĂšmes. Les diversions ne marchaient jamais avec lui. Sortant de la torpeur dans laquelle elle s'Ă©tait glissĂ©e, parlant sans se soucier du monde alentour, Kalhan riva pour la premiĂšre fois ses yeux dans les siens. L'Ombre se figea, si c'Ă©tait plus encore possible. Cessa de cligner des yeux. Se perdit tout entier dans les puits sans fonds qu'offraient les pupilles sombres de la jeune femme. Sentit quelque chose qu'il n'avait jamais Ă©prouvĂ©. Traits qui se crispent, souffle qui s'intensifie, lĂšvres pincĂ©es.. Seuls ses yeux restĂšrent de marbre. Ă©tait lĂ , aurait du avoir peur, Ă©prouver quelque chose comme du respect, de la rage, de l'acharnement, une pointe de sadisme, un plaisir retenu avant le combat, mais rien de tout ça Ă©clairait les traits de Kalhan en cet instant. L'Ombre sentit le coin de ses lĂšvres se tordre dans un rictus alors qu'il serrait les dents. Qu'est ce que.. cette horrible chose. Il sentit une rage nouvelle enflammer ses veines et inspira profondĂ©ment pour calmer son souffle. Elle rayonnait tellement d'une telle paix qu'elle lui meurtrissait l'Ăąme rien que de la regarder. Lui donnait envie de vomir. Personne n'avait le droit d'ĂȘtre en paix alors qu'il Ă©tait dans les parages. Dans un geste gracieux, Kalhan Ă©carta les bras, s'offrant toute entiĂšre Ă lui. Un rire sardonique et amer s'Ă©chappa de ses lĂšvres...Le Suiveur feula lorsque l'immense Ligre se plaça entre elle et sa future proie. Elle se pourlĂ©cha les babines et dans un balancement canin des Ă©paules grandit, grandit, jusqu'Ă atteindre la taille du Ligre. Un rire narquois retentit dans la piĂšce et elle hĂ©rissa des poils de fumĂ©e sur son dos. Crachant de nouveau, elle Ă©tait devenue panthĂšre, mais ses traits bougeaient trop pour se fixer sur une seule forme. A moi. » tonna-t-elle en avançant brusquement en avant pour faire reculer le Ligre. Elle n'avança pas plus, feula encore et se fendit d'un grand sourire digne d'un chat de Cheshire. Toi croire empĂȘcher moi avoir proie ? Niaha, stupide gros vilain chat Gris Ă moi ! Pas Ă toi ! Toi rien pouvoir faire pour sauver Gris Toi faible Toi chaton, hihi » un grondement sourd s'Ă©chappa de sa gorge. Reculer. Ou manger cĆur de l'intĂ©rieur »Se campant sur ses appuis elle se prĂ©parait Ă se jeter Ă la gueule du Ligre, tĂȘte baissĂ©e, Ă©nergie amassĂ©e dans son dos puissant, lorsque son humain Ă©clata d'un rire qu'elle ne lui connaissait pas. Elle se redressa vivement, dressa ses oreilles vers son maĂźtre en oubliant totalement la prĂ©sence du daĂ«mon et de l'autre Ă ses pieds. Presque inquiĂšte, elle pencha la tĂȘte sur le cĂŽtĂ©, curieuse. MaĂźtre ? Rien ma belle, rien. Tu va t'occuper de ces deux lĂ et moi je m'occupe d'elle. Le Suiveur frissonna de contentement et poussa un jappement qui n'avait rien de fĂ©lin en grognant sur le Ligre. ..Un rire sardonique et amer s'Ă©chappa de ses lĂšvres. Si elle croyait qu'elle allait gagner de la sorte elle se trompait ! Qu'est ce que tu crois pouvoir faire Kalhan ?! Tu crois que je vais t'Ă©pargner simplement parce que tu refuse de te battre ? » il secoua la tĂȘte en riant de nouveau. Tu crois que te laisser tuer si stupidement effacera tes meurtres Ă Naples et ailleurs ? RĂȘve. RĂȘve, espĂšre et dĂ©sespĂšre Kalhan, jamais cela ne se rĂ©alisera. Crois moi sur parole. » finit-il par cracher rapide qu'il pouvait l'ĂȘtre, portĂ© par sa rage et son envie de meurtre, l'Ombre se porta en avant. Se jetant au sol il balaya sous les pieds de Kalhan, se releva sans savoir si elle avait sautĂ© ou pas et d'une torsion du buste lança sa main tendue vers le plexus solaire de la jeune femme. Respiration coupĂ©e, cerveau mal irriguĂ© en oxygĂšne, perte de ses moyens et.. Contenu sponsorisĂ©Sujet Re Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Devenir une ombre parmi les ombres [L'Ombre et Aaron] Page 1 sur 1 Sujets similaires» I'm singing in the Rain Ombre» Je serai comme une ombre, Ă chacun de tes pas, qui frappe et qui s'en va.» Venez faire corps avec l'Ombre !» Dans un long couloir, elle aperçoit son ombre - PV» //* Aaron's Liinks âą++.Permission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumLindwĂŒen DaĂ«mon Inside ; Du cĂŽtĂ© de l'universitĂ© » + LA BIBLIOTHĂQUESauter vers
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